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tallin, mais une membrane si déliée, que d’habiles anatomistes en ont nié l’existence, ou du moins en ont douté. Elle n’est effectivement guere moins fine dans l’homme qu’une toile d’araignée ; aussi quelques-uns l’appellent-ils arachnoïde. Elle est une fois plus épaisse dans le bœuf que dans l’homme, & encore plus dans le cheval. Elle seroit par conséquent moins difficile à démontrer dans ces animaux, & ce seroit une assez forte présomption qu’elle devroit se trouver dans l’homme ; mais on l’y démontre aussi, & même sans injection, quoique ce fût d’ailleurs une chose assez surprenante, qu’une membrane si fine pût être injectée. Elle peut l’être cependant, & Ruysch y est parvenu ; elle reçoit quelquefois une injection naturelle, c’est à-dire qu’il s’y fait une inflammation, que ces vaisseaux plus remplis de sang ou de la liqueur qu’ils portent, deviennent visibles, & qu’on apperçoit leur distribution & leurs ramifications.

Le crystallin de l’homme, revêtu de sa membrane ou capsule, paroît moins transparent à sa partie antérieure qu’à la postérieure ; mais s’il en est dépouillé, sa transparence est égale des deux côtés.

Le ligament ciliaire se termine & s’attache à la partie antérieure de la capsule par des fibres qu’il y jette, & par les vaisseaux qu’il y fournit, ces vaisseaux ne sont que des lymphatiques. Quand il paroît du sang dans cette membrane, c’est par quelque accident particulier, comme lorsque dans un accouchement difficile, la tête de l’enfant a été violemment comprimée au passage, & que le sang a été obligé de s’insinuer dans des canaux qui ne lui étoient pas destinés.

La tunique vitrée se nourrit donc de cette lymphe, qui lui est apportée par les vaisseaux qu’elle reçoit du ligament ciliaire. On voit qu’il s’est épanché une partie dans la cavité de la capsule, entre cette membrane & le crystallin.

M. Petit l’a toujours trouvée transparente, tant dans l’homme que dans les animaux, même dans les sujets qui avoient des cataractes. La cornée & la membrane hyaloïde trempées dans l’eau bouillante, dans les esprits acides, &c. y perdent leur transparence, la membrane vitrée y conserve la sienne, elle ne la perd que dans l’esprit de-nitre, encore s’y dissout-elle le plus souvent, plutôt que de la perdre. Hist. & mém. de l’acad. 1730. (D. J.)

Tunique, s. f. (Antiq. rom.) especes de chemise des hommes & des femmes romaines.

La tunique étoit un habillement commun aux hommes & aux femmes, mais la forme en étoit différente. Les femmes avoient accoutumé de les porter beaucoup plus longues que les hommes, & lorsqu’elles ne leur donnoient pas toute la longueur ordinaire, c’étoit sortir de la modestie de leur sexe, & prendre un air trop cavalier ; infrà mulierum, suprà centurionum.

Juvenal, en parlant d’une femme qui se pique à-tort & à-travers de bel esprit, qui au commencement du repas se jette sur les louanges de Virgile, pese dans la balance le mérite de ce poëte & la gloire d’Homere, trouve des excuses pour Didon lorsqu’elle se poignarde, décide la question du souverain bien : Juvenal, dis-je, ajoute que puisqu’elle affecte ainsi de paroître savante, il seroit juste qu’elle retroussât sa tunique jusqu’à demi-jambe, c’est-à dire, qu’elle ne se montrât alors que dans l’équipage d’un homme.

Crure tenùs medio tunicas succingere debet.

Non-seulement les tuniques des dames étoient distinguées par la grandeur, elles l’étoient aussi par des manches, qu’il n’étoit permis qu’à elles de porter. C’étoit-parmi les hommes une marque de mollesse dont les tems de la république n’avoient point montré d’exemple. César ne put pas même sur cela se

mettre à l’abri des reproches ; mais ses mœurs étoient aussi efféminées que son courage étoit élevé ; & nous ne devons point tirer à conséquence l’exemple d’un homme, que Curion le pere dans une de ses harangues avoit non-seulement nommé le mari de toutes les femmes, mais aussi la femme de tous les maris.

La tunique prenoit si juste au cou, & descendoit si bas dans les femmes pleines de retenue, qu’on ne leur voyoit que le visage. Catia n’étoit point du nombre de ces sortes de femmes, à ce que dit Horace :

Matronæ præter faciem nil cernere possis,
Cætera, ni Catia est, demissâ veste tegentis.

Elle laissoit à découvert cette partie des épaules qui est jointe au bras ; Ovide disoit que cet étalage séyoit aux femmes blanches, & qu’il autorisoit les émancipations.

Hoc ubi vidi,
Oscula ferre humero, quà patet usque libet.

Lorsque le luxe eut amené l’usage de l’or & des pierreries, on commença impunément à montrer encore la gorge ; la vanité gagna du terrein, & les tuniques s’échancrerent davantage ; souvent les manches, au rapport d’Elien, n’en étoient point cousues, & du haut de l’épaule jusqu’au poignet, elles s’attachoient avec des agraffes d’or ou d’argent, de telle sorte qu’un côté de la tunique posant à demeure sur l’épaule gauche, l’autre côté tomboit négligemment sur la partie supérieure du bras droit ; ainsi les tuniques étoient ouvertes par les côtés, à-peu-près comme nos chemises d’hommes.

Leur nombre s’augmenta chez les Romains, d’abord parmi les hommes dont les femmes suivirent l’exemple ; mais le goût en forma la différence ; la premiere étoit une simple chemise, la seconde une espece de rochet, & la troisieme, c’est-à-dire celle qui se mettoit par-dessus, se nommoit stole. Voyez Stole.

Du tems de Séneque la tunique des dames romaines étoit très-fine. Voyez-vous, dit-il, ces habillemens de soie que portent nos dames ; qu’y découvrez-vous qui puisse défendre ou le corps ou la pudeur ? Celle qui peut les revêtir, osera-t-elle jurer qu’elle ne soit pas nue ? On fait venir à grands frais de pareilles étoffes d’un pays où le commerce n’a jamais été ouvert, & tout cela pour avoir droit d’étaler en public des objets qu’en particulier on n’ose montrer à ses amans qu’avec quelque réserve.

Il ne manquoit plus à Séneque qu’à nous instruire de la couleur de la tunique des dames romaines, selon ce même esprit de galanterie & de volupté qui corrompoit les mœurs de son siecle, & dans lequel Ovide ne recommandoit que la convenance avec le teint. La tunique noire, dit-il, sied bien aux blanches, & la blanche sied bien aux brunes. Nous ne marions pas volontiers de même ces deux dernieres couleurs. Est-ce que la fantaisie régloit le goût des Romains, ou qu’elle détermine le nôtre ? C’est tous les deux ; car en tout tems la fantaisie a décidé des goûts, des modes & de la beauté. (D. J.)

Tunique, s. f. (terme de Chasublier.) vêtement dont les diacres & soûdiacres se servent en officiant. La tunique ne differe de la dalmatique que par les manches qui sont plus longues. La tunique est aussi une sorte de veste dont les rois de France sont revêtus à leur sacre sous leur manteau royal. (D. J.)

Tunique, surtout, ou cote d’armes pour être portée sur l’armure du corps. Voyez Cote d’armes.

La tunique est proprement un petit surtout de taffetas, court & fort large, sur lequel on a peint ou brodé des armes, comme en portent les hérauts d’armes ; autrefois les officiers généraux militaires en portoient aussi sur leurs armures pour se distinguer de leurs subalternes. Voyez Armes.