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qu’ils soient près des forêts ou des garennes, en y chassant ils s’éfileroient ou se feroient prendre par des loups, ou même par des passans. Il faut donc que cette nourriture se fasse où il y ait des pleines, prairies ou pâturages, où l’on nourrisse des vaches, afin que le lait, qui est la principale nourriture des chiens à cet âge, ne leur manque pas. On récompensera le maitre pour l’obliger à en nourrir d’autres avec le même soin. Salnove & Charles IX. recommandent, pour rendre les petits chiens plus beaux, de donner aux filles de quoi les rendre jolies. Mais surtout qu’on ne les fasse pas nourrir à des bouchers, cela les rend trop gras, trop foibles, trop pesans, & les accoutume tellement à la chair, que si on ne leur en donne souvent, ils deviennent maigres, sans vigueur, ne voulant pas la plûpart du tems manger du pain.

Leur nourriture doit être jusqu’à sept mois, selon le même auteur, de pain de froment mêlé avec du lait, & ensuite de l’orge. L’eau & la paille fraîche ne doivent point leur manquer : à 10 ou 12 mois on les retire pour les mettre au chenil, les accoutumer avec les autres, & les rendre obéissans. Salnove condamne les billots ; selon lui la meilleure & plus sûre méthode c’est, après avoir mis dans le chenil les jeunes chiens avec ceux qui sont dressés, de les mener à l’ébat avec eux deux fois le jour, coupler un jeune chien avec un vieux, après avoir choisi les plus doux, les plus patiens, les moins querelleurs, afin qu’ils les souffrent quelques jours se mouvoir & sauter autour d’eux sans les mordre ; & qu’il y ait des valets de chiens attentifs pour les déharder, les faire suivre & marcher avec les vieux, en les caressant de tems-en-tems, & lui démélant les jambes qui se prennent dans les couples ; on continuera ainsi sept à huit jours. C’est le tems qu’il faut à un jeune chien pour aller au couple. Les valets des chiens de garde doivent être plus exacts & plus attentifs au chenil quand on a mis de jeunes chiens, jusqu’à ce qu’ils soient accoutumés avec les vieux.

Tout ce que Salnove dit dans ce chapitre des jeunes chiens mis au chenil est en usage aujourd’hui. Cet auteur blâme qu’on nomme, qu’on sonne au chenil. Fouilloux est d’un sentiment contraire. Je crois qu’il est nécessaire que les chiens connoissent la trompe pour se rallier, & pour y venir quand ils sont égarés.

Usage qui se pratique présentement pour élever les jeunes chiens. J’ai rapporté le précis de tous les sentimens des auteurs qui ont écrit sur la chasse en françois, sur l’origine des chiens courans, leurs figures, celles des lisses destinées pour rapporter, leurs couvertures ; quand elles mettent bas, les soins qu’on doit en prendre, la quantité de petits qu’on doit leur laisser pour les nourrir, du tems qu’on doit les laisser sous leurs meres, ce que l’on doit observer pour les sevrer, pour les accoutumer à manger, le tems qu’il faut les mettre à la campagne chez les laboureurs, celui de les retirer & de les mettre au chenil, & les accoutumer à aller aux couples.

Je vais donner l’usage qui se pratique aujourd’hui pour les meutes du roi.

Sa majesté Louis XV. a fait construire un chenil à Versailles pour les éleves des jeunes chiens ; la distribution des logemens, chenils, cours, bassins, ne laisse rien à desirer pour toutes les commodités nécessaires, & chaque âge des jeunes chiens qui n’ont nulle communication les uns avec les autres.

