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Mais il paroîtroit plutôt que c’est le Vallum de Sévere, dont nous ferons l’article, qui doit être placé entre ces deux golfes, & non celui d’Hadrien : car Spartian, in Hadriani vitâ, c. xj. dit positivement que le Vallum de Sévere fut bâti bien loin au-delà de celui d’Hadrien. D’ailleurs, si le mur de ce dernier avoit été entre les golfes de Cluyd & de Forth, il n’auroit pas eu 80 mille pas de longueur, mais seulement 32 mille pas, mesure qu’Aurelius Victor. Epitom. hist. Augustæ, & Eutrope, in Severo, l. VII. c. xix. donnent au Vallum de Sévere.

Quoi qu’il en soit, les restes de ce grand & merveilleux ouvrage font voir qu’il étoit digne de la puissance des Romains. D’abord Hadrien ne le fit faire que de gason ; mais dans la suite on l’a bâti de gros quartiers de pierre. Cette muraille étoit haute de 15 piés, & en quelques endroits large de 9, comme on le peut encore voir par les débris qui en restent. Elle comprenoit un espace d’environ cent milles de longueur à-travers des plaines, des vallées, des montagnes & des forêts : de-sorte qu’elle devoit avoir coûté des peines & des dépenses infinies. Elle étoit flanquée de tours, à la distance de mille pas les unes des autres : & tout du long, on avoit bâti une infinité de bourgs & de châteaux. Les Anglois l’appellent the Picts wall, c’est-à-dire, la muraille des Pictes ; parce que les incursions des Pictes furent la cause qui fit que les Romains penserent à un ouvrage de cette nature.

A Walvich, que l’on croit être l’ancienne Gallana, on voit des vestiges d’anciennes fortifications, & particulierement les ruines d’une grande forteresse. Près de cet endroit, la Tyne coupe la muraille, passant par une voute qu’on eut soin d’y construire ; & à quelque distance de la muraille, les deux Tynes se joignent, pour ne faire plus qu’une seule riviere. (D. J.)

Vallum Antonii Pii, (Géog. anc.) retranchement ou muraille élevée par l’empereur Antonin Pie, dans la grande-Bretagne, pour arrêter les incursions des Calédoniens. On n’est pas d’accord sur l’endroit où fut fait ce retranchement. Camden prétend qu’il passoit par la ville de Brumeria, aujourd’hui Brampton ; & selon la carte du pere Briet, il commençoit auprès de Berwick, à l’embouchure de la Twede, & entroit dans les terres vers le sud-ouest, en suivant à-peu-près les mêmes limites qui séparoient l’Ecosse de l’Angleterre. (D. J.)

Vallum Severi, (Géog. anc.) l’empereur Sévere étant passé dans la grande Bretagne avec ses deux fils, environ l’an 207 de Jesus-Christ, repoussa les Calédoniens ; & pour les empêcher de revenir dans la province des Romains, il fit élever une muraille qui tenoit toute la largeur de l’ile d’une mer à l’autre, entre les golfes de Glotta & de Bodotria, aujourd’hui les golfes de Cluyd & de Forth.

Cette muraille, ou plutôt ce retranchement, puisque Spartien & les autres auteurs anciens lui donnent le nom de vallum, fut apparemment forcé par les Calédoniens : car, sous l’empire de Dioclétien, Carausius, qui dans la suite eut la présomption de prendre la pourpre impériale, dépouilla les Calédoniens de leurs terres, & alla rétablir les bornes de l’empire romain entre les golfes de la Cluyd & du Forth : & soixante ans après ou environ, Théodose, pere de l’empereur Théodose le grand, marchant sur les brisées de Carausius, réduisit en forme de province tout le pays qui est entre l’Angleterre & les deux golfes en question. Il l’appella Valentia, du nom de l’empereur ; & pour en assûrer la possession aux Romains, il rétablit la muraille de Sévere entre les mêmes golfes. Voyez Valentia, Géog. anc. (D. J.)

