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dans sa colere, inonda tout le pays des eaux salées de la mer, fit périr tous les fruits de la terre, & ne cessa d’affliger de ce fléau les Troézéniens, jusqu’à ce qu’ils l’eussent appaisé par des vœux & des sacrifices.

Au-dessus étoit le temple de Cérès législatrice, consacré, disoit-on, par Althepus. Si on alloit au port, qui étoit dans un bourg nommé Célenderis, on voyoit un lieu appellé le berceau de Thésée, parce que c’étoit-là que Thésée étoit né. Vis-à-vis on avoit bâti un temple au dieu Mars, dans le lieu même où Thésée défit les Amazones. C’étoit apparemment un reste de celles qui avoient combattu dans l’Attique contre les Athéniens commandés par ce héros.

En avançant vers la mer Pséphée, on trouvoit un olivier sauvage nommé le rhachos, tortu ; car ils donnoient le nom de rhachos à tous les oliviers qui ne portoient point de fruit ; & ils appelloient celui-ci tortu, parce que c’étoit autour de cet arbre, que les renes des chevaux d’Hippolyte s’étoient embarrassées ; ce qui avoit fait renverser son char.

Il y avoit deux îles qui dépendoient de Troézene ; savoir l’île de Sphérie, depuis nommée l’île sacrée, & celle de Calaurée. Une bonne partie du pays de Troézene étoit, à proprement parler, un isthme qui avançoit considérablement dans la mer, & qui s’étendoit jusqu’à Hermione.

Les Troézéniens faisoient tout ce qu’ils pouvoient pour donner d’eux une grande idée. Ils disoient que leur premier roi s’appelloit Orus, & qu’il étoit originaire du pays ; mais je crois, dit Pausanias, l. II. c. xxx. que le nom d’Orus est plutôt égyptien que grec. Quoi qu’il en soit, ils assuroient qu’Orus avoit regné sur eux, & que de son nom le pays avoit été appellé l’Orée, qu’ensuite Althepus, fils de Neptune & de Leis, qui étoit fille d’Orus, ayant succédé à son ayeul, toute la contrée avoit pris le nom d’Althépie. Ce fut sous son regne que Bacchus & Minerve disputerent à qui auroit le pays sous sa protection, & que Jupiter les mit d’accord en partageant cet honneur entre l’un & l’autre. C’est pour cela qu’ils honoroient Minerve Poliade, & Minerve Sthéniade, donnant deux noms différens à la même divinité, & qu’ils révéroient Neptune sous le titre de roi ; même l’ancienne monnoie de ce peuple avoit d’un côté un trident, & de l’autre une tête de Minerve. Nous avons encore des médailles qui prouvent ces deux faits ; Golstius cite une médaille frappée à Troézene, où l’on voit d’un côté un trident, & une autre médaille des Troézéniens avec ce mot Πολιὰς, c’est-à-dire, Minerve, protectrice de la ville.

A Althépus succéda Saron ; celui-ci, suivant la tradition, bâtit un temple à Diane Saronide, dans un lieu où les eaux de la mer forment un marécage ; aussi l’appelloit-on le marais Phœbéen. Ce prince aimoit passionnément la chasse : un jour qu’il chassoit un cerf, il le poursuivit jusqu’au bord de la mer. Le cerf s’étant jetté à la nage, le prince s’y jetta après lui, & se laissant emporter à son ardeur, il se trouva insensiblement en haute mer, où épuisé de forces, & lassé de lutter contre les flots, il se noya. Son corps fut apporté dans le bois sacré de Diane, auprès de ce marais, & inhumé dans le parvis du temple. Cette avanture fut cause que le marais changea de nom, & s’appella le marais Saronique.

Après le retour des Héraclides dans le Péloponnèse, les Troézéniens reçurent les Doriens dans Troézene, je veux dire ceux des Argiens qui y voulurent venir demeurer ; ils se souvenoient qu’ils avoient été soumis eux-mêmes à la domination d’Argos ; car Homere dans son dénombrement dit qu’ils obéissoient à Diomede. Or Diomede & Eurialus, fils de Mécistée, après avoir pris la tutelle de Cyanippe fils d’Egialée, conduisirent les Argiens à Troie.

