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C’est chez les Romains principalement que Mars étoit honoré, car ils le regardoient comme le protecteur de leur empire. Auguste lui bâtit deux temples célebres, l’un sur le capitole, d’après le modele de Jupiter Férétrius, & à l’occasion des étendards rapportés par les Parthes. Il éleva l’autre dans son forum, & le dédia à Mars vengeur, Marti ultori, en mémoire de la bataille de Philippes, selon le témoignage d’Ovide :

Templa feres, & me victore vocaberis ultor ;
Voverat, & fuso lætus ab hoste redit.

Dion, liv. L. de son histoire, ajoute qu’on déposa dans ce temple les enseignes enlevées aux défenseurs de la liberté romaine, & le sénat ordonna que le char sur lequel César avoit triomphé, seroit mis dans le temple de Mars, pour conserver la mémoire des victoires de l’empereur. Ce temple de Mars étoit soutenu de cent colonnes. On prétend que c’est sur ses ruines qu’on a bâti dans Rome moderne l’église de Sainte Marie des Palmes.

Il y avoit encore dans l’ancienne Rome un autre temple de Mars hors de la ville & sur la voie Appienne, où le sénat s’assembla quelquefois. La remarque de Vitruve est en général vraie ; il dit qu’ordinairement les temples de Mars étoient hors des murs, afin de servir de rempart aux villes contre les périls de la guerre ; cependant outre qu’Auguste s’écarta de cette regle, nous savons du même Vitruve, qu’à Halicarnasse le temple de Mars étoit situé au milieu de la forteresse ; mais ce qu’on observa plus régulierement, fut l’ordre dorique dans les temples de ce dieu. (D. J.)

Temples de Mercure, (Antiq. grecq. & rom.) ce dieu semble avoir été inventé pour le bien des hommes, si toutes les louanges que lui donne Horace dans une de ses odes (ode x. l. I.) sont vraies. Quoi qu’il en soit, les Grecs & les Romains eurent Mercure en vénération, & lui dresserent dans les carrefours & sur les grands chemins ces statues nommées hermes. Il y avoit plusieurs temples en différentes villes de la Grece, dont quelques-uns cependant étoient déja en ruine du tems de Pausanias ; mais ce dieu étoit particulierement honoré à Cyllene en Elide, où il avoit un temple célebre, & à Tanagre ou il en avoit deux. Il eut en Achaïe un temple & un oracle qu’on consulta long tems. Mercure avoit encore à Rome dans le grand cirque un fort beau temple qui lui fut dédié l’an 675 de la fondation de cette ville. Enfin, si nous en croyons Tacite, les Germains l’adoroient comme le souverain des dieux, & lui immoloient des victimes humaines : Deorum maximum Mercurium colunt, cui humanis quoque hostiis litare fas habent. (D. J.)

Temples de Minerve ; (Antiq. grecq. & rom.) le culte de Minerve apporté d’Egypte dans la Grece, passa dans la Samothrace, & de-là dans l’Asie mineure. Les Rhodiens furent les premiers peuples de ces cantons, qui dresserent des temples à Minerve, pour leur avoir enseigné l’art de faire des statues colossales ; mais ayant manqué de feu dans un sacrifice qu’ils lui faisoient, la fable dit qu’elle se retira de dépit en la ville d’Athènes, où elle fut adorée sous le nom de παρθένος, c’est-à-dire, la déesse vierge. Les Athéniens lui firent bâtir un temple immortel, & lui dresserent une statue de la main de Phidias, toute d’or & d’ivoire, de 39 piés de haut. Nous en avons parlé au mot Statue, & au mot Sculpteurs anciens, à l’article de Phidias.

