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que ce superbe temple avoit été embelli par les soins d’Amasis, d’un vestibule qui surpassoit de beaucoup en grandeur & en magnificence, tous les monumens que les rois ses prédécesseurs avoient laissés. Ce même prince y ajouta des statues d’une grandeur prodigieuse ; car les Egyptiens aimoient les figures colossales, sans parler des pierres immenses pour leur énorme grosseur, & qui venoient la plûpart d’Elephantine, ville éloignée de Saïs de vingt journées de navigation.

La chapelle de ce temple offroit en particulier quelque chose d’unique en son genre ; cette chapelle étoit d’une seule pierre taillée dans les carrieres de la haute Egypte, & qu’Amasis avoit fait venir avec des soins & des peines incroyables, jusqu’à Saïs où elle devoit être placée dans le temple de Minerve. « Ce que j’admire par-dessus tous les autres ouvrages d’Amasis, dit Hérodote, c’est cette maison d’une seule pierre qu’il fit transporter d’Elephantine, & que deux mille hommes, tous pilotes & marins ne purent amener qu’en trois ans. Cette maison avoit de face vingt & une coudées de largeur & huit de hauteur, & dans œuvre cinq coudées de haut, & dix-huit de longeur ». Cependant cette maison n’entra point dans le temple de Minerve, où étoit inhumé Psamméticus ; elle fut laissée à la porte, soit qu’Amasis fût piqué des plaintes de l’architecte, sur la fatigue que lui avoit causé cet ouvrage, soit par les accidens déja arrivés à ceux qui le conduisirent sur le Nil, soit enfin par d’autres raisons qu’Hérodote n’a pu savoir. (D. J.)

Temples de la Miséricorde. (Antiq. grecq. & rom.) Voilà les temples les plus dignes de l’humanité. Les Athéniens ont eu les premiers la gloire de diviniser cette vertu, de construire dans Athènes un temple à son honneur, & d’en faire un lieu d’asyle. Les Romains eux-mêmes frappés de cette belle idée, bâtirent dans Rome le second temple à la Miséricorde. Il eût été beau d’en élever à cette vertu dans tous les pays du monde. (D. J.)

Temples de Neptune, (Antiq. grecq. & rom.) nous avons peu de détails sur les temples que Neptune avoit à Rome : dans le dernier siecle, lorsqu’on fouilloit des fondemens ; on y apperçut quantité de morceaux de marbre excellemment travaillés : & comme parmi des débris des corniches on trouva des dauphins & des tridens, on conjectura que c’étoit un temple consacré à Neptune.

Sa façade étoit périptère, & sa forme pycnostyle, ou à colonnes pressées. Ses entre-colonnes avoient un diametre & demi moins un onzieme, ce qui mérite d’être remarqué, vû qu’il n’y en a peut-être jamais eu de si pressées dans aucun autre édifice. De tout ce temple, il ne reste plus aucune partie sur pié : mais Palladio, en examinant de près ces ruines, est parvenu à la connoissance de ses dimensions, dont il a donné les desseins dans son architecture : j’y renvoie les lecteurs.

Il est certain néanmoins que Neptune fut un des dieux du paganisme des plus honorés ; car indépendamment des Libyens qui le regardoient comme leur grande divinité, il avoit dans la Grece & dans les lieux maritimes d’Italie un grand nombre de temples élevés en son honneur. Les Atlantides, dit Platon dans son Critias, lui en consacrerent un magnifique, dans lequel il étoit représenté dans un char tiré par quatre chevaux aîlés, dont il tenoit les rênes, & sa statue touchoit la voûte du temple. Hérodote, l. VII. fait mention du temple que les Pasidéens lui avoient consacré, & Pline, l. XXXI. parle de celui qu’il avoit chez les Cariens. Pausanias en décrit aussi plusieurs. (D. J.)

Temple de la Paix, (Antiq. rom.) on voit à Rome des vestiges de ce temple proche Sainte Marie-la-Neuve,

sur le chemin qu’on appelle la Via sacra.

