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tiennent toutes ensemble, comme n’étant qu’un seul corps, situé derriere l’union des couches des nerfs optiques. Les antérieurs sont un peu plus arrondis & un peu plus larges, & on les appelle nates, & les postérieurs testes.

Tubercule, (Médecine.) ce terme employé quelquefois pour exprimer des petites tumeurs qui paroissent sur la surface du corps, a été plus particulierement consacré dans le langage de la Médecine interne, pour désigner des concrétions lymphatiques qu’on a souvent observées dans les poumons des personnes mortes de phthisie ; voyez ce mot. Morton, auteur d’une excellente phthisiologie, fondé sur un grand nombre d’observations cadavériques, & appuyé de raisons assez plausibles, pense que ces concrétions ou tubercules sont la cause la plus ordinaire de la phthisie, sur-tout de celle qu’on apporte en naissant, héritage funeste transmis par des parens malsains, & qui se perpétue de génération en génération jusqu’à la postérité la plus reculée.

Les tubercules ne se manifestent par aucun signe exactement caractéristique, & qui ne puisse convenir à d’autres affections. Les moins équivoques & qui servent communément à juger de leur présence, sont 1°. une toux seche qui persiste pendant très long-tems, & qu’accompagnent souvent le dégoût, perte d’appétit, & vomissement après le repas. 2°. La difficulté de respirer, qui augmente par le mouvement, la course, au point que ces malades sont prêts à suffoquer après qu’ils ont marché un peu vîte, ou monté des endroits fort élevés. 3°. Le changement de la voix qui devient plus grêle, plus aiguë, rauque & clangens, c’est-à-dire semblable à celle des grues. 4°. La gêne, l’oppression, le sentiment d’ardeur que ces malades sentent dans la poitrine, ou entre les deux épaules, souvent un poids plus sensible d’un côté que de l’autre. 5°. Enfin un commencement de fievre lente. On pourroit aussi tirer des lumieres pour confirmer le diagnostic des tubercules de l’état du malade & de ses parens ; cette disposition phthisique est marquée par un col grêle, alongé, par des rougeurs au visage, par une poitrine étroite & resserrée, par une maigreur constante, & par des constipations opiniâtres ; si le malade est né de parens phthisiques, s’il a eu des freres ou des sœurs, dans lesquels on ait reconnu sûrement une phthisie tuberculeuse, tous ces signes ramassés décideront assez sûrement le genre de sa maladie, ou la présence des tubercules ; mais il est rare que l’on puisse rassembler tous ces signes, il est aussi très-difficile de bien connoître cette maladie, & il est très-ordinaire de la voir confondre par des médecins qui jugent avec trop de précipitation, avec le catarrhe ou les dérangemens du foie ; aussi a-t-on souvent déclaré phthisiques, poulmoniques des gens qui avoient le poumon très-sain, & chez qui le foie seul étoit altéré : cette erreur est d’une très grande conséquence dans la pratique, car les remedes indiqués dans ces deux cas sont tout-à-fait différens ; elle est cependant très-commune, j’y ai vu tomber, il n’y a pas long tems, des praticiens d’une très-grande réputation, qui, sur ces signes trompeurs de tubercules, avoient décidé la phthisie & la mort prochaines dans un malade, & par les remedes peu convenables ordonnés sur cette fautive indication, rendoient tous les jours la maladie plus grave & plus opiniâtre, & l’auroient enfin, justifiant leur prognostic, rendu mortelle, si un nouveau médecin n’avoit mieux connu la source & le siege du mal qui étoit dans le foie, & administré des remedes opposés qui eurent le succès le plus prompt & le plus heureux.

On distingue trois états ou périodes dans les tubercules ; savoir, 1°. lorsqu’ils se forment & qu’ils ne sont que des concrétions indolentes plus ou moins dures ; 2°. lorsqu’ils s’enflamment, deviennent dou-

loureux, & excitent de l’ardeur ; 3°. enfin lorsqu’ils

s’ulcerent, que la suppuration s’établit & fournit la matiere des crachats purulens. Ces trois états sont démontrés par l’ouverture des cadavres, on voit les tubercules dispersés dans le parenchyme des poumons, parcourir successivement ces périodes, & dans des tems différens ; les uns seront encore durs, tandis que d’autres seront enflammés, & il s’en présentera ailleurs déja détruits par la suppuration ; on a tiré de cette suppuration la distinction de la phthisie commençante, confirmée & désespérée. Voyez Phthisie.

La cause la plus commune des tubercules est une disposition héréditaire qui affecte également les tumeurs & le tissu des poumons ; il peut se faire aussi que les rhumes négligés, les catarrhes, les autres affections de poitrine, les virus vénériens & scrophuleux, leur donnent naissance ; ceux qui sont produits par ces causes accidentelles sont bien moins dangereux & plus faciles à guérir, que ceux qui dépendent d’un vice des solides & des fluides né avec le malade que l’âge n’a fait que développer, & que les excès dans différens genres, l’usage immodéré du vin & des liqueurs fortes, & sur-tout les débauches, augmentent considérablement.

C’est un préjugé reçu chez presque tous les praticiens, qu’il ne faut attaquer ces tubercules que par des adoucissans, des laitages, des mucilagineux, &c. & qu’il faut s’abstenir avec soin des apéritifs ; il faut, disent-ils, envelopper, invisquer, engaîner la lymphe âcre, & prendre garde de ne pas en augmenter par des médicamens chauds le mouvement & l’activité ; mais ils ne font pas attention que par cette méthode, loin de détruire ces concrétions, ils ne font que les augmenter, qu’ils dérangent en même tems l’estomac, donnent lieu à des mauvaises digestions ; nouvel obstacle à la guérison, & enfin qu’aucun malade traité par cette méthode n’en rechappe. C’est pourquoi il faut, laissant à part toutes ces idées ridicules & dangereuses de théorie boerhaavienne, consulter l’observation, la seule maîtresse dans la pratique ; elle nous apprendra qu’on peut sans crainte avoir recours à des remedes un peu énergiques, incisifs, sur-tout à des stomachiques amers & même à des légers martiaux ; les sudorifiques doux ou diaphorétiques paroissent très-bien indiqués par cette observation lumineuse, qui nous apprend que le défaut de transpiration est une cause fréquente des tubercules, ou du-moins un symptome qui l’accompagne assez constamment, & que son rétablissement est un des signes les plus assûrés de guérison ; c’est à produire cet effet que réussissent admirablement les eaux minérales sulphureuses de Bareges, de Cauterets, de S. Laurent, les eaux bonnes, &c. l’antimoine diaphorétique, l’antihectique de Poterius, & autres préparations de cette classe si célébrée par leurs auteurs, & par le vulgaire des médecins crédules, sont des remedes absolument inefficaces dans le cas présent ; peut-être auroient-ils quelque effet, s’il s’agissoit de détruire les acides dans les premieres voies ; enfin on doit beaucoup compter pour dissiper cette maladie & prévenir la phthisie, ou l’étouffer dans le berceau, sur la promenade, l’exercice, les voyages, les changemens d’air, l’équitation ; sans doute les eaux minérales qu’on va prendre sur les lieux & les pélerinages, doivent à ces secours beaucoup de leur vertu. Lorsque les tubercules sont enflammés, il est à propos de modérer un peu l’activité des remedes, & d’insister sur les délayans ; le petit-lait, le lait d’ânesse, celui de vache coupé avec des plantes béchiques, diaphorétiques, avec le lierre terrestre, la squine, le capillaire, &c. sont assez appropriés. Lorsque la suppuration est formée, il faut mêler à ces remedes l’usage des baumes, on peut encore tenter les eaux