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trois de ses côtés, & de quatre rangs au quatrieme. C’étoit-là qu’étoient les logemens des prêtres & des lévites, & les magasins de toutes les choses nécessaires au culte public.

Au milieu de cette derniere enceinte étoit le sanctuaire, le saint, & le vestibule. Le sanctuaire formoit un cube parfait, ayant trente piés en tous sens. Au milieu étoit placée l’arche de l’alliance. A ses deux extrémités on voyoit deux chérubins de quinze piés de haut, l’un d’un côté, l’autre de l’autre, à égale distance du centre de l’arche & du mur de chaque côté. Ces chérubins, en étendant leurs aîles, occupoient toute la largeur du sanctuaire : voilà pourquoi l’Ecriture dit si souvent, que Dieu habitoit entre les chérubins.

Le saint contenoit le chandelier d’or, la table des pains de proposition, & l’autel d’or, sur laquelle on offroit les parfums. Ce métal étoit semé avec profusion dans tout l’intérieur du temple ; les tables, les chandeliers, les vases nombreux, de toutes especes, étoient d’or. L’auteur du II. des Paralyp. vij. 1. dit noblement, pour en peindre l’éclat : majestas Domini implevit domum, la majesté du Seigneur remplissoit son palais.

Mais ce beau temple, depuis sa construction, essuya bien des malheurs. Il fut pillé sous Roboam par Sézac roi d’Egypte. Achaz roi de Juda le ferma. Manassès le changea jusqu’à sa conversion, en réceptacle de superstition & d’idolatrie. Enfin l’an 598 avant Jesus-Christ, & la premiere du regne de Sédécias, Nabuchodonosor s’étant rendu maître de Jérusalem par la rebellion de Jehojakim, ruina le temple de Salomon, en enleva tous les vases, tous les trésors qui y étoient, & les transporta à Babylone.

On sait la suite des événemens qui concernent ce temple. Il demeura enseveli sous ses ruines pendant l’espace de cinquante-deux ans, jusqu’à la premiere année du regne de Cyrus à Babylone. Ce prince, l’an 536 avant Jesus-Christ, permit aux Juifs de retourner à Jérusalem, & de rebâtir leur temple ; la dédicace s’en fit l’an 515 avant Notre-Seigneur, & la septieme année du regne de Darius fils d’Hystaspe. Ce second temple, dont on trouvera l’histoire au mot Jérusalem, fut pillé & prophané l’an 171 avant Jésus-Christ par Antiochus qui y fit un butin, qu’on estima dix-huit cens talens d’or. Trois ans après, Judas Macchabée le purifia & y rétablit le culte de Dieu. Pompée s’étant rendu maître de la ville l’an 63 avant Jesus-Christ, sous le consulat de Caïus Antonius & de Cicéron, il entra dans le temple, en vit toutes les richesses, & se fit un scrupule d’y toucher. Neuf ans après, Crassus moins religieux, les ravit par un pillage sacrilege qui montoit à plus de deux millions sterlings. Hérode abattit ce triste édifice qui depuis cinq cens ans d’existance, avoit beaucoup souffert & des sieges des ennemis, & plus encore des injures du tems. Il éleva à sa place un nouveau temple qui fut réduit en cendre à la prise de Jérusalem par Titus. (D. J.)

Temples, (Littérat.) Est-ce la piété ou la superstition qui éleva tant de temples superbes au culte des dieux ? Pour moi je pense que la politique se flatta par de magnifiques ouvrages de l’art, d’imprimer plus de respect, & d’exciter plus de crainte dans l’esprit des peuples.

Les arbres furent les premiers autels, & les champs les premiers temples. C’étoit sur des pierres brutes ou des mottes de gason, que se firent les premieres offrandes à la Divinité. Dans des tems où l’on ne connoissoit ni l’Architecture ni la Sculpture, on choisit pour le culte religieux des bois plantés sur des hauteurs, & ces bois devinrent sacrés ; on les éclaira de lumieres, parce qu’on y passoit une partie de la nuit ; on les orna de guirlandes & de bouquets de

fleurs ; on suspendit dans les chapelles de treillage les dons & les offrandes. L’on y fit des repas publics, accompagnés dans les années fertiles, de chants, de danses, & de toutes les autres marques de la joie & de la reconnoissance.

Les temples de pierre & de marbre naquirent avec les progrès de l’Architecture. Il arriva même alors, que pour conserver l’ancien usage, on continua de planter des bois autour des temples, de les environner de murailles ou de haies, & ces bois passoient pour sacrés.

Bientôt on éleva dans les villes des temples superbes en l’honneur des dieux, & la Sculpture tailla leurs statues. Phidias, par l’effort d’un art également brillant & heureux, d’un bloc de marbre, fit le dieu qui lance le tonnere.

Tremblez, humains, faites des vœux ;
Voilà le maître de la Terre !

C’est en Egypte que la construction des temples prit naissance. Elle fut portée de-là chez les Assyriens, les Phéniciens & les Syriens, passa dans la Grece avec les colonies, & de la Grece vint à Rome. Telle a été la marche constante de la religion, des sciences & des beaux arts. Il n’y eut que quelques peuples, tels que les Perses, les Indiens, les Getes & les Daces qui persisterent dans le sentiment, qu’on ne devoit pas enfermer les dieux dans aucun édifice de la main des hommes, quelque magnifique qu’il pût être : parietibus nunquam includendos deos, quibus omnia deberent esse patentia, comme s’exprime Ciceron ; mais l’idée contraire des nations policées prévalut dans le monde.

Il arriva même, avec le tems, que chaque divinité eut ses temples favoris, dont elle ne dédaignoit point de porter le nom, & c’étoit-là que son culte étoit le plus florissant. Les villes qui leur étoient dévouées, & qui se donnoient le titre ambitieux de villes sacrées, tirant avantage du grand concours de peuple qui venoit de toutes parts à leurs solemnités, prenoient sous leur protection, ceux que la religion, la curiosité ou le libertinage y attiroient, les défendoient comme des personnes inviolables, & combattoient, pour l’immunité de leurs temples, avec autant de zele que pour le salut de la patrie.

Pour en augmenter la vénération, ils n’épargnoient ni la somptuosité des bâtimens, ni la magnificence des décorations, ni la pompe des cérémonies. Les miracles & les prodiges excitant encore davantage le respect & la dévotion populaire, il n’y avoit guere de temples renommés dont on ne publiât des choses surprenantes. Dans les uns, les vents ne troubloient jamais les cendres de l’autel ; dans les autres il ne pleuvoit jamais, quoiqu’ils fussent découverts. La simplicité superstitieuse des peuples recevoit aveuglément ces prétendues merveilles, & le zele intéressé des ministres de la religion les soutenoit avec chaleur.

L’aspect de ces temples étoit fort imposant. On trouvoit d’abord une grande place accompagnée de galeries couvertes en forme de portiques, à l’extrémité de laquelle on voyoit le temple, dont la figure étoit le plus souvent ronde ou quarrée. Il étoit ordinairement composé de quatre parties ; savoir, d’un porche ou vestibule faisant la façade ; d’une autre semblable piece à la partie opposée ; de deux aîles formées de chaque côté par divers rangs de colonnes ; & du corps du temple appellé cella ou ναός. Ces trois premieres parties ne se trouvoient pas néanmoins dans tous les temples. Les temples environnés de colonnes de toutes parts, étoient appellés périptères : on leur donnoit le nom de diptères, quand il y en avoit double rang : tel étoit le second temple d’Ephèse.