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bre de prisonniers anglois en France ; & je ne doute pas que si cette méthode, facile & peu couteuse, étoit employée dans toutes les prisons d’Angleterre, on ne conservât la vie à une infinité de prisonniers, & que l’on ne prévînt par-là l’infection qu’ils apportent avec eux, lorsqu’ils comparoissent aux assises pour y être jugés annuellement, & qui ont souvent été fatales à leurs juges & aux assistans ; les habitans mêmes des villes où il y a des prisons, seroient par ce moyen à l’abri de la contagion qui en pourroit provenir.

On a d’ailleurs éprouvé l’utilité de ces tuyaux à l’égard des hôpitaux & des maisons de charité, où ils ont servi à augmenter le nombre des convalescens & à en accélérer la guérison, avantage non seulement considérable pour les malades, mais encore pour le public, puisque de cette maniere un plus grand nombre de personnes peut y être admis, parce que la convalescence de ceux qui occupent les places y est plus prompte : c’est-là, ce me semble, pratiquer efficacement le précepte du Sauveur, qui ordonne d’avoir soin des malades & des prisonniers.

On a encore étendu l’usage de ces mêmes tuyaux jusqu’aux appartemens qui sont ordinairement remplis de monde, les salles d’assemblée, les maisons des spectacles, &c. en faisant évaporer par leur moyen, le mauvais air que l’on y respire, & en y introduisant sans cesse un air plus pur & plus frais ; le même succès s’est aussi fait sentir dans les fonderies des métaux, dont les exhalaisons sont si nuisibles.

L’ingénieux M. Yeoman est le premier qui en ait fait l’essai à la chambre des communes, & il a donné à ces tuyaux neuf pouces de diametre ; mais il n’en a donné que six à ceux qu’il a placés au-dessus de la prison du banc du roi dans Westminster-Hall : on les fait quelquefois plus larges & quelquefois plus étroits ; mais plus ils ont de largeur, & plus doivent-ils être longs pour faire sortir d’autant plus promptement les exhalaisons corrompues qui s’y élevent.

On a remarqué qu’en tenant au-dessus d’un tuyau placé sur la chambre des communes, l’un des bassins d’une balance, lequel n’avoit que deux pouces de diametre, la force de l’air qui en sortoit le faisoit élever de quatre grains au-dessus de son équilibre, lorsqu’il n’y avoit personne dans cette chambre ; mais quand il y avoit beaucoup de monde, ce bassin s’élevoit de plus de douze grains au-dessus de son équilibre, & toujours davantage à proportion du nombre de gens qui s’y trouvoient. Il paroit par-là combien ces tuyaux sont rafraîchissans & salutaires, puisqu’ils ne cessent d’emporter les vapeurs continuelles qui s’exhalent d’un grand nombre de corps différens & resserrés ; ces exhalaisons se montant pour chaque homme en Angleterre au poids de 36 onces en vingt-quatre heures, selon l’estimation qu’en a faite le docteur Keil de Northampton.

M. Yeoman a fait l’épreuve de ces tuyaux dans plusieurs hôpitaux, maisons de correction, prisons, & lieux d’assemblées publiques, & il a trouvé qu’on en a retiré de très-grands soulagemens ; c’est pour en rendre témoignage, & pour l’intérêt du public, que je crois devoir transcrire ces divers faits du Journal encyclopédique, Février 1761. (D. J.)

Tuyaux, (Hydraul.) les tuyaux sont des canaux ou conduites qui peuvent seuls servir aux eaux forcées & les conduire où l’on en a besoin ; ils se font ordinairement de fer fondu, de plomb, de terre, de bois, & de cuivre.

Les tuyaux de fer se fondent dans les fonderies & forges de fer ; il y en a à manchons & à brides, ces derniers sont les meilleurs. Leur épaisseur est proportionnée à leur diametre, qui ne passe pas dix-huit pouces ou deux piés, leur longueur est de trois piés & demi, ayant à chaque bout des brides avec qua-

tre vis & quatre écrous où l’on met des rondelles de

cuir entre deux & du mastic à froid ; ces tuyaux résistent à des élévations de 150 piés, & se cassent dans les rues d’une ville à cause du fardeau des voitures.

