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l. VIII. c. xlvj. dit qu’il mit deux légions in Treveris, ad fines Carnutum, ut omnem regionem conjunctam Oceano continerent. Il faut lire, comme lisent effectivement les meilleures éditions, Turonis, c’est-à-dire dans le pays des Turoni, voisins des Chartrains d’un côté, & de l’autre voisins des cités Armoriques ou maritimes. Lucain, l. I. v. 437. leur donne l’épithete d’instabiles :

Instabiles Turonos circumsita castra coercent.

Ils avoient une ville que Ptolomée appelle Cæsarodunum, mais qui prit dans la suite le nom du peuple ; car Sulpice Sévere, dialog. III. c. viij. & Grégoire de Tours, l. X. c. xxix. la nomment Turoni. Les Turoni sont les peuples du diocese de Tours. Voyez Tours. (D. J.)

TURQUESTAN, (Géog. mod.) ou TURKESTAN, grand pays d’Asie. Il est borné au nord par la riviere de Jemba ; à l’est par les états du Contaisch, grand chan des Callmoucks ; au sud par le pays de Charass’m, & la grande Boucharie ; à l’ouest par la mer Caspienne. Il peut avoir environ 70 lieues d’Allemagne de longueur ; & un peu moins en largeur ; mais ses limites étoient beaucoup plus étendues avant que Gingis-chan se fût rendu le maître de toute la grande Tartarie. Le Turquestan dans son état actuel, est partagé entre deux chans de Tartares, tous deux mahométans ainsi que leurs sujets. Le fleuve Sihon traverse tout le pays du sud-ouest au nord-ouest. La capitale se nomme aussi Turquestan. Long. 72-77. lat. 42. 46. (D. J.)

Turquestan ou Turkestan, (Géog. mod.) ville d’Asie, capitale du pays de même nom, sur le fleuve Sirr. Elle a la résidence d’un chan des Tartares pendant l’hiver, quoique ce ne soit qu’un méchant trou. Long. 74. 25. latit. 45. 30. (D. J.)

TURQUETTE, (Botan.) c’est le nom vulgaire de la pante que les botanistes appellent herniaria. Voyez Herniaire ou Herniole, Botan. (D. J.)

TURQUIE terre de, (Hist. nat.) turcica terra, terre bolaire qui se trouve près d’Andrinople, dont les Turcs se servent comme d’un remede sudorifique & astringent. Elle est pesante, d’un gris rougeâtre, douce au toucher, friable, fondante dans la bouche, ne fait point effervercence avec les acides, & est d’un gout astringent. Voyez Hill’s natural history of fossils.

Turquie pierre de, (Hist. nat.) cos turcica, nom donné par quelques naturalistes à une pierre à aiguiser, d’un blanc grisâtre, dont les parties sont d’une grande finesse ; on y met de l’huile quand on veut s’en servir pour assiler des couteaux ou d’autres instrumens tranchans. Son nom lui a été donné, parce qu’on l’apporte de Turquie.

Turquie, (Géog. mod.) vaste empire, un des plus grands de l’univers, qui s’étend en Europe, en Asie, & en Afrique. On lui donne ordinairement huit cens lieues d’orient en occident, & environ sept cens du septentrion au midi.

Les premiers turcs qui habiterent la Turcomanie aux environs de l’Arménie inférieure, étoient des tartares turcomans dont le morzar ou chef, Ordogrul, mourut l’an de l’hégire 687, & de Jesus-Christ 1288. Il eut pour fils Osman ou Othman, homme plein d’ambition & de bravoure, qui jetta les fondemens de l’empire que nous appellons par corruption l’empire ottoman. Il fit de grandes conquêtes tant en Asie qu’en Europe, profitant des querelles qui regnoient entre les soudans de Perse & les Sarrazins. Il sut encore se servir à-propos de la désunion de tous les petits souverains qui s’étoient appropriés de grandes provinces, & qui en qualité de membre de l’empire grec, usurpoient le titre de duc, de despote & de roi. Ces petits souverains n’eurent point d’autre

ressource dans leur desespoir, que de se jetter entre les bras des Turcs, de s’accommoder à leurs lois, à leurs rits & à leurs principes.

