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on met ensuite six fils de chaine entre la premiere & la seconde maille de corps, six entre la seconde & la troisieme, & ainsi de suite.

D’où il arrive qu’il reste à la deux centieme maille de corps, trois fils de chaîne qui sont sur elle & hors du corps, & que l’on satisfait à toutes les conditions, ainsi l’ouvrier qui est entre le corps & l’ensuble de derriere, commence dans le cas dont il s’agit, par séparer avec un des doigts de la main droite, trois fils de chaîne, qu’il donne à l’ouvrier qui est entre le corps & l’ensuble de devant ; cet ouvrier les prend & les met entre une navette attachée à une tringle de bois fixée à son côté gauche, à l’estase, ou au cassin. Le premier ouvrier sépare six fils de chaînes, qu’il tend au second, qui les passe entre la premiere & la seconde maille de corps, & ainsi de suite jusqu’à la fin de la chaîne & des mailles de corps.

Les mailles de corps & les maillons ou fils de roquetin sont placés de maniere que la chaîne passe au-dessus des maillons ou fils de roquetins, à-peu-près de la hauteur de trois ou quatre pouces.

Il faut observer deux choses, c’est qu’il y a sur la premiere & la derniere maille de corps, outre les trois fils de chaîne dont nous avons parlé, les fils qui doivent composer la lisiere, qui sont en plus ou moins grand nombre, selon que l’on veut que la lisiere soit plus ou moins grande, ou forte ; ici il y a de chaque côté du corps pour faire la lisiere, quarante fils ; ces fils de la lisiere sont placés sur l’ensuble de derriere avec la chaîne, & envergés comme elle.

Après cette premiere distribution, on prend le châtelet, ou autrement dit la petite carette, & on la place sur les estases à côté du cassin ; ou plutôt tout cela doit être placé avant aucune opération.

La belle & bonne méthode pour monter un métier, soit velours, soit broché, est de bien ajuster & attacher le rame, les arcades & le corps, les ayant passés ainsi qu’il vient d’être exposé ; après quoi on enverge les mailles de corps selon l’ordre qu’elles ont été passées, & on passe dans l’envergure deux cannes ou baguettes assez fortes pour rendre le corps parallele à l’ensuple de devant ou de derriere : on fait descendre les deux cannes ou baguettes, près des aiguilles, à quatre pouces environ de distance l’une de l’autre, & quand il s’agit de passer les branches de roquetin dans les maillons, on n’a besoin que de suivre l’envergeure du corps. Ordinairement on passe la chaîne du velours entre les maillons, & après que la chaîne est passée, on tire l’envergure qui devient inutile, parce que chaque maille de corps est suffisamment séparée par les fils de la chaîne, qui ont précédé cette opération. Les roquetins sont toujours passés les derniers, au-lieu qu’ici c’est la premiere chose par laquelle on a débuté pour plus de clarté.

Pour se former une idée de la carette, imaginez, comme au cassin, deux morceaux de bois paralleles, de même grosseur, longueur, & tenus à quelque distance l’un de l’autre, & parallelement par deux petites traverses. Sur chacun de ces morceaux, on en assemble deux autres perpendiculairement, à quelque distance de l’extrémité des premiers qui servent de base à la carette ou au chatelet ; ces deux derniers ont plus ou moins de hauteur ; ils sont percés par leur extrémité chacun d’un trou corespondant qui puisse recevoir une verge de fer.

Perpendiculairement à l’extrémité des pieces qui servent de base, & parallélement à ces morceaux perpendiculaires & percés, on en éleve deux autres qui s’assemblent avec la piece de base, qui sont un peu plus bas que les morceaux percés, & qui sont assemblés par leur extrémité par une traverse.

On a autant de petits morceaux de bois plats, & allant un peu en diminuant par les bouts, de la longueur de trois piés, & percés tous par le milieu,

qu’il y a de lisses à l’ouvrage : on enfile ces morceaux de bois dans la verge de fer : on met entre chacun & les deux pieces perpendiculaires de la carette qui doit leur servir d’appui, en recevant dans les trous faits à leur extrémité, la broche qui les traverse, des petites roulettes de bois pour tenir ces especes de petits leviers séparés, qui outre les trous qui sont au milieu, en ont encore chacun un à chaque extrémité, dans une direction contraire à celui du milieu : car ces trous des extrémités sont percés de bas en haut, & ceux du milieu sont percés horisontalement ; on appelle ces petits leviers aleirons ; la verge de fer leur sert de point d’appui, & leur queue est soutenue sur la traverse des petites pieces perpendiculaires à l’extrémité des deux pieces qui sont paralle les aux morceaux percés qui reçoivent la broche ou fil de fer. Cet assemblage des aleirons, des morceaux de bois parallelement tenus par des traverses, des deux pieces percées par le haut & fixées à quelque distance des pieces paralle les de bases, & des deux autres moindres pieces, moins hautes que les précédentes, & assemblées par une traverse qui joint leur bout & placés tout-à-fait à l’extrémité des pieces de base & moins haute que les pieces percées ; cet assemblage s’appelle la carette ou le châtelet ; on le met à quelque distance du cassin, sur les estases, les extrémités du devant des aleirons répondans à l’endroit où doivent être placées les lisses, & les extrémités de derriere des aleirons, ou ceux qui portent sur la traverse & qui sont plus bas, débordant l’estase : on fixe le chatelet ou la carette dans cet état.

La carette fixée, on prend des ficelles qu’on passe par l’extrémité de derriere des aleirons, & on attache à ces ficelles des contrepoids capables de faire relever les extrémités de devant des aleirons lorsqu’ils seront tirés, il y a un contrepoids à chaque aleiron ; les ficelles qui joignent des extrémités de derriere des aleirons, aux contrepoids, sont passées auparavant dans un petit morceau de bois plat percé d’autant de trous qu’il y a de ficelles ; ces petits morceaux de bois empêchent les contrepoids de se mêler, & tiennent les ficelles dans une direction toujours parallele : on appelle les contrepoids carreaux ; ensuite on prend des ficelles qu’on plie en quatre ; il faut qu’elles aient, pliées en quatre, environ un pouce & demi de longueur ; ces ficelles pliées en quatre, forment deux boucles à l’une de leur extrémité : on fait un gros nœud à l’autre, de maniere qu’en passant les quatre brins par le trou fait à l’extrémité de devant des aleirons, ils ne s’en échapassent pas, ces quatre brins formant deux boucles, passées par le trou des aleirons, sont tournées en bas vers les marches ; & le nœud est en-dessus des aleirons : on prend autant de ces ficelles pliées en quatre, qu’il y a d’aleirons, & on les en garnit tous comme nous venons de dire.

Puis à chacune de ces boucles, on pratique le nœud coulant que nous avons appris à former, ce nœud à l’aide duquel un objet monte ou descend à discrétion ; il part donc deux boucles de l’extrémité de chaque aleiron, & de chacune de ces boucles, un nœud coulant.

Ces nœuds coulans sont destinés à tenir les lisses suspendues à la hauteur convenable ; il faut que les mailles des lisses de chaîne ou de piece, soient paralleles à la partie supérieure de l’ensuple de devant & de derriere, ensorte que les fils de chaîne, les mailles de remisse, ou de toutes les lisses de piece ou de chaîne, & la partie supérieure des ensuples, sont toutes dans un même plan horisontal.

On suspend ensuite les lisses de chaînes aux nœuds coulans qui partent des extrémités des aleirons, & on les tient dans la situation que nous venons d’indiquer.