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soient ; les tournois, dis-je, ruinerent une grande partie des nobles, qu’avoient épargnés les croisades & les autres guerres.

Il est vrai néanmoins que si nos rois réprimerent souvent par leurs ordonnances la fureur des tournois, ils les ranimerent encore plus souvent par leur exemple ; de-là vient qu’il est fait mention dans nos anciens fabliaux, d’une de ces défenses passageres, qui fut suivie de la publication d’un tournoi fait à la Haye en Touraine. Ainsi ne soyons pas surpris que ces sortes de combats fussent toujours en honneur, malgré les canons des conciles, les excommunications des papes, les remontrances des gens d’église, & le sang qui s’y répandoit. Il en coûta la vie en 1240 à soixante chevaliers & écuyers, dans un seul tournoi fait à Nuys, près de Cologne. Charles VI. les soutint, & sa passion pour cet exercice lui attira souvent des reproches très-sérieux ; car contre l’usage ordinaire des rois, il s’y mesuroit avec les plus adroits jouteurs, compromettoit ainsi sa dignité, & exposoit témérairement sa vie, en se mêlant avec eux.

Enfin, le funeste accident d’Henri II. tué dans un tournoi en 1559, sous les yeux de toute une nation, modéra dans le cœur des François, l’ardeur qu’ils avoient témoignée jusque-là pour ces sortes d’exercices ; cependant la vie désœuvrée des grands, l’habitude & la passion, renouvellerent ces jeux funestes à Orléans, un an après la fin tragique d’Henri II. Henri de Bourbon-Montpensier, prince du sang, en fut encore la victime ; une chûte de cheval le fit périr. Les tournois cesserent alors absolument en France ; ainsi leur abolition est de l’année 1560. Avec eux périt l’ancien esprit de chevalerie qui ne parut plus guere que dans les romans. Les jeux qu’on continua depuis d’appeller tournois, ne furent que des carousels, & ces mêmes carousels ont entierement passé de mode dans toutes les cours de l’Europe.

Les lettres reprenant le dessus sur tous ces amusemens frivoles, ont porté dans le cœur des hommes le goût plein de charmes de la culture des arts & des sciences. « Notre siecle plus éclairé (dit un auteur roi, moins célebre encore par la gloire de ses armes que par son vaste génie), notre siecle plus éclairé n’accorde son estime & son goût qu’aux talens de l’esprit, & à ces vertus qui relevent l’homme au-dessus de sa condition, le rendent bienfaisant, généreux & secourable ».

De plus curieux que je ne suis pourront consulter sur les tournois Ducange au mot torneamentum, & sa Dissertation à la suite de Joinville ; le pere Menestrier, divers traités sur la chevalerie ; le pere Honoré de Ste. Marie, Dissertation historique sur la chevalerie ancienne & moderne ; Lacolombiere, Théatre d’honneur & de chevalerie, où il donne, tome I. pag. 519. la liste de plusieurs relations de tournois faits depuis l’an 1500 ; les Mémoires de littérature.

Mais le charmant ouvrage sur l’ancienne chevalerie, considérée comme un établissement politique & militaire par M. de la Curne de Sainte-Palaye, & dont j’ai tiré ce court mémoire, doit tenir lieu de tous ces livres. (Le chevalier de Jaucourt.)

Tournois, (Monnoie de France.) ancienne monnoie de France : il y avoit des petits tournois d’argent & des petits tournois de billon ; on nommoit autrement les petits tournois d’argent tournois blancs ou mailles blanches, & les tournois de billon, des tournois noirs. Dans une ordonnance de Philippe-le-Long, il est fait mention des turones albi & des turones nigri.