On prétend qu’il est bâti dans le même lieu où étoit anciennement le palais de Romulus.

Ce temple fut commencé par l’empereur Claude, & conduit à sa perfection par Vespasien, après la conquête de la Judée. Ce prince y fit mettre en dépôt toutes les riches dépouilles qu’il avoit tirées du temple de Jérusalem.

Le temple de la paix passoit pour être le plus vaste, le plus superbe & le plus riche de Rome ; il avoit trois cens piés de long, & deux cens de large. Tout ruiné qu’il est, les vestiges qui nous en restent encore suffisent pour juger de son ancienne grandeur.

A la face d’entrée il y avoit une loge à trois ouvertures bâtie de brique, & le reste de la largeur de la façade étoit un mur continu. Les pilastres des arcades de la loge avoient des colonnes par-dehors qui leur servoient d’ornement, & qui régnoient le long du mur continu. Sur cette premiere loge, il y en avoit une autre découverte avec une balustrade ; & au-dessus de chaque colonne étoit une statue.

Au dedans du temple il y avoit huit grandes colonnes de marbre d’ordre corinthien, de cinq piés quatre pouces de diametre, dont la hauteur compris la base & le chapiteau, faisoit cinquante-trois piés. L’entablement avoit dix piés & demi, & portoit la voûte de la nef du milieu.

Les bases de ces colonnes étoient plus hautes que la moitié de leur diametre, & la plinthe en emportoit plus du tiers ; ce qu’on fit apparemment pour leur donner plus de force ; leur saillie étoit d’une sixieme partie de leur diametre. La modénature étoit d’une fort belle invention, & la cimaize de l’architecture étoit d’un dessein peu commun. La corniche avoit des médaillons au lieu de larmier.

Les murs de ce temple étoient enrichis de statues & de peintures. Toutes les voûtes avoient des compartimens de stuc, & généralement tout y étoit fort riche. Cet édifice périt par une incendie, ou par quelque autre accident, sous l’empereur Commode. (D. J.)

Temples des Parques, (Antiq. greq. & rom.) on ne crut pas dans tout le monde payen qu’il fût nécessaire de se mettre en dépense pour des déesses inéxorables qu’il étoit impossible de fléchir ; de-là vient qu’elles n’eurent que des statues en plusieurs endroits & peu de temples dans la Grece. Athènes n’en éleva point à leur honneur, Sicyone leur consacra seulement un temple dans un bois sacré, & les Lacédémoniens leur en bâtirent un autre dans leur capitale auprès du tombeau d’Oreste. (D. J.)

Temple de la Piété, (Antiq. rom.) templum pietatis, dédié par Attilius dans la place romaine, à l’endroit où demeuroit cette femme qui avoit nourri son pere prisonnier du lait de ses mamelles. (D. J.)

Temples de Pomone, (Antiq. rom.) cette belle nymphe qui plut à Vertumne, & qu’il rendit sensible à force de soins, de louanges & de respects, est une pure divinité des poëtes latins ; cependant elle eut à Rome des temples & des autels. Son prêtre portoit le nom de Flamen Pomonalis, & lui offroit des sacrifices pour la conservation des fruits de la terre. (D. J.)

Temples de Proserpine, cette fille de Cérès enlevée pour sa beauté par Pluton, avoit plusieurs temples en Sicile, lieu de sa naissance. Strabon, l. VII. parle des prairies d’Enna, où Pluton la vit, & en devint amoureux. Cicéron lui-même dans sa sixieme Verrine, nous a laissé de ce lieu charmant, une description aussi élégante que fleurie ; mais enfin comme le destin avoit prononcé que Proserpine fût souveraine des enfers, les Grecs & les Romains bâtirent peu de temples en l’honneur d’une divinité inexorable. Pausanias ne cite que celui qu’elle avoit à Sparte sous le nom de Proserpine conservatrice. Il avoit été bâti, selon les uns, par Orphée de Thrace ; & selon