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sence de cette seve par le développement sensible des boutons, par l’extension visible des parties herbacées, & par la facilité qu’ils ont alors de séparer le bois d’avec l’écorce.

La plus grande partie de la lymphe qui est aspirée par les plantes, n’est que de l’eau pure qui sert de véhicule à une très-petite quantité de matiere propre à nourrir les végétaux : cette matiere consiste 1°. dans une terre extrèmement subtilisée, telle que l’eau la peut entraîner avec soi sans perdre sa transparence ; & l’expérience journaliere prouve qu’il n’y en a pas de meilleure que celle qui est tirée des débris des végétaux, lorsque la fermentation ou la pourriture a fait une parfaite résolution de leurs parties. A cette terre se joignent des sels, & peut être par leurs moyens quelques substances huileuses : ces matieres se combinent quelquefois avec des sucs qui se déposent pendant l’hiver dans l’intérieur des vaisseaux séveux : par exemple, celle qui découle au printems par les incisions profondes que l’on fait aux érables blancs du Canada, quoiqu’elle paroisse semblable à de l’eau la plus pure & la mieux filtrée, contient néanmoins un quarantieme de vrai sucre dont elle se charge sans doute en s’élevant dans les vaisseaux séveux, ou bien peut être l’eau passe t-elle toute sucrée dans les racines, après s’être chargée de cette substance sur les feuilles qui sont tombées à l’automne, & qui se sont conservées sous la neige pendant l’hiver.

Il nous suffit ici d’observer que l’eau qui doit porter les sucs nourriciers dans les secrétoires, forme la plus grande partie de la lymphe qui est aspirée par les racines, & qu’après avoir servi à cet usage, elle sort par les pores des feuilles sous la forme d’une vapeur insensible.

Cette transpiration étant à-peu-près la dépense journaliere des végétaux, nous sert de mesure pour déterminer la quantité & les mouvemens de cette seve aqueuse que les racines doivent tirer de la terre pour y suppléer : examinons donc d’après les expériences de M. Hales, les phénomenes de cette transpiration.

On a pris un grand soleil de jardin helianthus annuus, qui avoit été élevé exprès dans un pot ; on a couvert le pot d’une plaque de plomb laminé percée de trois trous, savoir l’un au centre pour laisser passer la tige de la plante ; l’autre vers la circonférence afin de pouvoir arroser, & le troisieme vers le milieu auprès de la tige, pour recevoir un tuyau de verre par lequel l’air pût communiquer sous la platine : on cimenta exactement toutes les jointures, & le trou destiné aux arrosemens fut bouché avec un bouchon de liége. On pesa le pot matin & soir pendant un mois à-peu-près tous les deux jours ; déduction faite de deux onces par jour, pour ce qui s’évaporoit par les pores du pot, il résulta qu’en 12 heures d’un jour fort sec & fort chaud, la transpiration moyenne de ce soleil montoit à vingt onces, & à près de trois onces pendant une nuit chaude, seche, & sans rosée : elle étoit nulle lorsqu’il y avoit eu tant-soit-peu de rosée ; mais lorsque la rosée étoit assez abondante, ou que pendant la nuit il tomboit un peu de pluie, le pot & la plante augmentoient du poids de deux à trois onces.

Ayant mesuré exactement la surface de toutes les feuilles des racines & la coupe horisontale de la tige, on a trouvé que la hauteur du solide d’eau évaporé par la surface de toutes les feuilles, étoit de pouce en 12 heures, de pouce par celui qui a été aspiré par la surface totale des racines, & de 34 pouces pour celui qui a passé par la coupe horisontale de la tige. On a trouvé par de semblables expériences répétées sur différentes plantes, que les solides d’eau transpirés en 12 heures de jour par la sur-

face de chacune de ces plantes, sont de

de pouce pour le soleil,

de pouce pour un cep de vigne,

de pouce pour un chou,

de pouce par un pommier,

de pouce pour un citronnier.

On a arraché au mois d’Août un pommier nain, & après l’avoir pesé on a mis ses racines dans un bacquet qui contenoit une quantité d’eau connue ; elles attirerent 15 livres d’eau en dix heures de jour, & l’arbre transpira dans le même tems 15 livres huit onces, c’est-à-dire, huit onces de plus que ses racines n’avoient attiré.

On a mis dans des caraffes pleines d’eau & bien jaugées, des branches de pommier, de poirier, d’abricotier, & de cerisier ; on avoit coupé de chaque arbre deux branches à-peu-près égales, à l’une desquelles on conserva toutes ses feuilles, au lieu qu’on les arracha à l’autre : les branches qui avoient conservé leurs feuilles, tirerent à raison de 15, 20, 25, & même 30 onces d’eau en 12 heures de jour ; & lorsqu’on les pesa le soir, elles étoient plus légeres que le matin. Celles qui étoient dépouillées de leurs feuilles, n’avoient tiré qu’une once, & fort peu transpiré ; car elles étoient plus pesantes le soir que le matin.

Des branches d’arbres verts traitées de la même maniere, tirerent très-peu, & transpirerent aussi fort peu.

On a ajusté une branche de pommier garnie de toutes ses feuilles à un tuyau de verre de neuf piés & d’un demi-pouce de diametre ; l’ayant ensuite rempli d’eau & renversé la branche, elle pompa l’eau du tuyau à raison de trois piés dans une heure : ensuite on coupa la branche à 15 pouces au-dessous du tuyau, & on mit tremper la partie retranchée dans une caraffe pleine d’une quantité d’eau connue. On recueillit avec précaution l’eau qui continua à sortir du bâton, & il n’en passa que six onces en 30 heures, quoiqu’il y eût toujours dans le tuyau de verre une colonne d’eau de sept piés de hauteur. Dans le même tems le reste de la branche garnie de feuilles, tira 18 onces d’eau de la caraffe : la force qui a fait transpirer l’eau par les feuilles, en a donc fait élever trois fois davantage dans le même tems que le poids d’une colonne de sept piés n’en a pu faire descendre.

Cette force avec laquelle l’eau est aspirée contre son propre poids, est bien plus grande encore qu’elle ne paroît dans cette expérience ; car lorsqu’on a ajusté une pareille branche de pommier garnie de toutes ses feuilles à un tuyau de verre assez gros pour contenir avec la branche une ou deux livres d’eau, & qu’à l’autre extrémité de ce tuyau on en a soudé exactement un autre de deux piés de long, & d’un quart de pouce de diametre ; & qu’après avoir rempli d’eau tout cet appareil, & mis le doigt sur l’ouverture du petit tuyau, on l’a renversé & plongé son extrémité dans une cuvette pleine de mercure : on a observé que l’eau fut aspirée par la branche avec assez de vîtesse & assez de force, pour faire élever le mercure à 12 pouces dans le petit tuyau ; ce qui est équivalent à une colonne d’eau de 14 piés ; & il n’est pas douteux que le mercure ne se fût élevé encore davantage sans les bulles d’air qui sortoient de la branche, & qui s’élevant au-dessus de l’eau, faisoient nécessairement baisser le mercure.

Cette expérience ne réussissoit jamais mieux que quand le soleil frappoit vivement sur les feuilles : le mercure baissoit de quelques pouces vers le soir, & quelquefois même tout-à-fait ; mais il remontoit le lendemain dès que le soleil frappoit la branche. Cette force au reste est proportionnelle à celle qui anime la transpiration : dans l’expérience faite avec une branche de pommier privée de ses feuilles, le mer-