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Rome avec de très-beaux portiques, hors de la porte Colline : mais ce temple n’approchoit point de celui que cette déesse avoit dans le huitieme quartier de la ville ; c’étoit un magnifique édifice, auquel la place dite forum Cæsaris, elle-même superbement ornée, servoit comme de parvis. Il semble, selon les termes d’Appien, que le forum n’ait été fait que pour le temple. César, dit-il, ajouta au temple de Vénus une place consacrée, τεμένος, dont il fit un forum, non pas pour la vente des choses nécessaires à la vie, mais pour les affaires, comme étoit chez les Perses la place où l’on venoit apprendre la justice.

A l’entrée de ce temple, s’élevoit une basilique où l’on rendoit les jugemens. Vitruve le cite pour exemple des pycnostyles, c’est-à-dire des temples, où les colonnes ne sont éloignées l’une de l’autre, que d’un diametre & demi ; peut-être est-ce ce temple qui se voit dans une médaille du même Jules César, qualifié imp. IV. avec cette légende Veneri victrici vota ; il est à six colonnes ; la statue de la déesse paroît au milieu, tenant à la main une victoire.

Victor nous apprend, que dans le forum de César, & apparemment dans le temple de Vénus genitrix, étoient deux statues de Vénus ; l’une revêtue d’une cuirasse, & l’autre de la main du fameux sculpteur Arcésilaüs : celle-ci peut fort bien être celle de deux médailles qui nous restent. Pline en parle au XXXV. liv. La premiere de ces deux statues peut être cette Vénus parfaitement belle, qui fut envoyée à César par Cléopatre. César paya cette galanterie par une autre ; il fit placer à côté de la déesse une belle statue de la reine d’Egypte, qui s’y voyoit encore du tems d’Appien.

Ovide dit, que l’aqueduc de l’eau appia passoit sous ce temple, dont la situation est encore marquée par ces mots qui désignent le forum Cæsaris : c’est-là, ajoute-t-il, que le jurisconsulte devient souvent la dupe de l’amour, & celui qui fait fournir aux autres des moyens de défense, n’en trouve aucun pour lui-même. Vénus, du milieu de son temple, rit de le voir dans ses piéges ; c’étoit tout-à-l’heure un présomptueux avocat, il ne veut maintenant être qu’un client soumis.

Subdita quà Veneris facto de marmore templo
Appias expressis aëra pulsat aquis.

. . . . . . . . . .

Illo sæpe loco capitur consultus amori,

Qui que aliis cavit, non cavet ipse sibi.

. . . . . . . . . .

Hunc Venus e templis quæ sunt confinia, ridet

Qui modò patronus, nunc cupit esse cliens.

Le culte de Vénus genetrix s’étendit dans les provinces avec celui de Jules-César ; une inscription d’Ebora en Espagne, nous montre les décurions de la ville, érigeant un monument à César, & les dames portant un présent à sa mere.

DIVO JULIO
LIB. JUL. EBORA
OB. ILLIUS. IN. MUN. ET MUN.
LIBERALITATEM
EX D. D. D.
QUOJUS. DEDICATIONE
VENERI GENITRICI
CÆSTUM MATRONÆ
DONUM TULERUNT.

Ce fut dans les jeux qui se faisoient pour la premiere fois en l’honneur de Vénus genitrix, que parut pendant sept jours la fameuse comete, qui fut regardée par le peuple, comme le signe de l’apothéose de César. Jules-César ayant achevé le temple, avoit, peu de jours avant sa mort, établi un college de prêtres pour faire les jeux de la dédicace ; Oc-

tavien les fit célébrer ; & en mémoire de cette comete,

il fit placer dans le même temple une statue d’airain de César avec la comete sur sa tête ; ces jeux devinrent annuels, & les consuls furent chargés d’en faire la dépense.

Ce temple fut bâti l’an de Rome 708 ou quarante-cinq ans avant J. C. Il fut consumé ou du-moins fort endommagé dans l’incendie arrivée sous Néron. (D. J.)

Temple de la Vertu et de l’Honneur, (Antiq. rom.) templum Virtutis & Honoris ; Marius le fit bâtir par l’architecte Mutius. Ce temple pourroit être mis au nombre des plus excellens ouvrages, s’il avoit été fait de marbre, & que la magnificence de la matiere eût répondu à la grandeur du dessein.

S. Augustin, en parlant de ce temple, fait entendre qu’on en peut tirer une belle moralité, à laquelle Vitruve donne encore matiere par une particularité qu’il en cite, & que S. Augustin ne savoit pas : c’est que ce temple n’avoit point de posticum, ou de porte de derriere, comme la plûpart des autres ; car cela nous apprend que non-seulement il faut passer par la vertu pour parvenir à l’honneur, mais que l’honneur oblige encore de repasser par la vertu, c’est-à-dire, d’y persévérer.

Le sénat fut assemblé dans le temple bâti par Marius à la Vertu & à l’Honneur, lorsqu’on voulut rappeller ce grand homme de son exil. Le sénatus-consulte qu’on fit à cet égard, fut rédigé en loi dans l’assemblée des centuries tenue au champ de Mars le 4 Août de l’an 696, sous le consulat de C. L. Spinter & de Q. C. Metell. Nepos. (D. J.)

Temple de Vertumne, (Ant. rom.) je croirois bien que ce dieu champêtre avoit plusieurs temples chez les Romains ; cependant l’histoire ne parle que de celui qu’on éleva en son honneur dans le marché de Rome où il avoit aussi une statue, dont Cicéron dit, à l’occasion des rapines des Verrès : y a-t-il quelqu’un, qui dans le chemin qui conduit de la statue de Vertumne au grand cirque, n’ait trouvé sur chaque degré des marques de ton avarice ? (D. J.)

Temples de Vesta, (Antiq. greq. & rom.) son temple à Athènes étoit dans l’enceinte du prytanée, & l’on y conservoit à l’honneur de la déesse un feu perpétuel, comme dans celui qu’elle avoit à Rome, & dont nous allons parler. On le nommoit ædes Vestæ ; Numa lui fit bâtir ce fameux temple proche de son palais, au milieu du marché romain, entre le mont Palatin & le mont Capitolin ; c’est le sentiment de Denys d’Halicarnasse, l. II. sect. 65 & 76. C’est aussi dans ce même endroit que Plutarque met le temple de Vesta.

Horace le place sur le bord du Tibre opposé à l’autre bord du fleuve qui va se jetter dans la mer : nous avons vu le Tibre, dit-il, repoussant avec furie ses eaux vers sa source, menacer d’engloutir le palais de Numa & le temple de Vesta.

Ire dejectum monumenta regis
Templaque Vestæ.

ode 2, l. I.

Ovide met ce temple à un des bouts de la rue neuve, qui est joint au marché romain.

Quà nova romano nunc via juncta foro est.

Publius Victor met ce temple dans le huitieme quartier où étoit le marché romain ; ces divers sentimens prouvent qu’il y avoit à Rome plus d’un temple consacré à Vesta. Quant au plus célebre de tous, j’entends celui qui fut construit par Numa ; l’entrée en étoit défendue aux hommes, & la déesse y étoit servie par les vestales ; c’étoit dans ce temple que Numa fonda un foyer de feu éternel, & sur lequel résida d’une maniere sensible la majesté de la déesse. L’his-