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dant les barres d’acier leurs fils ou leurs veines s’entrelacent, ce qui fait que les barres ne se contournent point à la trempe, ou du-moins peuvent être redressées. Voyez les Mémoires de l’académie Royale de Stockholm, année 1752. M. de Justi approuve beaucoup cette méthode, & il conjecture que ce peut être de cette maniere que l’on travaille l’acier de Damas, en joignant ensemble deux aciers de qualité différente, ou du fer & de l’acier. C’étoit aussi le sentiment de l’illustre M. Stahl, vu qu’en joignant ensemble de bon fer avec de l’acier, & en forgeant avec soin la masse qui résulte, on obtient un mélange de veines de différentes couleurs, semblables à celles de l’acier de Damas, qui est si renommé pour sa bonté.

Il n’est point douteux qu’en travaillant ainsi l’acier, & en le faisant passer à plusieurs reprises par le feu, il ne perde une portion du phlogistique dont il s’étoit chargé dans la cémentation ; il en perd encore bien davantage lorsqu’on en fait différens outils, comme des lames, des ciseaux, &c. & sur-tout quand on fait des ouvrages minces & délicats, parce qu’alors on est obligé de faire passer les pieces un grand nombre de fois par le feu. Pour prévenir cet inconvénient, il sera bon lorsqu’on fera rougir ces pieces, de les couvrir d’un enduit fait avec du charbon en poudre & du sang de bœuf ; cet enduit rendra du phlogistique à l’acier, & empêchera celui qu’il contient de se dissiper.

Lorsque l’acier a été ainsi préparé, & que l’on en a fait divers outils, il faut finir par le tremper. Toute eau n’est pas bonne pour cet usage, les eaux sulfureuses & vitrioliques pourroient nuire à la bonté de l’acier, suivant M. de Justi, qui conseille de faire la trempe dans de l’eau dans laquelle on aura fait dissoudre une livre de soude ou de potasse sur un seau d’eau. Cette seconde trempe ne doit point être confondue avec la premiere dont on a parlé, qui consiste à jetter dans de l’eau froide les barres toutes rouges, au sortir de la boîte dans laquelle elles ont été mises en cémentation. La trempe dont il s’agit ici, se fait dans des liqueurs composées, dans lesquelles on plonge les pieces d’acier après qu’elles ont été travaillées : chaque ouvrier a communément pour cela une liqueur particuliere, dont quelquefois il fait mystere à tout le monde. On a trouvé que l’urine étoit très-propre à servir à cette seconde trempe ; on la coupe ordinairement avec de l’eau, dont on met une partie contre deux parties d’urine ; & quelquefois on met sur trois pintes d’urine une demi once de nitre, & autant de sel marin décrépité. Les pieces trempées dans cette liqueur deviennent d’une dureté prodigieuse. Quelques-uns y ajoutent encore une demi-once de sel ammoniac.

Mais suivant M. de Justi, voici la meilleure maniere de tremper l’acier ; on prendra une partie de corne, de cuir ou de pattes d’oiseaux, brûlés dans un vaisseau fermé, de la maniere qui a été indiquée ci-dessus pour la cémentation, on y joindra une demi-partie de suie, & une demi-partie de sel marin décrépité ; on triturera ce mélange afin de le réduire en une poudre fine, puis on l’humectera avec du sang de bœuf, au point de lui donner la consistance d’une bouillie liquide. On commencera par chauffer les pieces que l’on voudra tremper ; on les couvrira de ce mélange liquide, que l’on fera sécher sur un réchaux, après quoi on mettra les pieces d’acier ainsi préparées dans la forge, de maniere qu’elles soient toutes entourées de charbons, où on ne les laissera devenir que d’un rouge foncé ; après que les pieces auront ainsi rougi pendant une demi-heure, on fera aller le soufflet afin d’augmenter la force du feu ; & quand les pieces auront bien rougi on les trempera dans la liqueur susdite. On assure que cette

maniere de tremper est propre à faire des limes excellentes.

