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Philippe-Auguste, puis chancelier sous Louis VIII. & S. Louis.

Il recueillit ce qu’il put trouver de copies de chartes qui avoient été enlevées, & rétablit le surplus de mémoire le mieux qu’il lui fut possible.

Il fut arrêté que l’on mettroit ce qui avoit été ainsi rétabli, & ce qui seroit recueilli à l’avenir, en un lieu où ils ne fussent point exposés aux mêmes hasards ; & Paris fut choisi, comme la capitale du royaume, pour y conserver ce dépôt précieux.

Il est présentement placé dans un petit bâtiment en forme de tour quarrée, attenant la Ste Chapelle, du côté septentrional : au premier étage de ce bâtiment est le trésor de la Ste Chapelle ; & dans deux chambres l’une sur l’autre, au-dessus du trésor de la Ste Chapelle, est le trésor des chartes.

Mais ce dépôt n’a pu être placé dans cet endroit que sous le regne de S. Louis ; & seulement depuis 1246, la Ste Chapelle n’ayant été fondée par ce roi que le 12 Janvier de cette année.

Les chartes ou titres recueillis dans ce dépôt sont les contrats de mariages des rois & reines, princes & princesses de leur sang, les quittances de dot, assignations de douaire, lettres d’apanages, donations, testamens, contrats d’acquisition, échanges, & autres actes semblables, les déclarations de guerre, les traités de paix, d’alliance, &c.

On y trouve aussi quelques ordonnances de nos rois, mais elles n’y sont pas recueillies de suite, ni exactement ; car le registre de Philippe-Auguste & autres des regnes suivans jusqu’en 1381, ne sont pas des recueils d’ordonnances de ces princes, mais des registres de toutes les chartes qui s’expédioient en chancellerie, parmi lesquelles il se trouve quelques ordonnances.

Le roi enjoignoit pourtant quelquefois par ses ordonnances mêmes de les déposer en original au trésor des chartes, témoin celle de Philippe VI. touchant la régale du mois d’Octobre 1344, à la fin de laquelle il est dit qu’elle sera gardée par original au trésor des chartes & lettres du roi, ordonnances de la troisieme race, tome V.

Lorsque le trésor des chartes fut établi dans le lieu où il est présentement, on créa aussi-tôt un gardien de ce dépôt, que l’on appelle trésorier des chartes de France, & que l’on a depuis appellé trésorier-garde des chartes & papiers de la couronne, ou, comme on dit vulgairement, garde du trésor des chartes.

Suivant des lettres de Louis XI. de l’an 1481, il doit prêter serment de cette charge en la chambre des comptes.

En instituant le trésorier des chartes, on lui donna non-seulement la garde de ce dépôt, mais on le chargea aussi de recueillir les chartes & titres de la couronne, de les déposer dans le trésor, & d’en faire de bons & fideles inventaires.

Il nous reste encore quelques notions de ceux qui ont exercé la charge de trésorier des chartes.

Le plus ancien qui soit connu, est Me. Jean de Calais.

Depuis Etienne de Mornay qui l’étoit en 1305, on connoit assez exactement ceux qui ont rempli cette charge.

On trouve qu’en 1318, Pierre d’Estampes ou de Stampis étoit garde du trésor ; mais M. Dupuy dit qu’il y a lieu de douter si ce Pierre d’Estampes & ceux qui lui succéderent en cet emploi jusqu’en 1370, étoient véritablement gardes du trésor des chartes ; il prétend qu’ils étoient seulement gardes des chartes de la chambre des comptes, que l’on appelle aujourd’hui gardes des livres.

Cependant ils ne sont pas qualifiés simplement gardes des livres ou lettres du roi, mais gardes du trésor de lettres du roi ; par exemple, à la marge des lettres de

Charles, régent du royaume, pour le rétablissement du bailliage royal de Saint-Jangon en Mâconnois, du mois de Décembre 1359, qui sont au mémorial D de la chambre des comptes de Paris ; fol. 1, est écrit : ego Adam Boucherii clericus domini regis & custos thesauri litterarum regiarum, recepi in camerâ compotorum originale hujus transcripti per manum magistri Johannis Aquil. die penult. Januarii, anno 1359. Voyez les ordonnances de la troisieme race, tom. III. p. 380, aux notes.

Dans la confirmation des privileges que le roi Jean accorda en Janvier 1350, aux habitans de la ville de Florence, il est dit qu’il fit tirer des registres de son pere (Philippe VI.) lesdites lettres de privileges qui sont du mois de Mai 1344, & ces registres s’entendent du trésor des chartes. Voyez les ordonnances de la troisieme race, tom. IV. pag. 37, & la note de M. Secousses, à la table des matieres, au mot trésor des chartes.

En 1364, Pierre Gonesse étoit garde des chartes & des privileges royaux dont on lui remettoit les originaux ; il donnoit des expéditions signées de lui des lettres qui y étoient contenues ; il est qualifié custos cartarum & privilegiorum regiorum, ce qui ne paroît pas équivoque. Voyez les ordonnances de la troisieme race, tom. IV. p. 474, 475 & 476.

Il est encore parlé du trésor des chartes dans des lettres de Charles V. du 14 Mars 1367, ordonnances de la troisieme race, tom. V. p. 100 & 103.

Les premiers gardes du trésor des chartes ne firent que des inventaires si succints, qu’on n’en peut presque point tirer d’instruction. Au mois de Janvier 1371, Charles V. ayant visité en personne son trésor des chartes, & voyant la confusion qui y étoit, en donna la garde à Gérard de Montaigu qu’il fit son notaire & secrétaire trésorier & garde de son trésor des chartes, & par ses lettres patentes il ordonna qu’à l’avenir ceux qui auroient la garde dudit trésor, seroient appellés trésoriers & ses secrétaires perpétuels.

Il est parlé de ce Gerard de Montaigu en ladite qualité à la marge des lettres de Charles V. du mois de Septembre 1371, qui sont au cinquieme volume des ordonnances de la troisieme race, p. 425 & 426. Il fut garde du trésor jusqu’en 1375. Dreux Bude lui succéda en cette fonction le 7 Février 1375. Le 22 Septembre 1376 le même Gerard de Montaigu étoit garde du trésor de la chapelle. Voyez le recueil des ordonnances de la troisieme race, p. 30, 56 & 218. Chopin, de dom. lib. III. p. 459, dit que Dreux (Draco) & Jean Bude, aïeul & pere de Guillaume Bude, furent successivement gardes du trésor des chartes, ainsi que Guillaume Budée le remarque en sa note sur la loi nec quicquam ff. de offic. proconsul.

Pour revenir aux inventaires du trésor des chartes, Gerard de Montaigu en fit un, mais qui fut encore très-succint, suivant lequel il y avoit alors 310 layettes ou boëtes, 109 registres, & quelques livres de juifs, desquels il n’est resté que quatre hébreux qui y sont encore. Montaigu mit à part les papiers inutiles & plusieurs coins de monnoie, qui sont à présent rongés de la rouille, & que l’on a mis en la chambre haute.

Les registres sont seulement cottés audit inventaire selon les tems, depuis Philippe Auguste jusqu’en 1381, tellement que pour trouver une charte dans ces registres, il faut savoir le tems qu’elle a été enregistrée en l’audience de la chancellerie, ou plutôt levée, parce qu’on n’en faisoit registre qu’après qu’elle avoit été délivrée.

Le 12 Septembre 1481, Jacques Louvet commença un inventaire qui n’étoit que de 75 layettes, selon l’ancienne quote, dont il s’en trouva deslors plusieurs de manque.

Suivant la commission qui avoit été donnée pour