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que par sa mere il descendoit des Amazones, qui avoient dans leur pays un temple de Diane de même nom. Devant la porte du temple étoit une grosse pierre appellée la pierre sacrée, & sur laquelle on prétendoit qu’Oreste avoit été purifié du meurtre de sa mere par d’illustres personnages de Troëzene au nombre de neuf ; assez près de là on trouvoit plusieurs autels peu éloignés les uns des autres : l’un consacré à Bacchus sauveur, en conséquence d’un certain oracle : un autre à Thémis, & que Pithée lui-même avoit consacré ; un troisieme avoit été consacré au Soleil le libérateur par les Troézéniens, lorsqu’ils se virent délivrés de la crainte qu’ils avoient eue de tomber sous l’esclavage de Xercès & des Perses. On y voyoit aussi un temple d’Apollon Théorius, & qui passoit pour avoir été rétabli & décoré par Pithée. C’étoit le plus ancien des temples que connût Pausanias. La statue qu’on y voyoit étoit un présent d’Auliscus, & un ouvrage du statuaire Hermon, natif du pays ; on y voyoit encore les deux statues des Dioscures ; elles étoient de bois & aussi de la main d’Auliscus.

Dans la même place il y avoit un portique orné de plusieurs statues de femmes & d’enfans, toutes de marbre : c’étoient ces femmes que les Athéniens confierent avec leurs enfans aux Troézéniens, lorsqu’ils prirent la résolution d’abandonner Athènes, dans l’impossibilité où ils étoient de la défendre contre les Perses avec le peu de forces qu’ils avoient sur terre. On n’érigea pas des statues à toutes, mais seulement aux plus considérables d’entr’elles.

Devant le temple d’Apollon on remarquoit un viel édifice appellé le logis d’Oreste, & où il demeura comme séparé des autres hommes, jusqu’à ce qu’il fût lavé de la tache qu’il avoit contractée en trempant les mains dans le sang de sa mere ; car on disoit que jusque-là aucun troézénien n’avoit voulu le recevoir chez lui ; de sorte qu’il fut obligé de passer quelque tems dans cette solitude, & cependant on prenoit soin de le nourrir & de le purifier jusqu’à ce que son crime fût entierement expié ; & même encore du tems de Pausanias, les descendans de ceux qui avoient été commis à sa purification, mangeoient tous les ans à certains jours dans cette maison. Les Troézéniens disoient qu’auprès de cette maison, dans le lieu où l’on avoit enterré les choses qui avoient servi à cette purification, il avoit poussé un laurier qui s’étoit toujours conservé depuis ; & entre les différentes choses qui avoient servi à purifier Oreste, on citoit particulierement l’eau de la fontaine d’Hippocrène ; car les Troézéniens avoient aussi une fontaine Hippocrène.

On voit aussi au même lieu une statue de Mercure Polygius, devant laquelle ils assuroient qu’Hercule avoit consacré sa massue faite de bois d’olivier. Quant à ce qu’ils ajoutent, dit Pausanias, que cette massue prit racine, & poussa des branches, c’est une merveille que le lecteur aura peine à croire. Quoi qu’il en soit, ils montrent encore aujourd’hui cet arbre miraculeux ; & à l’égard de la massue d’Hercule, ils tiennent que c’étoit un tronc d’olivier qu’Hercule avoit trouvé auprès du marais Saronique. On voyoit encore à Troezene un temple de Jupiter sauveur, bâti, à ce qu’on disoit, par Aëtius, lorsqu’il avoit pris possession du royaume après la mort de son pere.

Les Troézéniens donnoient comme une merveille leur fleuve Chrysorrhoès, qui durant une sécheresse de neuf années que tous les autres tarirent, fut le seul qui conserva toujours ses eaux, & qui coula à l’ordinaire. Ils avoient un fort beau bois consacré à Hippolyte, fils de Thésée, avec un temple où l’on voyoit une statue d’un goût très-ancien. Ils croyoient que ce temple avoit été bâti par Diomede, qui le premier avoit rendu des honneurs divins à Hippolyte. Ils ho-

noroient donc Hyppolyte comme un dieu. Le prêtre

chargé de son culte étoit perpétuel, & la fête du dieu se célébroit tous les ans. Entr’autres cérémonies qu’ils pratiquoient en son honneur, les jeunes filles, avant que de se marier, coupoient leur chevelure, & la lui consacroient dans son temple. Au reste ils ne convenoient point qu’Hippolyte fût mort, emporté & trainé par ses chevaux ; & ils se donnerent bien de garde de montrer son tombeau ; mais ils vouloient persuader que les dieux l’avoient mis dans le ciel au nombre des constellations, & que c’étoit celle qu’on nommoit le conducteur du chariot.