M. Lauræus dit que l’on peut avec succès tremper les outils d’acier délicats dans du jus d’ail : voici la maniere dont cela se fait. On coupe de l’ail en petits morceaux ; on verse de l’eau-de-vie par-dessus ; on les laisse en digestion pendant vingt-quatre heures dans un lieu chaud ; au bout de ce tems on presse le tout au-travers d’un linge, & on conserve cette liqueur dans une bouteille bien bouchée, afin de s’en servir au besoin pour tremper les outils les plus délicats.

Si l’on veut que les ouvrages d’acier conservent de la flexibilité, & se plient sans se casser, il sera bon de les tremper encore outre cela, dans de l’huile ou dans de la graisse. Cette méthode se pratique encore avec succès pour les aiguilles.

Quelques gens sont dans l’usage de tremper les ressorts de montres & de pendules, & d’autres ouvrages d’acier, dans du plomb fondu ; mais M. de Justi remarque avec raison, que suivant les principes de la chimie, il est difficile de deviner le fruit que l’on peut retirer de cette méthode. (—)

Trempe, (mettre en) en terme de Rafineur ; c’est l’action de laisser tremper les formes qui ont déja servi pendant douze heures au-moins dans le bac à formes, avant de les laver & de les emplir de nouveau. Voyez Formes & Emplir.

TREMPÉ, TREMPURE, (Jardinage.) se dit des terres trop imbibées d’eau, ou qui auroient besoin de pluies abondantes.

TREMPÉES, s. f. pl. (Pêcherie.) ce sont deux cordes de crin qui sont attachées aux deux bouts de la seine, & qui servent aux pêcheurs à la tirer à terre, après qu’ils l’ont jettée à l’eau. (D. J.)

TREMPER, v. act. (Gram.) c’est plonger dans un fluide un corps pour qu’il s’en mouille ou s’en imbibe ; on trempe la soupe ; on trempe le linge ; au figuré, on a trempé dans cette malice ; on trempe ses mains dans le sang ; tremper a d’autres acceptions. Voyez l’article Trempe.

Tremper les aiguilles, terme d’Aiguillier ; c’est une préparation qu’on donne aux aiguilles pour leur faire acquérir la dureté nécessaire. Pour cet effet on les fait rougir au feu sur un fer plat & recourbé par un bout ; & après les avoir retirées, on les jette dans un bassin d’eau froide. Il faut observer de ne les point trop faire chauffer, ce qui les brûleroit. D’ailleurs, si on les chauffe trop peu, elles ne sont pas assez fermes. Après qu’elles sont revenues ou recuites, le degré mitoyen de chaleur ne peut s’acquérir que par la pratique. Les fig. Pl. de l’Aiguillier, représentent un de ces ouvriers qui jette dans un seau plein d’eau froide les aiguilles qu’il a fait rougir sur une plaque de fer, qu’il tient avec des pinces pour ne pas se brûler.

Tremper le papier, fonction dans l’Imprimerie, de l’ouvrier de la presse : on passe légerement dans l’eau, une main entiere de papier, dont l’on pose le tiers, ou la moitié au sortir de l’eau, & dans toute son étendue, sur un ais ; on reprend de cette même main de papier, les deux tiers restans ou l’autre moitié, que l’on passe de même dans l’eau, & que l’on remet sur la premiere moitié ; on continue ainsi à passer tout le papier main à main, & deux ou trois fois chaque main, suivant que l’on juge convenable, eu égard à la qualité du papier & au caractere de la forme ; après quoi pour l’imbiber également & lui faire prendre son eau, on le couvre d’un second ais, que l’on charge d’une pierre très-pesante ; on le laisse dans cet état, un jour ou deux, ayant soin néanmoins de le remanier une fois ou deux avant que de l’employer. Voyez Remanier le papier, Ais.

Tremper a la colle, (Relieur.) c’est mettre