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auxquelles personne n’osoit toucher. Justin & quelques autres historiens ont dit que les Tectosages pillerent le trésor du temple de Delphes ; & que pour appaiser la colere d’Apollon qui les désoloit par une cruelle peste, ils jetterent ce trésor dans le lac de Toulouse.

Cette ville fut prise sur les mêmes Tectosages par Servilius Cæpion, l’an 648 de la fondation de Rome, 106 ans avant l’ere chrétienne. Ce consul y fit un grand butin, & enleva le trésor du temple d’Apollon. Les historiens assûrent que Cæpion finit ses jours malheureusement, ainsi que tous ceux qui avoient eu part à son sacrilége : c’est de-là qu’est venu le proverbe aurum tolosanum, de l’or funeste.

Ce temple d’Apollon, qui étoit à Toulouse, a fait confondre, même dans l’antiquité, cet or de Toulouse avec celui du temple de Delphes ; & quelques-uns se sont imaginés que Brennus, général des Gaulois, ayant pillé le temple de Delphes, les Gaulois, & sur-tout les Tectosages, avoient remporté leur butin dans leur pays. Strabon a réfuté ce conte, d’autant mieux que le temple de Delphes avoit été pillé par les Phocéens, avant la venue des Gaulois, lesquels, bien loin de prendre la ville de Delphes, & de pouvoir piller son temple, furent repoussés avec perte, & périrent tous les uns après les autres.

Quoique Toulouse fût une des villes célebres de l’empire romain, néanmoins elle ne fut jamais métropole ou capitale de province sous les empereurs. Ce fut sous les rois Visigoths, qui y établirent leur résidence, qu’elle devint une ville royale, reconnoissant toutefois pour métropole ecclésiastique Narbonne, dont elle n’a été soustraite que l’an 1317 par Jean XXII. Ce pape divisa le grand diocèse de Toulouse en plusieurs, où il mit des évêques, leur donnant pour métropolitain le cardinal Jean Raymond de Comminges, qui fut le premier archevêque de Toulouse.

A l’égard de la jurisdiction temporelle, après avoir été entre les mains des officiers de l’empire romain, elle fut assujettie aux Visigoths, lorsque le roi Ataulphe s’établit dans les Gaules, au commencement du cinquieme siecle.

Cent ans après ou environ, Clovis ayant défait Alaric, s’empara de Toulouse, & laissa cette ville à ses successeurs, qui la gouvernerent par des officiers qu’on nommoit comtes. Dagobert la donna l’an 628 à son frere le roi Aribert, qui y établit sa résidence : mais ce prince ayant à peine régné trois ans, mourut, & son état revint sous la domination de Dagobert, qui laissa la ville de Toulouse à son fils Clovis II. roi de Neustrie.

Les princes mérovingiens en ont toujours été les maîtres jusqu’au commencement du huitieme siecle. Ce fut pour lors que le duc Eudes, qui se rendit absolu dans l’Aquitaine, s’empara de Toulouse, qu’il défendit contre les Sarrasins l’an 721. Onze ans après ils la prirent, & la saccagerent avec Bordeaux & la plûpart des villes d’Aquitaine qu’ils ne conserverent point, parce qu’ils furent défaits près de Poitiers par Charles-Martel, maire du palais : ainsi Eudes jouit comme auparavant de l’Aquitaine, & laissa cet état à son fils Hunaud, à qui son fils Gaifre succéda. Le roi Pépin, fils de Charles Martel, fit une cruelle guerre à Gaifre, qui perdit enfin ses états & la vie.

Pépin s’empara l’an 767 de la ville de Toulouse, que lui & ses successeurs gouvernerent par des comtes qui n’étoient que de simples officiers, jusqu’au tems de Charles le Simple, qui fut déposé & mis en prison où il mourut. Ce fut sur la fin du regne de ce prince, que Régimond ou Raymond se rendit absolu à Toulouse vers l’an 920. Il eut pour héritier son fils Raymond Pons. Ces premiers comtes de Toulouse prenoient la qualité de ducs d’Aquitaine, quoiqu’ils n’eussent qu’une petite portion d’un si grand pays,

n’étant maitres au commencement que de l’ancien territoire de Toulouse, & n’ayant aucune autorité sur le reste de la Gothie ou Septimanie, appellée aujourd’hui le Languedoc.

