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joue le jeu. Ce tablier est de bois ou d’ébene, & a d’assez grands rebords pour arrêter les dés qu’on jette, & retenir les dames qu’on y arrange.

Trictrac a écrire, ce qu’on appelle trictrac à écrire, ne change rien à la maniere de jouer le trictrac, non plus que le piquet à écrire au jeu de piquet.

Pour jouer ce jeu, il faut avoir deux cartes & un crayon ; au haut de chaque carte on met le nom d’un joueur, & chacun marque sur sa carte les points qu’il gagne, avec le crayon, au lieu de les marquer avec des fiches ou des jettons.

Il faut seulement remarquer qu’au trictrac à écrire, on ne sauroit gagner ni perdre de points, que l’un des joueurs n’ait six cases ; au reste ce jeu est entierement conforme à l’autre trictrac.

Trictrac des anciens, (Littérat.) espece de jeu appellé διαγραμμισμὸς par les Grecs, & duodena scripta par les Latins. La table sur laquelle on jouoit, étoit quarrée. Elle étoit partagée par douze lignes sur lesquelles on arrangeoit les jettons comme on le jugeoit à-propos, en se réglant néanmoins sur les points des dés qu’on avoit amenés. Ces jettons ou dames nommés calculs étoient chez les Romains au nombre de quinze de chaque côté, de deux couleurs différentes.

Discolor ancipiti sub jactu calculus astat,
Decertantque simul candidus atque niger :
Ut quamvis parili scriptorum tramite currant ;
Is capiet palmam quem sua fata vocant.


Ainsi la fortune & le savoir dominoient également dans ce jeu ; & un joueur habile pouvoit réparer par sa capacité les mauvais coups qu’il avoit amenés, suivant ce passage de Terence : ita vita est hominum quasi cùm ludas tesseris, si illud quod maximè opus est jactu, non cadit ; illud quod accidit, id arte ut corrigas. On pouvoit par cette même raison se laisser gagner par complaisance, en jouant mal les jettons. C’est le conseil qu’Ovide donne à un amant qui joue avec sa maîtresse.

Seu ludet numerosque manu jactabit eburnos ;
Tu malè jactato, tu malè jacta dato.


Lorsqu’on avoit avancé quelque jetton, ce qu’on appelloit dare calculum, & qu’on s’appercevoit avoir mal joué, on pouvoit avec la permission de son adversaire, recommencer le coup, ce qu’on appelloit reducere calculum.

Les douze lignes étoient coupées par une ligne transversale appellée linea sacra, qu’on ne passoit point sans y être forcé ; d’où étoit venu le proverbe κινήσω ἀφ’ἱερᾶς, je passerai la ligne sacrée ; c’est-à-dire, je passerai par-dessus tout. Lorsque les jettons étoient parvenus à la derniere ligne, on disoit qu’ils étoient ad incitas. On se servoit de cette métaphore, pour dire que des personnes étoient poussées à bout ; témoin ce passage de Plaute,

Sy. Profecto ad incitas lenonem rediget, si eas abduxerit ;
Mi. Quin priùs disperibit saxa, quàm unam calcem civerit.

Le διαγραμμισμὸς des Grecs n’avoit que dix lignes & douze jettons.

On ignore les autres regles de ce jeu que l’on ne doit point confondre, comme ont fait la plûpart des commentateurs, avec les jeux des dames, des merelles ou des échecs qui ne dépendent point du sort des dés. Cesui n’a proprement rapport qu’à notre trictrac, auquel il est aisé d’en faire l’application. (D. J.)

Trictrac, s. m. (Tableterie.) c’est une sorte de tiroir brisé qui se ferme à la clé ; le dessus ferme un damier, & le dedans ce qu’on appelle trictrac, dans lequel le tabletier a peint diverses fiches, pour servir au jeu nommé trictrac. (D. J.)

