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cela ne peut faire qu’un bon effet ; il faut observer, si on leur donne de cette viande, que l’animal ne soit mort que de mal forcé, comme tours de reins, jambe cassée & autres accidens qui font tuer les chevaux sans être malades.

Il y a des exemples à rapporter sur cela : la plûpart des chiens anglois ne sont nourris que de chair de cheval ; nous avons eu dans la meute du roi des chiens d’un nommé Maisoncelle, qui élevoit des jeunes chiens aux environs de Paris ; il ne les nourrissoit que de chair de cheval ; nous n’avons point eu de chiens françois plus vigoureux ; ils avoient 26 pouces, & étoient très-beaux. M. le duc de Gramont avoit un équipage avec lequel il chassoit le cerf & le chevreuil ; il ne faisoit vivre ses chiens que de chevaux morts ; à la réforme de son équipage on en a mis environ une douzaine dans la meute du roi, qui étoient très-bons & vigoureux.

A un an on les doit mettre au chenil : c’est l’âge pour les accoutumer avec les autres à aller aux couples ; pour les y faire peu-à-peu, il faut d’abord les mettre avec des vieux chiens doux & sages, les mâles avec les lices, & les lices avec des mâles, les accoutumer à manger le pain sec avec les autres, à faire les curées, à apprendre leurs noms & l’obéissance, connoître les valets de chiens & la trompe. A quinze mois on fait chasser les lices, & à dix-huit les mâles : c’est l’usage qui est observé dans la vénerie du roi. Quand on les mene à la chasse les premieres fois, ils vont couplés avec les autres aux brisées ; un valet de chiens les prend à la harde, à laquelle il ne doit y en avoir que six pour pouvoir les mener plus aisément ; il se promene pendant la chasse ; s’il la voit passer, il se met sur la voie, afin de donner de l’émulation aux jeunes chiens en leur faisant voir passer & crier les autres, & tâcher de se trouver à la mort d’un cerf pour les faire fouler ; à la seconde chasse, si celui qui en est chargé peut se trouver à la fin d’un cerf qui ne doive pas durer long-tems, il peut les découpler, après en avoir demandé la permission à ceux qui peuvent la lui donner, & à la mort du cerf les laisser fouler ; & quand on dépouilleroit un peu du col, leur laisser manger de la venaison toute chaude : c’est une petite curée qui doit faire un très-bon effet ; aux chasses suivantes, on les peut découpler avec les autres, & avoir soin que les valets de chiens à pié les reprennent quand on les verra trainer derriere les autres ou dans les routes. Si l’on veut courre un second cerf, il faut les faire recoupler & renvoyer au logis, & observer cela jusqu’à ce qu’ils ayent atteint toute leur force, qui est à deux ans ; sans cela si on les laisse chasser tout le jour, & un second cerf, l’ambition des jeunes chiens étant de suivre les autres, quand on donne un relais frais, ils ne peuvent plus atteindre, ils s’efforcent, s’effilent, maigrissent, ont de la peine à prendre le dessus, & souvent ne reviennent point, périssent de maigreur, & ne peuvent plus prendre de force.

Jeunes chiens dans la meute pour les mener à la chasse. Quand on met une grande quantité de jeunes chiens dans la meute, & que l’âge exige de les faire chasser, on peut en mettre deux à chaque relais de ceux qui ont déja été à la chasse & découplés jusqu’à ce qu’ils aient pris assez d’haleine & de force pour suivre les autres ; sur seize à vingt chiens qu’il y a ordinairement à chaque relais, les deux jeunes chiens ne peuvent y faire aucun tort ; les vieux les maîtriseront toujours ; si la chasse prenoit un parti contraire au relais, & qu’on l’envoyât chercher, on fait deharder le relais, afin qu’ils aillent plus à leur aise deux-à-deux qu’à la harde ; on les emmene au petit galop ; le valet de chien à pié doit prendre les deux jeunes qui avoient été mis au relais, les mener doucement, & les faire boire quand ils trouvent de l’eau ; s’il re-

joint la chasse, & qu’elle aille bien, il les découplera,

afin qu’ils chassent avec les autres.

