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des feuilles de plantin, mais plus grosses, plus longues, & d’un verd plus foncé ; elles naissent de chaque côté de la ligne alternativement ; ses fleurs sont noirâtres.

Plusieurs autres botanistes soutiennent que la plante de la vanille ressemble plus à la vigne qu’à aucune autre ; du moins, c’est ce qui a été certifié par le pere Fray Ignatio de sancta Theresa de Jesus, carme déchaussé, qui ayant long-tems résidé dans la nouvelle Espagne, arriva à Cadix en 1721, pour passer à Rome ; ce religieux plus éclairé & plus curieux en physique que ses compatriotes, se fit apporter par quelques valets indiens un grand sep de la plante où croit la vanille.

Comme il avoit déjà quelques connoissances sur cette plante, il appliqua son sep à un grand arbre, & entrelaça dans les branches de cet arbre tous les rejettons ou pampres du sep. Il en avoit laissé le bout inférieur élevé de 4 ou 5 doigts de terre, & l’avoit couvert d’un petit paquet de mousse seche pour le défendre de l’air. En peu de tems la seve de l’arbre pénétra le sep, & le fit reverdir ; au bout d’environ deux mois il sortit à travers le paquet de mousse, 5 ou 6 filamens qui se jetterent en terre : c’étoient des racines qui devinrent grosses comme des tuyaux de plumes au plus. Au bout de deux ans le sep produisit des fleurs, & puis des vanilles qui mûrirent.

Les feuilles sont longues d’un demi-pié, larges de trois doigts, obtuses, d’un verd assez obscur ; les fleurs sont simples, blanches, marquetées de rouge & de jaune.

Quand elles tombent, les petites gousses ou vanilles, commencent à pousser ; elles sont vertes d’abord, & quand elles jaunissent on les cueille. Il faut que la plante ait trois ou quatre ans pour produire du fruit.

Les sarmens de la plante rampent sur la terre comme ceux de la vigne, s’accrochent de même, s’entortillent aux arbres qu’ils rencontrent, & s’élevent par leurs secours. Le tronc avec le tems devient aussi dur que celui de la vigne ; les racines s’étendent & tracent au loin dans la terre ; elles poussent des rejettons qu’on transplante de bouture au pié de quelque arbre, & dans un lieu convenable : cette plantation se fait à la fin de l’hiver, & au commencement du printems.

Ce qu’il y a de singulier, c’est que, comme on a déjà vu que le pratiqua le P. Ignatio, on ne met pas le bout du sarment en terre, il s’y pourriroit. La plante reçoit assez de nourriture de l’arbre auquel elle est attachée, & n’a pas besoin des sucs que la terre fourniroit. La seve des arbres dans ces pays chauds de l’Amérique, est si forte & si abondante, qu’une branche rompue par le vent & jettée sur un arbre d’espece toute différente, s’y collera & s’y entera elle-même comme si elle l’avoit été par tout l’art de nos jardiniers ; ce phénomène y est commun.

C’en est un autre commun aussi, que de gros arbres qui de leurs plus hautes branches, jettent de longs filamens jusqu’à terre, se multiplient par le moyen de ces nouvelles racines, & font autour d’eux une petite forêt, où le premier arbre, pere ou aïeul de tous les autres, ne se reconnoît plus ; ces sortes de générations répétées, rendent souvent les bois impraticables aux chasseurs.

Description de la plante de vanille de S. Domingue. Cependant la plante de la vanille qui croît dans l’île de S. Domingue, que le R. P. Plumier décrit dans sa Botanique M. S. C. d’Amérique, n’est pas différente de celle dont Hermandez fait la description ; mais celle du botaniste françois est aussi bien détaillée que l’autre l’est mal.