Quant à Sthénélus, il étoit d’une naissance beaucoup plus illustre, & de la race de ceux qu’on nommoit Anaxagorides : c’est pourquoi l’empire d’Argos lui appartenoit. Voilà ce que l’histoire nous apprend des Troézéniens ; on pourroit ajouter qu’ils ont envoyé encore diverses autres colonies de part & d’autre.

Ptolomée, l. III. c. xvj. parle d’une ville du Péloponnèse dans la Messénie, qui portoit aussi le nom de Troézene ; Enfin, Pline, l. V. c. xxix. parle d’une troisieme Troézene. Cette derniere avoit pris son nom d’une colonie de troézéniens, qui, à ce que dit Strabon, l. XIV. p. 656. vint autrefois habiter dans la Carie. (Le chevalier de Jaucourt.)

TROGILORUM-PORTUS, (Géog. anc.) port de la Sicile, près de la ville de Syracuse ; il en est parlé dans Tite-Live, l. XXV. c. xxiij. & dans Thucydide, l. VI. p. 413. (D. J.)

TROGLODYTES, s. m. pl. (Géog.) dans l’ancienne Géographie, c’étoient des peuples d’Ethyopie, qu’on dit avoir vécu dans des caves souterreines ; ce mot est formé du grec τρώγλη, caverne, & de δύω, subeo, j’entre.

Pomponius Méla rapporte qu’ils ne parlent point, mais qu’ils crient ou ne font entendre que des sons sans articulation, qu’ils vivent de serpens, &c. Tzetzés les appelle icthyophages ou mangeurs de poisson. Montanus croit que c’est le même peuple que l’Ecriture appelle Ghanamins, & Pintianus sur Strabon, veut que l’on écrive ce nom sans l, Trogodytes.

Si l’on en croit quelques modernes, tels que les peres Kircher & Martin, il n’y a pas encore longtems qu’il y avoit à Malte des troglodytes, c’est-à-dire, des especes de sauvages séparés de tous les autres habitans, & vivant entre eux dans une vaste caverne, proche d’une maison de plaisance du grand-maître. Ils ajoutent qu’il y en a en Italie près de Viterbe, & en divers endroits des Indes, & qu’on en a trouvé qui n’avoient jamais vu la lumiere du soleil.

Troglodytes est encore le nom donné par Philastre à une secte de juifs idolâtres, qui selon lui se retiroient dans des cavernes souterraines pour adorer toute sorte d’idoles. Cet auteur & son éditeur tirent du grec, comme nous avons fait ci-dessus, le mot de Troglodytes ; mais ils paroissent se tromper dans l’attribution qu’ils en font à cette secte ; car ils se fondent sur la vision rapportée par Ezéchiel, chap. viij. V. 8. 9. & 10. Or dans cette vision, il ne s’agit nullement de cavernes souterreines, mais du temple même que les 70 vieillards avoient choisi pour en faire le théâtre de leurs impiétés, ou, comme porte le verset 12. l’endroit secret de leur chambre, in abscondito cubiculi sui. Ainsi le nom de Troglodytes est très mal appliqué à cet égard, & ne convient point du tout à la secte dont il est mention dans ce prophete.

TROGUE, s. f. (Draperie.) c’est la chaîne préparée par les ourdisseurs pour la fabrique des draps mêlangés : chaque trogue contient en longueur de quoi ourdir & fabriquer deux pieces de drap ; avant de les délivrer au tisserand pour les monter sur son métier, on les colle avec de la colle de Flandre, puis on les laisse quelque tems sécher, & avant qu’elles soient tout-à-fait seches, on en sépare les fils avec un peigne de fil de fer. Savary. (D. J.)

TROIA, (Géog. anc.) ce mot, outre la célebre ville de Troie, est donné par Etienne le géographe à d’autres villes ; 1°. à une ville de la Chaonie, dans la Cestrie. Virgile, Ænéid. l. III. v. 349. en parle ; 2°. à une ville d’Egypte, voisine du mont Troicus ; mais Strabon ne lui donne que le titre de village ; 3°. à une ville de la Cilicie ; 4°. à une ville d’Italie, si-