Dans le même lieu il y avoit un temple d’Apollon Epibaterius, & qu’ils tenoient avoir été dédié sous ce nom par Diomede, après qu’il se fut sauvé de la tempête qui accueillit les Grecs lorsqu’ils revenoient du siege de Troie. Ils disoient même que Diomede avoit institué le premier les jeux pithiques en l’honneur d’Apollon. Ils rendoient un culte à Auxesia & à Lamia, aussi bien que les Epidauriens & les Eginetes ; mais ils racontoient differemment l’histoire de ces divinités ; selon eux, c’étoient deux jeunes filles qui vinrent de Crete à Troëzene, dans le tems que cette ville étoit divisée par des parties contraires ; elles farent les victimes de la sédition, & le peuple qui ne respectoit rien, les assomma à coups de pierre ; c’est pourquoi on célébroit tous les ans un jour de fête qu’on appelloit la lapidation.

De l’autre côté c’étoit un stade nommé le stade d’Hippolyte ; & au-dessus il y avoit un temple de Vénus surnommée la regardante, parce que c’étoit delà que Phedre éprise d’amour pour Hippolyte, le regardoit toutes les fois qu’il venoit s’exercer dans la carriere ; c’est aussi là que l’on voyoit le myrte qui avoit les feuilles toutes criblées ; car la malheureuse Phedre possédée de sa passion, & ne trouvant aucun soulagement, trompoit son ennui en s’amusant à percer les feuilles de ce myrte avec son aiguille de cheveux. Là se voyoit la sépulture de Phedre, & un peu plus loin celle d’Hippolyte ; mais le tombeau de Phedre étoit plus près du myrte. On y remarquoit aussi la statue d’Esculape faite par Timothée ; & l’on croyoit à Troëzene que c’étoit la statue d’Hippolyte. Pour la maison où il demeuroit, je l’ai vue, dit Pausanias ; il y avoit devant la porte une fontaine dite la fontaine d’Hercule, parce qu’on disoit que c’étoit Hercule qui l’avoit découverte.

Dans la citadelle on trouvoit un temple de Minerve Sthéniade ; la déesse étoit représentée en bois. C’étoit un ouvrage de Callon, statuaire de l’île d’Egine. En descendant de la citadelle, on rencontroit une chapelle dédiée à Pan le libérateur, en mémoire du bienfait que les Troézéniens reçurent de lui lorsque par des songes favorables il montra aux magistrats de Troëzene le moyen de remédier à la famine qui affligeoit le pays. En allant dans la plaine, on voyoit sur le chemin un temple d’Isis, & au-dessus un autre temple de Vénus Acréa ; le premier avoit été bâti par les habitans d’Halicarnasse, qui avoient voulu rendre cet honneur à la ville de Troëzene, comme à leur mere. Pour la statue d’Isis, c’étoit le peuple de Troëzene qui l’avoit fait faire.

Dans les montagnes du côté d’Hermione, on rencontroit premierement la source du fleuve Hilycus, qui s’étoit appellé autrefois Taurius : en second lieu, une roche qui avoit pris le nom de Thésée, depuis que ce héros, tout jeune encore, la remua pour prendre la chaussure & l’épée de son pere, qui les avoit cachées dessous : car auparavant elle se nommoit l’autel de Jupiter Sthénius. Près de-là, on montroit la chapelle de Vénus, surnommée Nymphée, bâtie par Thésée, lorsqu’il épousa Hélene. Hors des murs de la ville, il y avoit un temple de Neptune Pythalmius, surnom dont la raison est que ce dieu