Il seroit à-propos de les promener dans les forêts où l’on veut les faire chasser, pour qu’ils apprennent à connoître les chemins, afin que quand ils se trouveroient égarés & seuls, ils reconnussent les routes pour revenir au chenil, & cela plusieurs fois avant de les découpler, & changer de promenade chaque fois, pour leur apprendre à connoître tous les cantons de la forêt.

La meute de S. M. Louis XV étoit composée de cent quarante chiens ; en 1764, le roi en a réduit le nombre à cent. L’on mene ordinairement cent ou quatre-vingt-dix chiens à la chasse partagés en quatre parties ; les chiens de meute qui sont les plus jeunes & les plus vigoureux sont découplés les premiers au nombre de 40 à 50 ; les trois autres relais sont composés du reste. A mesure qu’un chien de meute se fait sage, il est descendu à la vieille meute ; ceux de la vieille meute qui baissent un peu de vigueur & de vitesse, sont mis à la seconde vieille meute ; & quand ceux-ci baissent, ils sont descendus de même aux six chiens, qui sont le troisieme & dernier relais ; les trois relais sont ordinairement de dix-huit à vingt chiens chacun, menés par un valet de chiens à cheval, & un à pié, qui ont à leur harde huit à dix chiens, & l’on n’en peut pas mener davantage ; (quand il n’y en auroit que huit à chaque harde, cela n’en feroit que mieux quand il faut avancer, & sur-tout au galop, ce qui arrive assez souvent) en les tenant, le grand nombre les gêne beaucoup ; ainsi, il reste toujours environ quarante à cinquante chiens au chenil les jours de chasse ; ce sont les lisses en chaleur, celles qui sont pleines, les malades, les maigres, les boiteux & les fatigués de la derniere chasse, cela fait que le nombre est toujours à-peu-près égal à la chasse ; pour cela on a réglé tous les relais sur la liste au nombre de vingt-quatre, pour que chaque relais se trouve rempli du nombre ci-dessus ; quand même ils se trouveroient tous en état, l’on n’en mene pas davantage à chaque relais pour la raison déja dite.

Maladies & mort des chiens en l’année 1763. En 1763, le nombre des chiens qu’on menoit à la chasse diminua bien par la maladie épidémique qui s’est jettée sur les chiens dans toute l’Europe, & dont la plus grande partie sont morts ; on a été réduit dans la grande meute du roi à ne mener à la chasse que quarante à cinquante chiens au plus : cette maladie a commencé en Angleterre, est venue en France, en Piémont, en Italie, en Allemagne, & dans presque toutes les provinces du royaume. Toutes les meutes du roi, des princes, seigneurs & gentilshommes en ont été attaquées, & la plûpart sont morts ; les chiens de basse-cour, de meûniers, bouchers, bergers & de chambre n’en ont pas été exempts.

Les limiers de la grande & petite meute du roi, sont presque tous morts ; on a été obligé, les jours de chasse, d’aller chercher à voir un cerf ; les piqueurs & valets de limiers alloient à cheval parcourir dans les endroits où le roi vouloit courre, ils cherchoient à voir un cerf quelques momens avant l’heure d’attaquer, & en venoient faire le rapport, on y alloit avec ce qu’il y avoit de chiens de meute au nombre de dix à douze qui s’étoient découplés, & autant à chacun des trois relais ; S. M. étoit obligée de chasser avec ce petit nombre.

L’on n’a pas encore pû trouver de remede à ce malheureux mal ; on en essaie tous les jours de nouveaux sans qu’on puisse trouver le véritable : la moitié des chiens des meutes du roi sont morts de cette maladie.

Les chasses que l’on fait avec ce petit nombre de chiens sont des plus belles ; en voilà plusieurs où