Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la beauté de son visage, à l’embonpoint de son corps, qu’Orphée & Théocrite ont tant célébrée, & qui a fait dire à Ovide.

. . . Tibi enim inconsumpta juventa est.
Tu puer eternus, tu formosissimus alto
Conspiceris coelo
.

C’étoit l’assesseur de Cérès. Virgile leur fait en commun une invocation au commencement de ses géorgiques, parce que leurs fêtes se célébroient en même tems, & que leurs temples étoient communs. Bacchus en eut dans toute la Grece, qui de plus institua en son honneur ces fêtes tumultueuses si connues sous le nom d’orgyes. Téos lui rendoit un culte particulier ; il avoit un temple à Eleusis & dans d’autres villes, sous le nom d’Iacchus. Dans son temple à Phigalie, le bas de sa statue étoit toute couverte de feuilles de lierre & de laurier ; le reste étoit enluminé de vermillon.

Enfin ce dieu étoit extrêmement honoré dans les gaules, ainsi que le prouvent plusieurs monumens trouvés en différens endroits ; mais il l’étoit sur-tout dans une petite île située à l’embouchure de la Loire, où il avoit une espece de chapelle, desservie par des femmes qui célébroient ses orgyes. Strabon qui parle de cette île, liv. IV. & du culte qu’on y rendoit à Bacchus, ajoute que les femmes dont je viens de parler, enlevoient tous les ans, avant que le soleil fût couché, & remettoient dans le même lieu, le toît de cette chapelle. (D. J.)

Temple de Bellone, (Antiq. rom.) ce temple étoit selon Donat hors la ville, près de la porte Carmentale, & du Cirque de Flaminius, au lieu où l’on voit le palais Savelli & l’église saint Ange in Pescheria. Dans le vestibule de ce temple, étoit placée la colonne bellique, contre laquelle les consuls, toutes les fois qu’on avoit résolu la guerre, tiroient une fleche, ou frappoient d’une javeline, vers la partie où répondoit le peuple qu’on alloit attaquer. Ce temple fut bâti par le censeur Appius Claudius, vers l’an de Rome 457, & servit quelquefois aux assemblées du sénat. (D. J.)

Temple de Bélus, (Antiq. babyloniennes.) si ce temple étoit le plus ancien de tous ceux du paganisme, comme on a lieu de le penser, il étoit aussi le plus singulier par sa structure. Berose, au rapport de Josephe, en attribue la construction à Bélus, qui y fut lui-même adoré après sa mort ; mais il est certain que si le Bélus de cet historien est le même que Nemrod, comme plusieurs savans le croient, son dessein ne fut pas de bâtir un temple, mais d’élever une tour qui pût le mettre à couvert, lui & sa suite, des inondations ou autres désastres.

Cette fameuse tour qu’on appelle vulgairement la tour de Babel, formoit dans sa base un quarré, dont chaque côté contenoit un stade de longueur, ce qui lui donnoit un demi-mille de circuit. Tout l’ouvrage étoit composé de huit tours, bâties l’une sur l’autre, & qui alloient toujours en diminuant. Quelques auteurs, comme le remarque M. Prideaux, trompés par la version latine d’Hérodote, prétendent que chacune de ces tours ait été haute d’un stade, ce qui monteroit à un mille de hauteur pour le tout ; mais le texte grec ne porte rien de semblable, & il n’y est fait aucune mention de la hauteur de cet édifice. Strabon qui a décrit ce temple, ne lui donne qu’un stade de haut, & un de chaque côté.

Le savant éditeur de l’impression de l’ouvrage de M. Prideaux, faite à Trévoux, dit qu’en suivant la mesure des stades qui étoient en usage du tems d’Hérodote, le seul des anciens qui parle pour avoir vû cet édifice, il ne devoit avoir que 69 toises de hauteur ou environ, c’est-à-dire un peu plus d’une fois la hauteur des tours de l’Eglise de Paris ; ce qui n’est

pas si excessif, vû la magnificence de quelques bâtimens de l’Europe.