La déesse, car c’est ainsi qu’on la nommoit par excellence, ne regnoit pas moins souverainement dans la Laconie que dans l’Attique ; en effet il n’est pas étonnant que celle qui présidoit aux combats, fût singulierement honorée par les Lacédémoniens ; aussi avoit-elle sept ou huit temples dans Sparte ;

mais le plus célébre (& peut-être de l’ancienne Grece), fut commencé par Tyndare, qui en jetta les fondemens ; Castor & Pollux y travaillerent après lui, & entreprirent d’y employer le prix des dépouilles qu’ils avoient remportées sur les Aphidnéens ; cependant comme leur entreprise étoit restée fort imparfaite, les Lacédémoniens long-tems après construisirent un nouveau temple à Minerve, qui étoit tout d’airain, ainsi que la statue de la déesse, & ce n’est pas le seul temple de l’antiquité qui ait été de ce métal. Ce fameux temple porte le nom de Chalciœcos : on sait que χαλκὸς signifie de l’airain, & οἶκος une maison. Thucydide, Polybe, Diodore, Plutarque, Tite-Live, en un mot, presque tous les auteurs grecs & latins ont parlé du temple Chalciœcos de Sparte, mais Pausanias l’a décrit.

L’artiste, dit-il, dont les Lacédémoniens se servirent, fut Gitiadas, originaire & natif du pays. Audedans du temple la plûpart des travaux d’Hercule sont gravés sur l’airain, tant les avantures qu’on connoît sous ce nom, que plusieurs autres que ce héros a courues volontairement, & dont il est glorieusement sorti. Là sont aussi gravés les exploits des Tyndarides, & sur-tout l’enlevement des filles de Leucippe. Ensuite vous voyez d’un côté Vulcain qui dégage sa mere de ses chaînes, d’un autre côté Persée prêt à partir pour aller combattre Méduse en Lybie ; des nymphes lui mettent un casque sur la tête & des talonnieres aux piés, afin qu’il puisse voler en cas de besoin. On n’a pas oublié tout ce qui a rapport à la naissance de Minerve, mais ce qui efface tous le reste, c’est un Neptune & une Amphitrite qui sont d’une beauté merveilleuse. On trouve ensuite la chapelle de Minerve.

Aux environs du temple il y a deux portiques, l’un au midi & l’autre au couchant. Vers le premier est le tombeau de Tyndare ; sur le second portique on voit deux aigles éployées, qui portent chacune une victoire ; c’est un monument de celles que Lysandre remporta, l’une près d’Ephèse sur Antiochus, lieutenant d’Alcibiade qui commandoit les galeres d’Athènes ; l’autre sur la flotte athénienne qu’il défit entierement à Aigospotamos. A l’autel du temple de Minerve il y a deux statues de Pausanias qui commandoit l’armée de Lacédémone au combat de Platée. A l’aîle gauche du temple d’airain, il y a une chapelle qui est consacrée aux Muses, parce que les Lacédémoniens marchent à l’ennemi au son des flûtes & de la lyre.

Les Spartiates éleverent un autre temple à Lacédémone à leur retour de Colchos, en l’honneur de Minerve Asia.

On voyoit encore dans la rue Alpia le fameux temple de Minerve dit Ophthalmitis, Minerve conservatrice des yeux ; c’est Lycurgue lui-même qui consacra ce temple à la déesse, en mémoire de ce que dans une émeute, ayant eu un œil crevé par Alcandre à qui ses lois déplaisoient, il fut sauvé en ce lieu là par le peuple, sans le secours duquel il auroit peut-être perdu l’autre œil, & la vie même.

L’histoire parle beaucoup du temple que Minerve avoit à Sunium ; il en reste encore dix-sept colomnes entieres d’un ouvrage tout semblable à celui du temple de Thésée à Athènes. On y voit sur un bas-relief de marbre de Paros, une femme assise, avec un petit enfant, qui, comme elle, leve les bras, & paroît regarder avec effroi un homme nud qui se précipite du haut d’un rocher.

Minerve eut aussi plusieurs temples à Rome, entr’autres celui du mont Aventin, dont Ovide fait mention dans le liv. VI. de ses Fastes.

Mais le plus célebre temple de la déesse étoit à Saïs, métropole de la basse Egypte dans le Nôme qui en prenoit le nom, Saïtes Nomos. Hérodote dit