Ce pere l’appelle vanilla flore viridi & albo, fructu nigrescente, Plum. nov. plant. amer. 25. Les racl-

nes de cette plante sont presque de la grosseur du

petit doigt, longues d’environ deux piés, plongées dans la terre au loin & au large ; d’un roux-pâle ; tendres & succulentes ; jettant le plus souvent une seule tige menue, qui comme la clématite, monte fort haut sur les grands arbres, & s’étend même au-dessus. Cette tige est de la grosseur du doigt, cylindrique, verte, & remplie intérieurement d’une humeur visqueuse ; elle est noueuse, & chacun de ses nœuds donne naissance à une feuille.

Ces feuilles sont molles, un peu âcres, disposées alternativement, & pointues en forme de lance ; longues de neuf ou dix pouces, larges de trois, lisses, d’un verd-gai, creusées en gouttiere dans leur milieu, & garnies de nervures courbées en arc. Lorsque cette plante est déjà fort avancée, des aisselles des feuilles supérieures il sort de longs rameaux garnis de feuilles alternes ; lesquels rameaux donnent naissance à d’autres feuilles beaucoup plus petites.

De chaque aisselle des feuilles qui sont vers l’extrémité, il sort un petit rameau différemment genouillé ; & à chaque genouillure se trouve une très-belle fleur, polypétale, irréguliere ; composée de six feuilles, dont cinq sont semblables & disposées presqu’en rose. Ces feuilles de la fleur sont oblongues, étroites, tortillées, blanches en-dedans, verdâtres en-dehors. La sixieme feuille, ou le nectarium, qui occupe le centre, est roulée en maniere d’aiguierre, & portée sur un embryon charnu, un peu tors, semblable à une trompe. Les autres feuilles de la fleur sont aussi posées sur le même embryon, qui est long, verd, cylindrique, charnu. Il se change ensuite en fruit, ou espece de petite corne molle, charnue, presque de la grosseur du petit doigt ; d’un peu plus d’un demi-pié de longueur ; noirâtre lorsqu’il est mûr, & enfin rempli d’une infinité de très-petites graines noires. Les fleurs & les fruits de cette plante sont sans odeur.

On la trouve dans plusieurs endroits de l’île de S. Domingue : elle fleurit au mois de Mai. Cette vanille de S. Domingue ne paroit différer de celle du Mexique, dont Hermandez a fait la description, que par la couleur des fleurs, & par l’odeur des gousses : car la fleur de celle-là est blanche & un peu verte, & la gousse est sans odeur ; mais la fleur de celle du Mexique, suivant la description d’Hermandez, est noire, & la gousse d’une odeur agréable.

Description de la plante de vanille de la Martinique. Le P. Labat assure dans ses voyages d’Amérique, qu’il a trouvé à la Martinique une autre espece de vanille, qu’il décrit ainsi. La fleur qu’elle produit est presque jaune, partagée en cinq feuilles, plus longues que larges, ondées & un peu découpées dans leur milieu. Il s’éleve du centre un petit pistil rond & assez pointu, qui s’alonge & se change en fruit. Cette fleur est à-peu-près de la grandeur & de la consistance de celle des pois ; elle dure tout au plus cinq ou six jours, après lesquels elle se fanne, se seche, tombe & laisse le pistil tout nud, qui devient peu-à-peu une silique de cinq, six & sept pouces de long, plus plate que ronde, d’environ cinq lignes de large, & deux lignes d’épaisseur, de la figure à-peu-près de nos cosses d’haricots.

Cette silique est au commencement d’un beau verd, elle jaunit à mesure qu’elle mûrit, & devient tout à fait brune lorsqu’elle est seche ; le dedans est rempli de petites graines rondes, presque imperceptibles & impalpables, qui sont rouges avant d’être mûres, & toutes noires dans leur maturité. Avant ce tems-là elles n’ont aucune odeur fort sensible, que celle de sentir le verd ; mais quand elles sont mûres & qu’on les froisse entre les mains, elles rendent une petite odeur aromatique fort agréable.

Le même sait a été mandé à l’académie des Scien-