Le même éditeur remarque encore, que comme cet ouvrage n’étoit fait que de briques, que des hommes portoient sur leur dos, comme nous l’apprenons des anciens, sa construction n’a rien qui doive surprendre ; & quoiqu’il fût plus haut de 119 piés que la grande pyramide, comme elle étoit bâtie, ou du moins couverte de pierres d’une longueur excessive, qu’il falloit guinder à une si prodigieuse hauteur, elle doit avoir été infiniment plus difficile à construire.

Quoi qu’il en soit, nous apprenons d’Hérodote, qu’on montoit au haut de ce bâtiment par un degré qui alloit en tournant, & qui étoit en-dehors. Ces huit tours composoient comme autant d’étages, dont chacun avoit 75 piés de haut, & on y avoit pratiqué plusieurs grandes chambres soutenues par des piliers, & de plus petites, où se reposoient ceux qui y montoient. La plus élevée étoit la plus ornée, & celle en même tems pour laquelle on avoit le plus de vénération. C’est dans cette chambre qu’étoient, selon Hérodote, un lit superbe, & une table d’or massif, sans aucune statue.

Jusqu’au tems de Nabuchodonosor, ce temple ne contenoit que la tour & les chambres dont on vient de parler, & qui étoient autant de chapelles particulieres ; mais ce monarque, au rapport de Berose, lui donna beaucoup plus d’étendue, par les édifices qu’il fit bâtir tout-au-tour, avec un mur qui les enfermoit, & des portes d’airain, à la construction desquelles le même métal & les autres ustensiles du temple de Jérusalem avoient été employés. Ce temple subsistoit encore du tems de Xerxès, qui au retour de sa malheureuse expédition dans la Grece, le fit démolir, après en avoir pillé les immenses richesses, parmi lesquelles étoient des statues d’or massif, dont il y en avoit une, au rapport de Diodore de Sicile, qui étoit de 40 piés de haut, & qui pouvoit bien être celle que Nabuchodonosor avoit consacrée dans la plaine de Dura. L’Ecriture, à la vérité, donne à ce colosse 90 piés de haut ; mais on doit l’entendre de la statue & de son pié-destal pris ensemble.

Il y avoit dans le même temple plusieurs idoles d’or massif, & un grand nombre de vases sacrés du même métal, dont le poids, selon le même Diodore, alloit à 5030 talens ; ce qui joint à la statue, montoit à des sommes immenses. C’étoit au reste, du temple agrandi par Nabuchodonosor, qu’Hérodote, qui l’avoit vû, fait la description dans son premier livre ; & son autorité doit l’emporter sur celle de Diodore de Sicile, qui n’en parloit que sur quelques relations. Hérodote dit, à la vérité, que dans une chapelle basse de ce temple, étoit une grande statue d’or de Jupiter, c’est-à-dire de Bélus ; mais il n’en donne ni le poids, ni la mesure, se contentant de dire que la statue, avec une table d’or, un trône & un marche-pié, étoient tous ensemble estimés par les Babyloniens, huit cens talens (175 mille liv. sterlings).

Le même auteur ajoute que hors de cette chapelle, étoit aussi un autel d’or, & un autre plus grand sur lequel on immoloit des animaux d’un âge parfait, parce qu’il n’étoit pas permis d’en offrir de pareils sur l’autel d’or, mais seulement de ceux qui tetoient encore ; & qu’on brûloit sur le grand autel chaque année le poids de cent mille talens d’encens. Enfin, il fait mention d’une autre statue d’or massif, qu’il n’avoit pas vûe, & qu’on lui dit être haute de douze coudées, c’est-à-dire de 18 piés. C’est sans doute de la même, que parle Diodore, quoiqu’il lui donne 40 piés de hauteur, en quoi il est plus croyable, si c’étoit celle de Nabuchodonosor, comme il y a toute sorte d’apparence.

Quoi qu’il en soit, j’ai dit d’après Hérodote, que dans la plus haute tour, il y avoit un lit magnifique ;