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de la guerre, & ces sortes de treves sont ordinairement de courte durée.

2°. Il y a une treve générale pour tous les pays de l’un & de l’autre peuple, & une treve particuliere restreinte à certains lieux, comme par exemple, sur mer, & non pas sur terre, &c.

3°. Enfin, il y a une treve absolue, indéterminée & générale, & une treve limitée & déterminée à certaines choses ; par exemple, pour enterrer les morts, ou bien si une ville a obtenu une treve seulement pour être à l’abri de certaines attaques, ou par rapport à certains actes d’hostilité, comme pour le ravage de la campagne.

Il faut remarquer encore qu’à proprement parler, une treve ne se fait que par une convention expresse, & qu’il est très-difficile d’établir une treve sur le fondement d’une convention tacite, à-moins que les faits ne soient tels en eux-mêmes & dans leurs circonstances, qu’ils ne puissent être rapportés à un autre principe, qu’à un dessein bien sincere de suspendre pour un tems les actes d’hostilité.

Ainsi, de cela seul qu’on s’est abstenu pour quelque tems d’exercer des actes d’hostilité, l’ennemi auroit tort d’en conclure que l’on consent à une treve.

La nature de la treve fait assez connoître quels en sont les effets.

1°. En général, si la treve est générale & absolue, tout acte d’hostilité doit cesser, tant à l’égard des personnes, qu’à l’égard des choses ; mais cela n’empêche pas que l’on ne puisse pendant la treve, lever de nouvelles troupes, faire des magasins, réparer des fortifications, &c. à-moins qu’il n’y ait quelque convention formelle au contraire ; car ces sortes d’actes ne sont pas en eux-mêmes des actes d’hostilité, mais des précautions défensives, & que l’on peut prendre même en pleine paix.

Ce seroit aussi une chose contraire à la treve, que de s’emparer d’une place occupée par l’ennemi, en corrompant la garnison ; il est bien évident que l’on ne peut pas non plus innocemment s’emparer pendant la treve, des lieux que l’ennemi a abandonnés, mais qui lui appartiennent, soit qu’il ait cessé de les garder avant la treve, soit après.

3°. Par conséquent, il faut rendre les choses appartenantes à l’ennemi, qui pendant la treve sont par quelque hasard tombées entre nos mains, encore même qu’elles nous eussent appartenu auparavant.

4°. Pendant la treve, il est permis d’aller & de venir de part & d’autre, mais sans aucun train, ni aucun appareil, d’où il puisse y avoir quelque chose à craindre.

A cette occasion, on demande si ceux qui par quelque accident imprévû & insurmontable, se trouvent malheureusement sur les terres de l’ennemi après la treve expirée, peuvent être retenus prisonniers, ou si l’on doit leur accorder la liberté de se retirer : Grotius & Puffendorf après lui, décident que l’on peut à la rigueur du droit, les retenir prisonniers de guerres ; mais, ajoute Grotius, il est sans doute plus humain & plus généreux de se relâcher d’un tel droit ; pour moi, il me semble que c’est une suite du traité de treve, que l’on laisse aller ces gens-là en liberté ; car puisqu’en vertu de la treve, on étoit obligé de laisser aller & venir en liberté pendant tout le tems de la treve, on doit aussi leur accorder la même permission après la treve même, s’il paroît manifestement qu’une force majeure, ou un cas imprévû les a empêché d’en profiter durant l’espace reglé ; autrement, comme ces sortes d’accidens peuvent arriver tous les jours, une telle permission deviendroit souvent un piege pour faire tomber bien des gens entre les mains de l’ennemi : tels sont les principaux effets d’une treve absolue & générale.

Pour ce qui est d’une treve particuliere ou détermi-

née à certaines choses, ses effets sont proportionnés

à la convention, & limités par la nature de l’accord.

1°. Ainsi, si l’on a accordé une treve seulement pour enterrer les morts, on n’est pas pour cela en droit d’entreprendre tranquillement quelque chose de nouveau, qui apporte quelque changement à l’état des choses : on ne peut, par exemple, pendant ce tems-là, se retirer dans un port plus sûr, ni se retrancher, &c. car premierement, celui qui a accordé une courte treve pour enterrer les morts, ne l’a accordée que pour cela, & il n’y a nulle raison de l’étendre au-delà du cas dont on est convenu ; d’où il s’ensuit, que si celui à qui on l’a accordée, vouloit en profiter pour se retrancher, par exemple, ou pour quelqu’autre chose, l’autre seroit en droit de l’empêcher par la voie des armes : le premier ne sauroit s’en plaindre, car on ne sauroit prétendre raisonnablement qu’une treve conclue pour enterrer les morts & restrainte à ce seul acte, donne droit d’entreprendre & de faire tranquillement quelqu’autre chose ; tout ce à quoi elle oblige celui qui l’a accordée, c’est à ne point s’opposer par la force à l’enterrement des morts, il n’est tenu à rien de plus ; cependant Puffendorf est dans un sentiment contraire.

C’est en conséquence des mêmes principes, que l’on suppose que par la treve, on ait seulement mis les personnes à couvert des actes d’hostilité, & non pas les choses ; en ce cas-là, si pour défendre ses biens on fait du mal aux personnes, on n’agit point contre l’engagement de la treve ; car par cela même qu’on a accordé de part & d’autre une sûreté pour les personnes, on s’est aussi réservé le droit de défendre ses biens du dégât ou du pillage ; ainsi la sûreté des personnes n’est point générale, mais seulement pour ceux qui vont & viennent sans dessein de rien prendre à l’ennemi, avec qui on a fait cette treve limitée.

Toute treve oblige les parties contractantes, du moment que l’accord est fait & conclu ; mais à l’égard des sujets de part & d’autre, ils ne sont dans quelque obligation à cet égard, que quand la treve leur a été solemnellement notifiée. Il suit de là, que si avant cette notification, les sujets commettent quelque acte d’hostilité, ou font quelque chose contre la treve, ils ne seront sujets à aucune punition ; cependant les puissances qui auront conclu la treve doivent dédommager ceux qui auront souffert, & rétablir les choses dans le premier état, autant que faire se pourra.

Enfin, si la treve vient à être violée d’un côté, il est certainement libre à l’autre des parties de reprendre les armes, & de recommencer la guerre sans aucune déclaration préalable ; que si l’on est convenu d’une peine payable par celui qui violeroit la treve, si celui-ci offre la peine, ou s’il l’avoit subie, l’autre n’est point en droit de recommencer les actes d’hostilité avant le terme expiré ; bien entendu qu’outre la peine stipulée, la partie lésée est en droit de demander un dédommagement de ce qu’elle a souffert par l’infraction de la treve ; mais il faut bien remarquer que les actions des particuliers ne rompent point la treve, à-moins que le souverain n’y ait quelque part, ou par un ordre donné, ou par une approbation, & le souverain est censé approuver ce qui a été fait, s’il ne veut ni punir, ni livrer le coupable, ou s’il refuse de rendre les choses prises pendant la suspension d’armes. Principes du Droit politique, tom. II. (D. J.)

Treve, (Jurisprud.) ce terme a dans cette matiere différentes significations.

Treve, du latin trivium, signifie dans les anciens titres un carrefour où aboutissent trois chemins.

Treve, en quelques pays, comme en Bretagne, signifie une église qui est succursale d’une paroisse.

Treve est pris quelquefois pour sauvegarde, liber-