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selon leur direction, afin d’éviter les écarts & les retours inutiles, parce que ce sont les vrais guides qui doivent mener à la place.

Pour bien faire, il faut poser les retours à fascines comptées, afin d’en savoir toujours les mesures.

Si la situation des ouvertures est favorable, il ne sera pas impossible qu’on puisse parvenir jusqu’à la premiere parallele ou place d’armes dès la premiere nuit ; mais si on est obligé d’ouvrir la tranchée de fort loin, cela sera moins aisé, & il faudra employer beaucoup plus de travail.

Il est à présumer que le directeur général aura fait son projet sur le pié d’avancer jusque-là la premiere nuit ; & s’il est possible, il faudroit en commencer le retour, ne fût-ce que par une cinquantaine de travailleurs.

Ce qui est dit ici pour les attaques de la droite, se doit aussi entendre pour celles de la gauche, chacune d’elles devant aller le même train, & toujours marcher de concert ; de sorte que quand l’une trouve quelque difficulté qui la retarde, l’autre la doit attendre pour éviter les inconvéniens, auxquels sont sujets ceux qui allant trop vîte, ne se précautionnent pas assez.

Quand le travail est disposé, on fait : haut les bras, & tout le monde travaille, avertissant toujours les travailleurs de jetter la terre du côté de la place On se diligente tant qu’on peut jusqu’au grand jour : pour lors on fait mettre les détachemens à-couvert sur le revers de ce qu’il y a de fait de la place d’armes & derriere les plus proches replis de la tête des tranchées, ou on les fait coucher sur le ventre, car elles sont encore bien foibles le matin. Après cela, on congédie les travailleurs de la nuit ; & on les releve par un pareil nombre de jour, commençant par la tête, au contraire de ceux de la nuit qu’on a commencé par la queue.

Il est rare que cette premiere journée puisse bien achever les ouvrages qu’on a commencés, quelque soin qu’on se donne pour cela, parce que d’ordinaire on entreprend beaucoup.

On ne doit pas cependant congédier les travailleurs de jour qu’ils n’aient à-peu-près achevé l’ouvrage de la largeur & profondeur qu’on veut lui donner, ce qui est bien difficile à obtenir des ouvriers qui ont toujours grande envie de s’en retourner, & très-peu d’achever. C’est pourquoi il est à-propos de faire parcourir, le second jour, le travail de la premiere nuit par un détachement de cent ou deux cens hommes qui ne feront autre chose que d’achever & parer ce qui a été commencé la premiere nuit.

La mesure ordinaire des tranchées est ordinairement de douze piés de largeur & de trois de profondeur. La terre de la tranchée étant jettée du même côté, forme un parapet de trois piés ou trois piés & demi d’élévation au-dessus du terrain de la campagne, ce qui donne pour toute la hauteur du parapet depuis le fond de la tranchée six piés ou six piés & demi.

La seconde garde, le masque étant levé, on monte la tranchée, tambour battant, & on pose encore à découvert ; mais il s’en faut bien qu’on entreprenne autant de travail que la premiere nuit.

La seconde garde doit s’employer par préférence à la continuation de la premiere place d’armes, à laquelle il faut donner toute l’étendue nécessaire, & pousser cependant en avant ce qu’on pourra en croisant toujours les capitales, dont il faut avoir soin de marquer les prolongemens à-mesure qu’on s’avance vers la ville, & les piquer chaque fois qu’on les croise afin de les rendre toujours plus remarquables.

La place-d’armes entreprise sur toute sa longueur, doit être achevée dans toute la perfection qu’on

pourra lui donner à la fin de la troisieme garde, parce qu’elle doit être la demeure fixe des bataillons jusqu’à ce que la seconde soit faite.

Outre la premiere ligne parallele ou place-d’armes, qu’on doit considérer comme l’ouvrage de la deuxieme & troisieme nuit, quoique commencée dès la premiere, on doit avoir fait marcher en avant les deux tranchées de la droite & de la gauche, mais non pas jusqu’à la seconde parallele. Il ne seroit pas prudent de s’avancer aussi promptement.

Les travailleurs de jour de cette garde doivent être fournis en nombre égal à ceux de la nuit. Le travail de jour commence par celui de la tête, comme celui de la nuit par la queue.

Tout le monde doit contribuer à presser & perfectionner le travail de jour tant que l’on peut ; après quoi, quand il est en état, il faut faire avancer les premiers bataillons dans la place-d’armes, & ne mettre que des détachemens dans les ouvrages de la tête, avec ordre de ne point tenir ferme, si l’ennemi vient à eux.

Le troisieme jour il faudra encore faire monter force travailleurs, afin d’en pouvoir employer trois ou quatre cens à perfectionner ce qui manquera des jours précedens, & arriver à la deuxieme ligne parallele ou place-d’armes, à laquelle il faudra travailler aussi avec la même vivacité.

Comme le feu de la place commence alors à devenir dangereux, il faut employer les sappes, non qu’il faille renoncer tout-à-fait à poser encore à-découvert quelque partie de la troisieme nuit ; mais il faut le faire directement, & pour cela trouver quelque terrain favorable qui fournisse un demi-couvert, ou bien prendre le tems que le feu est fort ralenti, comme il arrive souvent après les deux ou trois premieres heures que les soldats sont las de tirer. Pour lors on peut dérober un tems pour poser cent ou cent vingt travailleurs, & plus si le feu continue à diminuer ; mais c’est de quoi il ne faut pas abuser, parce qu’il faut tenir pour maxime de ne jamais exposer son monde mal-à-propos, & sans grande raison ; ce qui se fait bien moins souvent qu’il n’est à desirer, & sans qu’on en retire aucun avantage : au contraire rien n’est plus capable de retarder le travail : c’est pourquoi après la seconde nuit il ne faut plus poser à découvert sans grande circonspection. Ainsi il faut nécessairement après cette nuit employer les sappes. Voyez Sappe.

Il est très-important que le général visite la tranchée, mais de tems-en-tems seulement, & non tous les jours. Il doit y venir peu accompagné, se faire rendre compte sur les lieux de chaque chose en particulier, & donner les ordres sur tout autant qu’il le jugera nécessaire.

Si les attaques sont séparées, le lieutenant-général de jour choisit celle qui lui plaît ; si elles sont liées, comme il a le commandement général, il commande aux deux ; & par conséquent il doit occuper le milieu entre les deux, mais non pas à la tête des attaques ; parce que les allées & venues des gens qui ont affaire à lui embarrasseroient le travail ; outre qu’il seroit trop éloigné du gros des troupes, le milieu de la tête des bataillons est le lieu qui lui convient le mieux. Il peut, & doit visiter de tems-en-tems la tête des ouvrages.

Le plus ancien maréchal-de-camp doit se mettre à la droite, l’autre à la gauche ; les brigadiers à la queue des détachemens les plus avancés.

Le lieutenant-général du jour commande à la cavalerie, infanterie, artillerie, ingénieurs, mineurs & généralement à tout ce qui regarde la sûreté & l’avancement des attaques ; mais il se doit concerter avec le directeur de la tranchée, & ne rien entreprendre ni résoudre sans sa participation ; car ce der-