Enfin Osman porta ses vues sur la ville de Burse, capitale de la Bithynie, pour y établir son nouvel empire. Charmé de cette ville située proche de la mer Marmara, au pié de l’Olympe, dans une agréable plaine arrosée d’eaux minérales, froides & chaudes, en un mot, une des plus belles contrées du monde ; il y fixa sa résidence, & y batit un palais qui justifie par sa structure que le luxe dans ce tems-là n’excedoit point les revenus. Il fit aussi construire plusieurs mosquées, dans une desquelles est son tombeau.

L’empire ottoman s’est prodigieusement augmenté sous le regne de dix-neuf empereurs, depuis Osman jusqu’à Mahomet IV. & sous le gouvernement de 115 premiers vizirs jusqu’à la mort de Cara Mustapha, qui fut l’auteur du siege de Vienne. Mahomet IV. fit la conquête de Naisel, de Candie, de Caminieth & de Zegrin, ensorte que le circuit de l’empire ottoman en 1680 s’étendoit à l’occident des deux côtés du Danube, jusqu’à 16 lieues de la capitale de l’Autriche.

Si l’on compare l’empire turc avec l’ancien empire romain, on sera surpris de voir l’espace qu’il occupe sur la carte ; mais qu’on examine ensuite les états qui composent ce dernier empire, on en connoîtra toute la foiblesse. On verra que le sultan n’est point maître absolu d’une partie : qu’une autre est stérile & inhabitée : que d’autres provinces sont plutôt sujettes de nom que de fait ; telles sont la Mecque & le pays d’Iémen ; ainsi tout le vaste terrein de l’Arabie déserte & de l’Arabie heureuse ne sert qu’à diminuer les forces du grand-seigneur.

Les trois républiques de Tripoli, de Tunis & d’Alger se disent pour la forme dépendantes du sultan ; mais quand elles envoient leurs vaisseaux pour grossir la flotte ottomane, ils sont bien payés ; encore arrive-t-il qu’ayant reçu l’argent, leurs escadres ne sortent point de la Méditerranée.

Tout le pays qui est au bord de la mer Noire, depuis Azac jusqu’à Trébisonde, ne procure d’autres avantages à sa Hautesse que celui d’avoir quelques havres dont elle ne profite point. Le chan de la Crimée n’enrôle des tartares qu’avec l’argent de la Porte. De plus, la contrée d’Azac jusqu’au fort du Boristhene, est un véritable désert, entre la Moscovie & la Tartarie Crimée. Les tartares de ces contrées, loin de fournir aucun tribut au grand-seigneur, reçoivent de l’argent de lui, lorsqu’il leur demande des troupes ; il est même obligé de payer des garnisons en plusieurs places pour tenir ces mêmes tartares en respect.

Les pays de l’Ukraine & la Podolie jusqu’à la riviere de Bog, sont totalement ruinés. Les provinces tributaires de la Moldavie & de la Valachie sont gouvernées par des sujets du rit grec. Les tributs qu’on y perçoit, tombent plus au profit des ministres que du trésor public ; outre cela la Porte est obligée d’y soudoyer des garnisons onéreuses pour contenir tant de peuples.

C’est un grand embarras dans l’empire ottoman que de pouvoir gouverner en sûreté un état composé de nations si éloignées de la capitale, & si différentes par rapport au langage & par rapport à la religion. On peut facilement comprendre que de ce grand nombre de nations différentes, on ne sauroit tirer des milices pour défendre solidement l’empire, à moins qu’à chaque fois les bachas n’enrôlent à bas prix la plus vile populace, & des chrétiens même, faute d’autres sujets. Pour ce qui est des troupes de la Moldavie & de la Valachie, les Turcs ne s’en servent qu’à grossir leur armée, à dispenser les braves