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plus grand nombre des plantes & des arbres, cette écorce est parsemée de glandes & de poils de toutes sortes de figures, qui sont autant de canaux par lesquels la feuille absorbe ou transpire une grande quantité de vapeurs.

Cette écorce est recouverte de l’épiderme à laquelle elle est intimement adhérente : c’est une membrane transparente très-serrée & très-élastique, précédée d’une infinité de pores pour laisser passer les vaisseaux excrétoires ou absorbans de la feuille : au reste cette épiderme est très-aisément affectée par la chaleur & par l’humidité : elle fait éprouver à la feuille différens mouvemens, suivant que les différentes qualités de l’air alterent son ressort.

On ne sauroit douter que les feuilles ne contribuent beaucoup à la perfection des bourgeons. Les arbres qu’on dépouille de leurs feuilles dans le commencement du printems périssent ou ne font que des pousses languissantes : les bourgeons de l’année suivante sont petits & maigres, & ne portent point de fruit, c’est ce qu’on observe aisément sur la vigne lorsque la gelée du printems en détruit les feuilles & les jeunes pousses.

L’abondance & la vigueur des feuilles entretient puissamment le cours de la seve, & contribue par-là à l’accroissement de l’arbre : si on dépouille un jeune arbre vigoureux dans le fort de sa seve, & lorsque son écorce se détache aisément du bois, on observera que la seve cessera de monter, & qu’en un jour ou deux l’écorce sera tout-à-fait adhérente au bois.

Les boutons qui se trouvent dans les aisselles des feuilles, ainsi que celui qui termine la tige, doivent être regardés comme les germes des bourgeons, c’est-à-dire, des nouveaux arbres qui se formeront l’année suivante : ils sont formés par une expansion de la substance médullaire, enveloppée de fibres ligneuses du livre d’écorce, & enfin de plusieurs écailles enduites souvent d’une matiere résineuse qui les préserve de l’humidité & de la gelée : on pourroit les regarder comme des especes de serres, dans lesquelles ces jeunes arbres trop tendres sont défendues des rigueurs de l’hiver : on observe que les boutons des arbres qui croissent entre les tropiques, sont dépourvus de ces enveloppes dures, qui ne sont nécessaires qu’à ceux qui vivent dans des climats où ils ont à essuyer de violentes gelées.

Les feuilles sont toutes formées dans le bouton, comme elles l’étoient dans la plume : elles se développent & s’alongent de la même maniere que celles de la tige, & le corps du bourgeon s’accroît aussi de la même maniere que le jeune arbre nouvellement sorti de sa graine.

Enfin, lorsque l’arbre a acquis un certain degré d’accroissement, il se fait sur le dernier bourgeon une production d’un nouvel ordre, & qui semble être la perfection de tout l’ouvrage de la végétation : c’est celle des parties qui doivent servir à multiplier l’espece, & dont nous donnerons le détail, lorsque nous aurons parlé des liqueurs & des mouvemens de la seve dans les végétaux : il nous suffit d’annoncer présentement que l’écorce de l’extrémité du bourgeon se dilate dans toute la circonférence pour former le calice de la fleur : que la corolle paroît formée de même par le livre, les étamines par le corps ligneux, & le pistil qui renfermera le semences, par la substance médullaire.

Nous n’avons regardé jusqu’ici les fibres des couches ligneuses & corticales que comme des parties solides qui entrent dans la composition des végétaux ; nous devons les considérer maintenant comme des vaisseaux qui contiennent des fluides, & tâcher de déterminer leurs fonctions & leurs usages.

Le plus ample de tous ces vaisseaux est sans contredit le tissu cellulaire ; son étendue immense depuis

la racine jusqu’au sommet des plus grands arbres, sa présence au centre, entre les couches ligneuses & dans presque toute l’écorce, dans la plus grande partie des feuilles, des fleurs & des fruits, mais principalement dans l’arbre naissant & dans toute l’étendue des bourgeons, doit le faire regarder comme un réservoir où la nature dépose les sucs qu’elle destine à la nourriture & à l’accroissement des végétaux ; il est vraissemblable que les cellules de ce tissu communiquent avec les vaisseaux qui le traversent, & auxquels il est toujours étroitement uni : c’est du-moins ce qu’on doit conclure de la facilité avec laquelle une plante hâlée se rétablit dans son état de fraîcheur après une pluie d’orage ou bien quand on l’arrose, & aussi de différentes teintes que ce tissu reçoit lorsqu’on fait tremper les racines ou des rameaux de plantes dans des liqueurs colorées. Au reste ce tissu renferme différens sucs suivant la nature des vaisseaux auprès desquels il est situé ; ainsi sous l’épiderme des feuilles le parenchyme est rempli du suc qui doit s’exhaler par la transpiration dans les racines ; il reçoit les sucs de la terre, & les transmet aux vaisseaux du bois ; autour du livre il contient cette humeur gélatineuse qui sert à la nutrition immédiate des parties.

Après le tissu cellulaire, les vaisseaux les plus remarquables par leur grandeur sont les vaisseaux propres & les trachées ; les vaisseaux propres contiennent des sucs tout-à-fait différens de la seve & particuliers à chaque plante ; on les observe dans toute la substance des végétaux ; quelquefois, mais rarement, dans la moëlle, on en voit entre les couches du bois ; mais c’est dans l’épaisseur de l’écorce qu’ils se trouvent le plus ordinairement ; ils s’étendent en ligne droite suivant la longueur de la tige & des branches, depuis les racines jusqu’aux feuilles.

La couleur, l’odeur & le goût de ces différens sucs les font aisément reconnoître ; ainsi dans le figuier, le tithymale & les campanules, ils contiennent un suc laiteux ; dans l’éclaire il est jaune, dans quelques especes de lapathum il est rouge, dans les pruniers & les abricotiers c’est un suc gommeux, dans les pins, les térébinthes & les sumachs, c’est une résine claire & inflammable.

Ce sont ces différens sucs contenus dans les vaisseaux propres qui donnent aux plantes le goût, l’odeur & les autres qualités qu’elles possedent ; on reconnoit par l’âcreté que l’on sent en mâchant, l’éclaire & le tithymale, soit peu de tems après leur naissance, soit que leurs vaisseaux propres soient déja formés dans le germe, & il y a lieu de croire qu’ils s’accroissent par une organisation particuliere. Au reste l’intérieur de ces vaisseaux, qui sont assez gros dans les arbres résineux, lorsqu’on a nettoyé les sucs qu’ils contiennent, laisse voir au microscope des floccons cellulaires très-fins, qui pourroient bien être l’organe secrétoire des sucs propres. Nous ne connoissons guere de quel usage sont ces sucs dans la végétation ; nous voyons seulement que les sucs gommeux & résineux servent à enduire les écailles des boutons & à les défendre de l’humidité qui pourroit y pénétrer, & les faire périr pendant l’hiver.

Lorsqu’on coupe avec précaution l’écorce d’un très-jeune arbre, & qu’on rompt doucement sa tige en la tordant un peu, on apperçoit à l’endroit de la fracture des filets blancs, brillans, élastiques, qui paroissent au microscope comme un ruban tourné en maniere de tire bourre, & qui forment un vaisseau spiral & cylindrique.

On n’apperçoit point ces sortes de vaisseaux dans l’écorce ni dans la moëlle ; ils ne sont bien sensibles que dans le jeune bois de l’arbre naissant & des bourgeons ; à mesure que le bois s’endurcit, on les découvre plus difficilement, & ils sont tellement adhérens