Vallum-Stiliconis ou Murus-Stiliconis, (Géog. anc.) nom d’une muraille ou d’un re-

tranchement, qu’on croit que Stilicon fit tirer dans

la grande Bretagne le long du rivage, dans un espace d’environ quatre milles, depuis l’embouchure du Darwent jusqu’à celle de l’Elue, afin de défendre ces côtes contre l’irruption des Scoti, qui sortoient de l’Irlande pour se jetter sur ce pays là. (D. J.)

VALNA, (Géog. mod.) petite méchante ville ou bicoque d’Espagne, dans l’Andalousie, sur une montagne, au midi du Guadalquivir.

VALOGNE ou VALOGNES, (Géog. mod.) en latin moderne Valoniæ ; ville de France, dans la basse Normandie, au diocèse de Coutances, sur un petit ruisseau, à 3 lieues de la mer. Il y a un bailliage, une sénéchaussée, une maîtrise des eaux & forêts, une collégiale, & quelques couvens. Long. 16. 15. latit. 49. 27.

C’est au village de Valdésie, près de Valogne, qu’est né, au commencement du dernier siecle, Jean de Launoi, en latin Launoius, prêtre & célebre docteur en Théologie dans l’université de Paris, savant d’un ordre supérieur, infatigable dans le travail, & critique intrépide. Homme d’un desintéressement à toute épreuve, insensible à toute ambition, il refusa tous les bénéfices qu’on lui offrit, content de ses livres & de sa fortune qui étoit très-médiocre. Sa vie fut simple, & son ame toujours bienfaisante.

La préface de son testament est remarquable. Après les paroles ordinaires, au nom du Pere, &c. il y avoit : « J’aurai bientôt fait, car je n’ai pas beaucoup de biens, ayant détourné mon esprit de leur recherche par de plus nobles soins, & m’étant convaincu de bonne heure qu’un chrétien a beaucoup plus de peine à faire un bon usage des richesses qu’à s’en passer ». On peut dire qu’il est mort la plume à la main : car non-seulement il avoit un livre sous la presse (défense des intérêts du roi), pendant sa derniere maladie, mais même il en corrigea les épreuves un jour avant son décès.

Il mourut à l’hôtel d’Etrée l’an 1678, âgé de plus de 77 ans. Le cardinal d’Etrée n’étant encore qu’évêque de Laon, s’étoit en quelque maniere approprié M. de Launoi. « Et certes ayant un tel personnage auprès de lui, il ne le pouvoit conserver ni chérir avec trop de soins », dit M. de Marolles. Il fut enterré aux minimes, comme il l’avoit ordonné par son testament ; mais on n’eut pas la liberté de mettre sur son tombeau l’épitaphe qu’on lui avoit préparée, parce que cette épitaphe attribuoit au défunt la louange d’avoir soutenu l’orthodoxie ; & quelque tems après, les minimes déclarerent que les deux puissances, la royale & l’ecclésiastique, leur avoient enjoint de ne souffrir aucune inscription à la gloire de M. de Launoi.

Ses œuvres ont été recueillies par l’abbé Granet, & imprimées à Genève en 1731, en dix volumes infolio. Ses lettres, qui en font la partie principale, avoient déja paru à Cambridge en 1689, in-fol. Tous les ouvrages de ce savant sont remplis de lecture & de science ecclésiastique. Il y défend avec force les droits du roi, les libertés de l’église gallicane, & la juste autorité des évêques. Son style n’est pas assez orné, & ses raisonnemens ne sont peut-être pas toujours justes ; mais on est amplement dédommagé en le lisant, par la variété des sujets qu’il traite, l’étendue de son érudition, & quantité de traits ingénieux.

Le public lui a certainement de grandes obligations. Quand il n’auroit publié que le livre de autoritate negantis argumenti, il auroit rendu service à la république des lettres ; car il a donné, par cet ouvrage, de belles ouvertures, pour discerner le vrai & le faux dans les matieres historiques.

Il attaqua, dans ses écrits, plusieurs fausses traditions, entr’autres l’arrivée de Lazare & de Magde-