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bois), qu’il s’est formé sous ces écussons des lames très-minces de bois, qu’on reconnoît aisément pour être du pêcher ou du saule : or ces petites lames n’ont pu être formées que de la substance de leurs écussons, c’est-à-dire, de la petite portion de liber qu’ils renfermoient.

De plus, si on laisse exprès un peu de bois de pêcher ou de saule sous de semblables écussons, la greffe, qui réussit alors bien plus difficilement, laissera voir qu’il s’est formé une couche de bois toute nouvelle, entre celui qu’on avoit laissé & le livre de l’écusson, par lequel cette greffe s’est unie avec le sujet, tandis que l’ancien bois meurt ou languit sans jamais se coller au bois du sujet.

La formation des couches corticales & ligneuses nous a conduit à examiner d’abord comment les arbres croissent en grosseur ; reprenons notre arbre nouvellement germé pour considerer comment il s’éleve, & comment se fait l’allongement de sa tige. Nous ne sommes pas plus instruits sur la cause de l’alongement des fibres & des vaisseaux, que sur celle de leur formation : ces mysteres dépendent d’un méchanisme trop subtil pour nos sens, & des lois que le Créateur a imposées à chaque organisation qu’il a créées, tout ce que nous pouvons appercevoir, c’est que ces fibres croissent par la formation de nouveaux organes, & que l’accroissement cesse quand ces organes ont acquis la perfection qu’ils doivent avoir.

Tant que les fibres du germe se conservent tendres & souples, elles s’alongent par l’admission des nouveaux sucs, & par les principes solides qu’ils y déposent ; les vésicules cellulaires se gonflent & se multiplient, & fournissent au livre la matiere de son accroissement : à mesure que son organisation se perfectionne, il forme à son tour les fibres corticales du côté de l’épiderme, & les fibres ligneuses du côté du centre.

A peine donc la tige du jeune arbre est-elle redressée & sortie d’entre les lobes, qu’on apperçoit dans sa tige les premiers fibres de l’écorce & du livre déjà formées au-dessus des lobes : tant que celles-ci sont molles & souples, elles sont capables d’alongement ; dès qu’elles sont endurcies, elles cessent de croître : comme elles se forment d’abord vers le bas de la tige, c’est-là précisément qu’elles s’endurcissent le plus promptement, & c’est aussi par cette partie qu’elles croissent le moins ; & comme le jeune arbre tire chaque jour plus de nourriture en grandissant, aussi l’allongement de la partie tendre & herbacée de sa tige augmente-t-il de jour-en-jour, tant que la saison favorise la végétation. Enfin aux approches de l’automne l’accroissement diminue, & s’arrête tout-à-fait, par un ou plusieurs boutons qui terminent la jeune tige.

Si on arrache ce jeune arbre, & qu’on le fende suivant sa longueur depuis le bouton jusqu’à la racine, on observera dans le centre un noyau médullaire cylindrique qui s’étend depuis la racine jusqu’au sommet du bouton ; & s’il s’est formé des feuilles & des boutons le long de la tige, il y aura pareillement des productions de la moëlle qui iront s’y distribuer : ce noyau médullaire paroîtra accompagné d’une couche ligneuse fort épaisse vers le bas, & qui se termine en une lame très-mince au haut de la tige, excepté qu’elle s’épaissit un peu vers le bouton : le livre est alors tellement uni au bois, qu’on ne peut les distinguer que par la blancheur & le brillant de ses fibres ; enfin on verra les différentes couches de l’écorce plus épaisses aussi vers la base, & qui vont se perdre dans les écailles du bouton ; tâchons de confirmer ces vérités, & de les rendre plus claires par quelques expériences.

Lorsque la tige d’un arbre nouvellement formé n’avoit encore qu’un pouce & demi de hauteur, on l’a

divisée en dix parties, & on a enfoncé jusqu’au centre de petits fils d’argent très fins à l’endroit de chaque division : au bout de l’année tous ces fils s’étoient écartés les uns des autres, mais inégalement : l’écartement de ceux qui étoient vers le bas étoit le moins considérable, mais ceux qui étoient vers le haut s’étoient fort éloignés : tout étant demeuré en cet état, l’année suivante le bouton forma une nouvelle pousse ; lorsqu’elle eut 4 à 5 lignes, on la divisa de même en dix parties, & on y piqua d’autres fils d’argent ; ces fils s’éloignerent les uns des autres à-peu près dans la même proportion que ceux de l’année précédente, mais ceux de cette premiere année ne s’écarterent presque point.

On a enfoncé deux clous jusqu’au bois dans la tige d’un jeune arbre très vigoureux à la distance d’une toise exactement : on a remarqué au bout de plusieurs années que cet intervalle étoit resté le même, quoique l’arbre eût grandi considérablement, & qu’il fût aussi beaucoup grossi.

On observe que les branches latérales qui sortent du tronc d’un jeune arbre étêté restent toujours à la même hauteur tant que l’arbre est vivant, ainsi que les nœuds & les plaies qui ont pénétré jusqu’au bois : il paroît donc clairement établi que les jeunes tiges, ainsi que les nouveaux bourgeons, s’étendent dans toute longueur, mais beaucoup plus vers leur extrémité supérieure où la tige reste tendre pendant plus long-tems : mais que cet alongement diminue à mesure que le bois se forme, & qu’il cesse absolument quand les fibres ligneuses sont une fois endurcies.

On peut appliquer aux branches & aux racines tout ce que nous venons de dire touchant la structure & l’extension des parties du tronc en longueur & en grosseur, le mécanisme étant absolument le même : on observera seulement quant aux racines que leur alongement ne se fait point dans toute leur longueur, même lorsqu’elles sont les plus tendres, mais seulement par leur extrémité : on en voit la preuve dans les filets que l’on divise en parties égales avec un fil d’argent : les intervalles entre ces fils demeurent absolument les mêmes, quoique la racine continue à croître par son extrémité : & si on vient à couper seulement 3 ou 4 lignes de son extrémité, sa longueur est bornée, & elle ne deviendra jamais plus grande, elle ne s’étendra plus que par des rameaux.

Les feuilles sont les premieres productions de la tige ; les premieres de toutes sont déjà formées dans la plume (je ne parle pas des feuilles séminales, qui ne sont que les lobes de la semence qui s’étend quelquefois, & prennent la couleur verte des feuilles) : on y reconnoît leur figure & leur proportion : elles se développent aussi-tôt que la graine est germée, & elles s’étendent en croissant dans toutes leurs dimensions : elles accompagnent un bouton, pour lequel elles semblent destinées ; car elles ne tardent guere à se flétrir & à tomber, lorsque ce bouton a acquis tout ce qui lui est nécessaire pour produire un bourgeon. Les feuilles sont formées des mêmes substances que le tronc : une portion des vaisseaux lignaux, enveloppée des productions de l’écorce & de l’épiderme, semble se prolonger en s’écartant du tronc : ce faisceau détaché & alongé en maniere de queue, s’amincit ensuite en s’élargissant pour former le corps de la feuille : les fibres ligneuses avec leurs vaisseaux forment la principale nervure, & jettant des rameaux à droite & à gauche, elles font un réseau à grandes mailles, dont l’intervalle est rempli par la substance cellulaire : l’écorce couvre des deux côtés ce réseau ligneux ; on la distingue aisément par la finesse de ses vaisseaux, par la petitesse de ses mailles, & par la délicatesse de son parenchime : dans le