Trictrac, terme de Vénerie, espece de chasse qui se fait par plusieurs personnes assemblées, avec grand bruit pour effaroucher le gibier, & le faire passer devant des chasseurs qui le tirent. (D. J.)

TRICTYES, s. m. pl. (Antiq. grecq.) fêtes consacrées à Mars surnommé Enyalius, dans lesquelles on lui immoloit trois animaux, comme dans les suovetaurilia des Romains. (D. J.)

TRICUSPIDES ou TRIGLOCHINES, en Anatomie, est le nom que l’on donne aux trois valvules, situées à l’orifice auriculaire du ventricule & s’avancent dans la cavité de ce même ventricule. Voyez Valvule & Ventricule.

Elles s’ouvrent de dehors en-dedans ; de sorte qu’elles laissent passer le sang des oreillettes dans les ventricules du cœur, mais l’empêchent de refluer dans ces mêmes oreillettes. Voyez Cœur, Oreillettes, &c.

Elles sont ainsi appellées, à cause de leur figure triangulaire ; & c’est pour cela que les Grecs les nomment τριγλώχινες.

TRIDE, adj. terme de Manege, ce mot se dit d’un pas, d’un galop, & autres mouvemens d’un cheval, qui est un mouvement court & prompt. On dit d’un cheval qu’il a la carriere tride, pour dire fort prompte ; c’est en ce point qu’excellent les chevaux anglois. (D. J.)

TRIDENT, s. m. (Géom.) est une courbe qu’on appelle autrement parabole de Descartes ; son équation est . On la nomme trident, parce qu’elle en a à-peu-près la figure, elle forme une des quatre divisions générales des lignes du troisieme ordre, suivant M. de Newton. Voyez Courbe ; voyez aussi l’enumeratio linearum tertii ordinis de Newton, & l’analyse des lignes courbes de M. Cramer. (O)

Trident, (Belles Lett.) symbole ou attribut de Neptune. C’est une espece de sceptre, que les Peintres & les Poëtes ont mis entre les mains de ce dieu, & qui a la forme d’une lance ou d’une fourche à trois pointes ou dents, ce qui lui a donné nom : c’étoit peut-être une espece de sceptre que portoient les rois dans les tems héroïques, ou un harpon dont on faisoit usage en mer pour piquer les gros poissons. Les mythologues racontent, que les cyclopes avoient forgé le trident, & qu’ils en firent présent à Neptune dans la guerre contre les Titans ; que Mercure le déroba un jour à Neptune ; c’est-à-dire qu’il devint habile dans la navigation ; & enfin que Neptune ouvroit la terre chaque fois qu’il la frappoit de son trident ; ce qui fait dire à Homere dans la description du combat des dieux. Iliade, liv. XX.

L’enfer s’émeut au bruit de Neptune en furie.
Pluton sort de son trône, il pâlit & s’écrie ;
Il a peur que ce dieu dans cet affreux séjour
D’un coup de son trident ne fasse entrer le jour,
Et par le centre ouvert de la terre ébranlée,
Ne fasse voir du Styx la rive désolée ;
Ne découvre aux vivans cet empire odieux
Abhorré des mortels & craint même des dieux.

Despr. trait du sublime.

Trident, terme de Pêche, voyez Fouanne ; on appelle ainsi des especes de fourchettes dont les dents sont ébarbelées, & avec lesquelles les pêcheurs prennent des poissons en piquant dans l’eau au hasard. Quoique ces instrumens ayent quelquefois jusqu’à quatorze dents, on ne laisse pas de les appeller inproprement trident. Voyez Fouanne & la fig. 2. Pl. IV. de Pêche.

TRIDENTE ou TRIDENTUM, (Géogr. anc.) ville d’Italie ; Ptolomée, liv. III. c. j. la donne aux Cénomans. Les habitans de cette ville sont appellés Tridentini par Pline, l. III. ch. ix. C’est aujourd’hui