Les comtes descendans du premier Raymond jouirent de cet état de pere en fils, jusqu’à Guillaume, qui vivoit dans l’onzieme siecle. Il ne laissa qu’une fille nommée Philippia, qui épousa le duc Guillaume, pere du dernier duc d’Aquitaine : elle ne succéda pas à son pere, parce que son oncle Raymond de Saint-Gilles comte de Querci, & frere de Guillaume comte de Toulouse, se trouvant le plus fort en cette ville, s’en empara. Il prit ensuite le premier le titre de duc de Narbonne, sans aucun droit, & désigna comte de Toulouse son fils Bertrand, qui mourut sans enfans l’an 1115.

Après la mort de Bertrand, Guillaume duc d’Aquitaine, soutenant les droits de sa femme, prit Toulouse ; mais il en fut dépossédé par Alfonse, fils de Raymond de S. Gilles. Le dernier Guillaume, duc d’Aquitaine, & sa fille Eléonor, hériterent des droits de Philippia, qu’Henri II. roi d’Angleterre, mari d’Eléonor, soutint contre Raymond, comte de Toulouse, fils d’Alfonse, & en demanda justice à Louis le jeune, roi de France.

Le roi Louis accorda les parties à cette condition, que la propriété du comté de Toulouse demeureroit à Raymond, qui seroit tenu d’en faire foi & hommage au roi d’Angleterre, duc de Guienne, ce qui fut exécuté.

Richard, fils du roi Henri & d’Eléonor, demanda l’hommage du comté de Toulouse ; mais cette affaire fut terminée l’an 1196, lorsque Raymond, dit le vieux, comte de Toulouse, fils d’Alfonse, ayant épousé Jeanne, fille d’Henri & d’Eléonor & sœur de Richard, ce roi céda tous ses droits sur le comté de Toulouse au comte Raymond.

Ce fut le même Raymond, qui s’étant déclaré protecteur des Albigeois, fut poursuivi par le pape Innocent III. qui donna le comté de Toulouse à Simon de Montfort, général des catholiques, du consentement de Philippe Auguste : Raymond, abandonné par le roi son seigneur féodal, reconnut un autre seigneur ou souverain, qui fut Pierre roi d’Arragon, à qui le comte fit foi & hommage. C’est-là l’origine du droit que les Aragonnois prétendoient sur le comté de Toulouse, auquel ils renoncerent par la transaction passée entre S. Louis & Jacques roi d’Aragon, l’an 1258.

Simon de Montfort ne put se maintenir dans sa conquête, de sorte que son fils Amaury céda ses droits à Louis VIII. pere de S. Louis. Raymond le jeune, fils & successeur de Raymond le vieux, fit sa paix avec le roi de France, & transigea l’an 1228 avec S. Louis. Par ce contrat, la princesse Jeanne, fille de Raymond, fut accordée avec Alfonse, comte de Poitiers, & frere du roi. On convint que Jeanne succéderoit aux états de son pere, & qu’en cas qu’elle ou son mari vinssent à mourir sans enfans mâles, le tout seroit réuni à la couronne.

Raymond mourut l’an 1249, & eut pour successeur sa fille Jeanne & son gendre Alfonse, qui finirent leurs jours l’un & l’autre, peu après la mort de S. Louis, l’an 1270, après quoi le roi Philippe le hardi prit possession du comté de Toulouse, & le réunit à la couronne.

Il y avoit dans l’ancienne Toulouse un amphithéatre, un capitole, & plusieurs autres monumens superbes ; mais les Wisigoths, nation barbare, ayant choisi Toulouse pour être la capitale de leur empire, ruinerent tous ses beaux monumens de fond en comble, ensorte qu’il n’en reste d’autres vestiges, que quelques masures de l’amphithéatre.

Quoiqu’il n’y ait point de ville dans le royaume