Ce que je croirois à-propos, seroit d’y joindre une basse-cour, & qu’il y eût des vaches & autres animaux pour plusieurs raisons. La premiere, c’est que les petits chiens que l’on accoutume à prendre du lait au bout de six semaines ou deux mois qu’ils ont tetté, l’auroient pur & tout chaud sortant du pis de la vache ; on seroit sûr qu’il n’auroit point été baptisé,

comme est celui de la plûpart des laitieres qui l’apportent de la campagne, & qui mêlent celui du soir avec celui du matin. Une seconde raison est que dans l’écurie ou étable où seroient les animaux, je ferois faire au bout une séparation de claie, dans laquelle séparation il y auroit des petits compartimens de treillage pour y mettre les petits chiens de différens âges & leurs nourrices ; cette chaleur douce & naturelle se communiqueroit à eux, & pour l’hiver cela feroit un très-bon effet ; ils ne maigriroient ni ne dépériroient point comme ils font, la plûpart dans les froids qui leur sont très contraires, rien n’étant plus frileux que les petits chiens, & on seroit à portée de leur distribuer le lait avant qu’il eut le tems de se refroidir.

Quand ils commenceroient à se promener, je leur ferois voir les animaux en rentrant & en sortant, afin de les enhardir à tout, & qu’ils ne fussent ni hagars ni effrayés pour la moindre chose, comme ils le sont tous en sortant du chenil des éleves.

Nourriture des jeunes chiens. Le pain qu’on est dans l’usage à-present de donner aux chiens du roi, est de farine d’orge ; je demanderois que pour celui qu’on donne aux petits chiens jusqu’à l’âge de six mois, on fît bluter la farine d’orge avec moitié farine de froment, afin qu’il n’y eût ni son ni paille dans le pain qu’on leur donneroit, pour qu’ils le mangeassent mieux, qu’ils ne trouvassent rien de rude ni piquant à leurs petites gueules & petits gosiers, & qu’ils eussent moins de crainte en mangeant ; je leur ferois mettre de la mie de ce pain dans du lait soir & matin, & pendant la journée toujours des petits morceaux de ce même pain dans quelque chose de propre & où ils pussent atteindre pour en manger quand ils auroient faim. Comme ces petits animaux ont l’estomac chaud, & que leur digestion se fait promptement, ils ne souffriroient pas la faim si long-tems, & quand on leur donneroit à manger leur pain trempé dans du lait, ils le mangeroient moins avidement, & n’en prendroient pas à se faire devenir le ventre comme des tambours : ce qui est bien contraire à un chien courant. Salnove dit qu’on leur donnoit autrefois du pain de froment avec du lait jusqu’à sept mois. Je leur donnerois donc, comme il a été dit, le matin, du pain trempé dans le lait, dans la journée, du pain à ceux qui auroient faim, & le soir, si l’on veut, au lieu de lait avec du pain, je leur donnerois de la mouée. Cette mouée, comme elle se fait aujourd’hui, n’étoit point en usage autrefois : c’est une très-bonne nourriture ; on la fait avec les issues de bœuf, c’est-à-dire, piés, cœur, mou, foie, rate & pance bien lavés & bien nettoyés ; on les fait cuire ; on trempe du pain dans le bouillon, & la viande est coupée par petits morceaux, qu’on mêle avec le pain trempé : ce qui fait un mêlange très-nourrissant. On proportionne la quantité d’issues de bœuf au nombre de chiens qui doivent en manger ; pour vingt grands chiens il faut une issue ; ainsi on peut se régler sur la quantité de grands & de petits chiens ; il faut la donner à une chaleur modérée, c’est-à-dire, qu’on y puisse souffrir le doigt sans se brûler, & la faire manger aux petits chiens le soir : cela les soutiendra mieux que le lait & le pain pour leurs nuits qui sont souvent froides & longues.

On doit continuer cette nourriture jusqu’à six mois qu’il faut commencer à leur faire manger du pain tel qu’on le donne aux autres chiens de la meute, leur donner pendant quelque tems une fois de la mouée par jour, la leur diminuer peu-à peu & les accoutumer à ne manger que du pain, afin que quand on les met dans le chenil avec les autres, ils y soient faits, & n’y maigrissent point. Quand on leur feroit manger de tems-en-tems de la chair de cheval crue, sur-tout dans l’hiver, depuis six mois jusqu’à un an,