Tout le monde convient, dit M. Leblanc, que saint Louis fit faire le gros tournois d’argent. Il n’est rien de si célebre que cette monnoie dans les titres & dans les auteurs anciens ; tantôt elle est nommée argenteus turonensis, souvent grossus turonensis, &

quelquefois denarius grossus. Le nom de gros fut donné à cette espece, parce que c’étoit la plus grosse monnoie d’argent qu’il y eût alors en France, & on l’appella tournois, à cause qu’elle étoit fabriquée à Tours, comme le marque la légende, turonus civis, pour turonus civitas ; cette monnoie pesoit 3 deniers 7 grains, trébuchans ; il y en avoit par conséquent 58 dans un marc. Cela se justifie par un fragment d’ordonnance que saint Louis fit l’an 1266, pour regler la maniere dont on devoit peser la monnoie, avant que de la délivrer au public ; enfin Philippe-le-Hardi fit faire des tournois de la même valeur que ceux de saint Louis.

Au-reste, il est certain que le parisis qui avoit cours dans le même tems, étoit plus fort d’un quart que le tournois qui a été aboli sous le regne de Louis XIV. & on ne connoit plus que le parisis qui est en usage dans le palais, où l’on ajoute le parisis, à l’estimation que l’huissier fait des effets mobiliers, en procédant à l’inventaire d’un décédé ; & quand l’estimation est faite par un expert, on n’y ajoute point de parisis. La livre tournois désigne une monnoie de compte valant vingt sols. Voyez Livre tournois. (D. J.)

TOURNON, (Géog. mod.) en latin Tauredunum, par Grégoire de Tours, petite ville de France, dans le haut Vivarais, au penchant d’une montagne, sur la rive droite du Rhône, vis-à-vis de Thain, à trois lieues de Valence, & à quatre d’Annonay ; les jésuites y avoient un college : la terre de Tournon est dans la maison de Rohan-Soubise. Long. 22. 24. lat. 45. 7.

Daviti (Pierre), né à Tournon en 1592, mort à Paris en 1655, est auteur d’une grande Description du monde, en 6 vol. in-fol. c’est un ouvrage où l’on trouve çà & là des choses amusantes. (D. J.)

TOURNUS, (Géog. mod.) petite ville de France, en Bourgogne, sur la droite de la Saône, entre Mâcon & Châlons, à 82 lieues de Paris, dans une situation agréable & fertile.

Tournus a toujours été du diocèse de Châlons, & dépendoit autrefois du comté de la même ville ; aujourd’hui elle est du comté de Mâcon, où ses causes ressortissent. Elle est divisée en deux paroisses ; mais ce qui la distingue est son abbaye d’hommes de l’ordre de saint Benoît, qui a été érigé en collégiale, & qui a un abbé titulaire. La justice, soit dans la ville de Tournus, soit dans ses dépendances, appartient à cet abbé ; il a seul le droit d’en nommer tous les officiers, qui prennent de lui leurs provisions ; il a aussi seul le droit de créer des notaires & des procureurs postulans ; aussi plusieurs auteurs ont écrit à l’envi l’histoire de l’abbaye de Tournus, savoir Falcon, moine de cette abbaye dans le xj. siecle ; Pierre de Saint-Julien, surnommé de Baleurre ; le P. Chifflet, jésuite, & Pierre Juenin. Long. 34. 46. lat. 46. 34.

La ville de Tournus est d’une origine inconnue ; il n’en est parlé que dans le troisieme siecle, sous le nom de castrum Timertium ou Trenorcium ; elle devint ville de la Gaule celtique dans le pays des Eduens, qui avoient Autun pour leur capitale ; ainsi elle étoit comprise dans l’ancienne province Lyonnoise. Pierre Juenin a mis au jour à Dijon, en 1733, en 2 vol. in-4°. l’histoire de cette ville.

Maignon (Jean), poëte françois, étoit de Tournus : il fit ses études chez les jésuites de Lyon, & fut quelque tems avocat au présidial de cette ville : il vint ensuite à Paris & s’y établit. Il y mourut assassiné, dit-on, sur le Pont-neuf en 1661, étant encore assez jeune. Il a composé beaucoup de mauvaises tragédies, entre autres Artaxerce, qui fut représentée par l’illustre théatre ; c’étoit le nom que prenoit une société de jeunes gens, du nombre desquels étoient Moliere & Maignon, & qui s’exerçant à la déclamation, représentoient des pieces, tantôt dans