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dans Paris, en présence de témoins ; on ajoûte que le grand-maître de l’ordre, même le grand-maître de Chypre, les maîtres de France, de Poitou, de Vienne, de Normandie, firent les mêmes aveux, à trois cardinaux délégués par le pape.

Ce qui est indubitable, c’est qu’on fit subir des tortures cruelles à plus de cent chevaliers, & qu’on en brûla vifs cinquante-neuf en un jour près de l’abbaye S. Antoine de Paris. Le grand bailli, Jacques de Nolay, & Guy, dauphin, fils de Robert II. dauphin d’Auvergne, commandeur d’Aquitaine, deux des principaux seigneurs de l’Europe, l’un par sa dignité, l’autre par sa naissance, furent aussi jettés vifs dans les flammes, le lundi 18 Mars 1314, à l’endroit où est à-présent la statue équestre du roi Henri IV.

Ces supplices dans lesquels on fait mourir tant de citoyens, d’ailleurs respectables, cette foule de témoins contre eux, ces nombreuses dépositions des accusés même, semblent des preuves de leur crime, & de la justice de leur perte.

Mais aussi que de raisons en leur faveur ! Premierement, de tous ces témoins qui déposent contre les Templiers, la plûpart n’articulent que de vagues accusations.

Secondement, très-peu disent que les Templiers renioient Jesus-Christ ; qu’auroient-ils en effet gagné en maudissant leur religion qui les nourrissoit & pour laquelle ils combattoient ?

Troisiemement, que plusieurs d’entr’eux, témoins & complices des débauches des princes & des ecclésiastiques de ce tems-là, eussent souvent marqué du mépris pour les abus d’une religion tant deshonorée en Asie & en Europe, qu’ils eussent parlé dans des momens de liberté, comme on dit que Boniface VIII. en parloit, c’est un emportement très-condamnable de jeunes gens, mais dont l’ordre entier n’est point comptable.

Quatriemement, cette tête dorée qu’on prétend qu’ils adoroient, & qu’on gardoit à Marseille, devoit leur être représentée : on ne se met pas seulement en peine de la chercher ; & il faut avouer qu’une telle accusation se détruit d’elle-même.

Cinquiemement, la maniere infâme dont on leur reprochoit d’être reçus dans l’ordre, ne peut avoir passé en loi parmi eux. C’est mal connoître les hommes de croire qu’il y ait des sociétés qui se soutiennent par les mauvaises mœurs, & qui fassent une loi de l’impudicité. On veut toujours rendre sa société respectable à qui veut y entrer, il n’y a pas d’exemple du contraire. On ne doit pas douter que plusieurs jeunes templiers ne s’abandonnassent à des excès honteux de débauche, vices qu’il ne faut point cependant divulguer par des punitions publiques.

Sixiemement, si tant de témoins ont déposé contre les Templiers, il y eut aussi beaucoup de témoignages étrangers en faveur de l’ordre.

Septiemement, si les accusés vaincus par les tourmens, qui font dire le mensonge comme la vérité, ont confessé tant de crimes, peut-être ces aveux sont-ils autant à la honte des juges qu’à celle des chevaliers : on leur promettoit leur grace pour extorquer leur confession.

Huitiemement, les cinquante-neuf qu’on brûla prirent Dieu à témoin de leur innocence, & ne voulurent point la vie qu’on leur offroit, à condition de s’avouer coupables.

Neuviemement, soixante & quatorze templiers non accusés, entreprirent de défendre l’ordre, & ne furent point écoutés.

Dixiemement, lorsqu’on lut au grand-maître sa confession rédigée devant les trois cardinaux, ce vieux guerrier qui ne savoit ni lire ni écrire ainsi que ses confreres, s’écria qu’on l’avoit trompé, que l’on avoit écrit une autre déposition que la sienne ;

que les cardinaux, ministres de cette perfidie, méritoient qu’on les punît, comme les Turcs punissent les faussaires, en leur fendant le corps & la tête en deux.

Enfin, on eût accordé la vie à ce grand-maître & à Guy, dauphin d’Auvergne, s’ils avoient voulu se reconnoître coupables publiquement, & on ne les brûla que parce qu’appellés en presence du peuple sur un échaffaut, pour avouer les crimes de l’ordre, ils jurerent que l’ordre étoit innocent. Cette déclaration qui indigna le roi, leur attira leur supplice, & ils moururent en invoquant la colere céleste contre leurs persécuteurs.

Cependant en conséquence de la bulle du pape & de leurs grands biens, on poursuivit les Templiers dans toute l’Europe ; mais en Allemagne ils surent empêcher qu’on ne saisît leurs personnes : ils soutinrent en Arragon des siéges dans leurs châteaux.

Enfin, le pape abolit l’ordre de sa seule autorité, dans un consistoire secret, pendant le concile de Vienne, tenu en 1312.

Les rois de Castille & d’Arragon s’emparerent d’une partie de leurs biens, & en firent part aux chevaliers de Calatrava. On donna les terres de l’ordre en France, en Italie, en Angleterre, en Allemagne, aux hospitaliers nommés alors chevaliers de Rhodes, parce qu’ils venoient de prendre cette île sur les Turcs, & l’avoient su garder avec un courage qui méritoit au-moins les dépouilles des chevaliers du Temple pour leur récompense.

Denis, roi de Portugal, institua en leur place l’ordre des chevaliers du Christ, ordre qui devoit combattre les Maures, mais qui étant devenu depuis un vain honneur, a cessé même d’être honneur à force d’être prodigué.

Philippe-le-Bel se fit donner deux cens mille livres, & Louis Hutin son fils, prit soixante mille livres sur les biens des Templiers. Le pape eut aussi sa bonne part de leurs dépouilles ; mais il faut lire sur toute cette affaire l’histoire des Templiers, par M. Dupuis.

L’abolition de leur ordre, ainsi que le supplice de tant de chevaliers, est un événement monstrueux, soit qu’on imagine que leurs crimes fussent avérés, soit qu’on pense, avec plus de raison, que la haine, la vengeance, & l’avarice les eussent inventés. Il est triste, en parcourant les annales du monde, d’y trouver de tels faits qui font frémir d’horreur. (D. J.)

TEMPLIN, (Géogr. mod.) petite ville d’Allemagne, dans l’électorat de Brandebourg, dans l’Ukermarck, près du lac de Dolgen, aux confins de la moyenne Marche. (D. J.)

TEMPLOIE, s. m. outil de Relieur, c’est une tringle de bois de 25 pouces de long sur 8 lignes environ de largeur, & 10 à 12 lignes de hauteur, échancrée par les deux bouts ; la couturiere met cette tringle dans la rainure de la table du cousoir, du côté où elle cout, après qu’elle y a passé les ficelles & qu’elle les a arrêtées dans les chevillettes ; elle sert à retenir les chevillettes sous la table & à rapprocher les ficelles contre le bord du cousoir. Voyez Cousoir, Chevillette.

TEMPLUM, ædes sacra, ædiculum, sacellum, fanum, delubrum, (Synonymes.) tous ces mots désignent en général des édifices sacrés, mais de diverses especes, que nous allons expliquer brievement.

Quoique templum soit générique, il s’applique spécialement à ces édifices sacrés qui surpassoient les autres en dignité & en sainteté de cérémonies ; ils étoient ordinairement voués par les rois, les consuls, les empereurs, pour obtenir quelque victoire à l’approche d’une bataille ; après la victoire, ils étoient bâtis par les vainqueurs sur les lieux désignés par les augures, ensuite dédiés & consacrés par certaines cérémonies qu’ils appelloient inaugurationes,