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duisent en conséquence des tremblemens ; on les guérira en évitant toutes ces causes, en employant des alimens faciles à digérer & propres à réparer les forces, en procurant le repos & le sommeil, enfin en usant des remedes fortifians.

Le mouvement désordonné des esprits, qui précede d’un long abus des liqueurs spiritueuses, d’opiats, & d’usage d’antimoine, de mercure, de dissolutions de plomb, nous présente autant de sources de tremblemens presque sans remedes, même en évitant les causes d’où ils naissent ; mais le tremblement qui procede des boissons d’eaux chaudes, comme des infusions de thé, de caffé, &c. se guérit en en quittant l’usage, & en usant des remedes qui fortifient le ton des visceres. Le tremblement des mains demande en particulier des frictions du bras, des poignets, qu’on lavera fréquemment d’eau ferrée, chargée de décoctions de feuilles d’armoise, de sauge, de marjolaine ; les esprits tirés de ces herbes, & autres semblables nervins sont utiles.

Les passions de l’ame qui, par leur violence, ont causé un grand tremblement dans des personnes pléthoriques, demandent la saignée, s’il y a des signes d’inflammation ; autrement les tremblemens de cette nature cessent d’eux-mêmes par le secours des rafraîchissans.

Les tremblemens qu’éprouvent fréquemment les personnes mobiles & dont les nerfs sont délicats, veulent être traités par les nervins anti-spasmodiques. Les éléosacchara de l’esprit de lavande ou de fleur d’orange, conviennent aux tremblemens des tempéramens pituiteux & phlegmatiques.

On employera les frictions & onctions d’onguent martiatum, ou d’huiles nervines, au dos, aux lombes, & aux cuisses des personnes dont les jambes & les piés souffrent de légers tremblemens.

On rétablira par les remedes accoutumés tout tremblement né de la suppression de quelque humeur habituelle ; celle de la transpiration & de la sueur, par les diaphorétiques ; celle des hémorrhoïdes, par les sangsues ; celle des regles, par la saignée, les emménagogues ; la retention d’urine, par la sonde, les bains, les diurétiques, &c.

Les tremblemens qui doivent leur naissance à des humeurs atrabilaires portées au cerveau, demandent une prompte révulsion, & leur expulsion du corps par des purgatifs.

Les humeurs cacochimiques, scorbutiques, qui produisent le tremblement, doivent être évacuées, corrigées ; ensuite on rétablira le ton des visceres par des corroborans internes & externes, par les antiputrides, par les frictions d’huile de castor & d’esprits de plantes aromatiques.

Il résulte de ce détail que tout tremblement est causé par le déréglement de l’action des solides ou des fluides qu’il faut rétablir pour en opérer la guérison ; mais comme le tremblement fébrile est un épiphénomene de la fievre, nous lui devons un article à part.

Tremblement fébrile, (Médec.) le tremblement de la fievre est mieux connu qu’on ne peut le définir. Il suppose une alternative de tension & de relaxation dans les muscles ; il suppose aussi des causes qui se succédant les unes aux autres, tendent & relâchent les muscles promptement & involontairement ; la circulation du liquide artériel & du suc nerveux, tantôt continuée, & tantôt interrompue, & par conséquent le cours de ces deux fluides suspendu, tantôt au commencement, & tantôt sur la fin de la maladie ; enfin leur longue absence à la suite d’une grande déperdition.

Si le tremblement dure long-tems, il forme des obstacles à la circulation des humeurs, & produit les vices qui en sont des suites. De-là on peut tirer son diagnostic & son prognostic.

Les accès des fievres intermittentes & remittentes, & surtout de la fievre quarte, commencent par le tremblement qui cesse de lui-même, & est succedé par la chaleur ; celui qui subsiste encore après la guérison de la maladie, doit être regardé comme l’effet de la débilité du corps.

Les tremblemens offrent des prognostics différens dans les fievres continues, ardentes, aiguës, inflammatoires ; ainsi, par exemple 1°. les tremblemens qui paroissent au commencement de ces sortes de fievres n’annoncent aucun danger, dès qu’ils ne sont pas durables. 2°. Mais les tremblemens qui augmentent avec le mal, présagent ordinairement le délire, les convulsions, & autres maux de la tête, si on n’y remedie par la saignée, les purgatifs, l’écoulement du ventre. 3°. Ceux qui viennent dans un jour critique avec d’autres bons signes, annoncent une crise ; autrement ils désignent une triste métastase & la mort, si d’autres signes facheux les accompagnent. 4°. Dans le déclin du mal & la destruction des forces ils sont toujours mauvais, car alors ils proviennent de la corruption des humeurs, de quelqu’autre facheuse métamorphose, de l’engorgement spasmodique du cerveau, &c.

La méthode curative des tremblemens fébriles consiste à rétablir l’égalité de la circulation & de la pression du sang artériel & des esprits, de l’un contre les parois des arteres, & des autres sur les fibres motrices : c’est ce qu’on peut faire au commencement de la maladie par l’usage des remedes qui dissipent la lenteur, qui rétablissent les forces ; & à la fin par ceux qui peuvent réparer en peu de tems les liquides qu’on a perdus, & fortifier les fibres & les visceres. V. les beaux commentaires du docteur Van-Swieten. (D. J.)

Tremblement, en Musique, est le nom qu’on a donné quelquefois à cet agrément du chant que les Italiens appellent trillo, & que nous ne connoissons aujourd’hui que sous le nom de cadence. Il y en a de plusieurs sortes distinguées sous divers noms par les maîtres de goût du chant. Voyez Cadence, Goût du chant. (S)

TREMBOWLA, (Géog. mod.) les géographes françois qui devroient consulter les naturels du pays, écrivent Tremblowa. C’est une forteresse célebre dans l’histoire de Pologne à l’entrée de la Podolie. Cette forteresse est suspendue sur un rocher, dont l’accès n’est pratiquable que par un endroit, qui conduit à une petite plaine ornée de bois épais. Ce côté accessible est défendu par deux ravelins avec de bons fossés & un chemin couvert. La riviere d’Ianow, profonde & bourbeuse, fait presque le tour du rocher.

En 1675, Kara-Mustapha, neveu de Cuprogli, nommé grand-visir par Mahomet IV. employa la souplesse & la force pour s’en emparer ; mais le commandant rendit ses efforts inutiles. C’étoit Samuel Chrasonowski, juif renégat qui avoit quitté la loi de Moïse pour celle de Jésus : plus zélé contre les circoncis que s’il ne l’eût pas été lui-même. La noblesse réfugiée dans cette place, voyant une breche ouverte qui s’élargissoit d’heure en heure, perdit courage. La place avoit déja soutenu quatre assauts. Chrasonowski lui-même trembloit pour le cinquieme. Sa femme prit cette juste inquiétude pour une foiblesse de mauvais augure. Cette héroïne juive, armée de deux poignards, court à son mari, & lui dit en les lui faisant voir : en voilà un que je te destine si tu te rends, & l’autre est pour moi. Dans ce moment de détresse, l’armée polonoise conduite par Sobieski, arrive. Les deux armées se joignent ; le combat fut long, & les Turcs montrerent qu’avec un chef digne d’eux ils auroient pu prétendre à la victoire. Ils perdirent sept à huit mille hommes, & se retirerent sous le canon de Kaminiek.