Les tuyaux de grès, de terre, ou de poterie sont bons pour les eaux à boire ; leurs tronçons sont de deux piés de long qui s’emboîtent par leurs virets avec du mastic chaud & de la filasse à leurs jointures sur l’ourlet ; on en fait de six pouces de diametre, & quand ils servent aux eaux jaillissantes on les entoure d’une chemise de chaux & ciment de six à sept pouces d’épaisseur.

Les tuyaux de bois se font de chêne, d’orme, & d’aulne, percés avec de grandes tarrieres de différentes grosseurs & figures, qui se succedent les unes aux autres ; les premieres tarrieres sont pointues en fer de pique, les autres sont faites en cuiller, augmentant de diametre depuis un pouce jusqu’à six ; toutes ces tarrieres se tournent avec une forte piece de bois semblable aux bras des tarrieres ordinaires. Les plus gros tuyaux de bois ne passent pas huit pouces de diametre ; on les frette de fer par un bout & on les affute par l’autre pour les emboîter, & ces joints sont recouverts de poix ou de mastic à froid ; ces sortes de tuyaux ne résistent long-tems que dans les pays marécageux.

Les tuyaux de plomb sont les plus commodes de tous, pouvant descendre, monter, & se couder sans être endommagés ; ils sont ou moulés ou soudés. Les soudés sont des tables de plomb pliées & dont les bords revenant l’un sur l’autre se joignent parfaitement ; on les arrondit sur des rondins ou rouleaux de bois de la grosseur & longueur à discrétion qui servent comme d’ame ou de noyaux aux tuyaux, & que l’on en tire lorsqu’ils sont bien arrondis. On répand ensuite sur leur joint de la soudure que l’on applatit avec le fer chaud ; ces tuyaux se font si grands & si gros que l’on veut ; les tuyaux moulés sont jettés dans un moule de la longueur de deux à trois piés qui pourroient en avoir douze si l’on vouloit en faire la dépense ; on les fait plus épais que les soudés à cause des soufflures ; ils sont meilleurs, mais ils coûtent davantage ; les moulés ne passent pas ordinairement six pouces de diametre, cependant on en fait de dix-huit pouces, ils s’emboîtent & se joignent l’un à l’autre par des nœuds de soudure.

Les tuyaux de cuivre ou de chauderonnerie dont la composition s’appelle potin, qui n’est autre que des lavures qui sortent de la fabrique du laiton, auquel on mêle du plomb ou de l’étain pour le rendre plus doux au travail, environ sept livres de plomb pour cent ; les ouvriers l’appellent potin gris ou arcot, il coûte moins que le potin jaune ; on y emploie souvent du cuivre rouge qui est le meilleur. Ces tuyaux sont des tables de cuivre étamées & bien battues que l’on plie en rond & dont on soude les morceaux emboîtés l’un dans l’autre par des nœuds de soudure plus fine que celle qui sert à joindre le plomb ; une crasse verte semblable au verd-de-gris les ronge, si l’on n’a soin de les nettoyer ; ils sont d’une longue durée, mais ils coûtent plus que tous les autres.

On dit encore un tuyau montant & descendant, qui sont ceux que l’on emploie pour conduire l’eau dans un réservoir & l’en faire descendre pour les jardins, ce qui se pratique dans les machines hydrauliques, ainsi que les tuyaux d’aspiration. Voyez Machine hydraulique. (K)

Tuyau, (Hydr.) Proportion des tuyaux. C’est de la proportion des tuyaux avec les réservoirs & les ajutages que dépend la beauté des eaux jaillissantes ; il convient encore de regler cette proportion, & la grosseur que doivent avoir les tuyaux ou conduites par rapport à la quantité de fontaines qu’on a dessein de construire dans un jardin.