Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/444

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce poids un marc d’argent pur, on l’enveloppe dans un papier sur lequel on marque seize demi-onces ; ce qui signifie que ce marc est d’argent parfaitement pur. La molécule pesée fait la premiere aiguille. On pese ensuite quinze demi-onces d’argent pur, & une demi-once de cuivre. Ce dernier métal doit être d’une seule piece solide, qui ait le moins de surface qu’il soit possible, & que l’on ait ajusté avec une lime. Si l’on n’avoit cette attention, c’est-à-dire, si le cuivre étoit divisé en un grand nombre de petites molécules, ou étendu en feuilles, il arriveroit que la plus grande partie s’en scorifieroit plutôt que d’entrer en fusion. On enveloppera également les deux derniers morceaux pesés, & on y marquera quinze demi-onces pour faire connoître que la molécule métallique en question, est composée de quinze parties d’argent pur, & d’une de cuivre. C’est pour la seconde aiguille. On pese encore quatorze demi-onces d’argent pur & deux de cuivre, que l’on enveloppe & inscrit quatorze demi-onces, & dont on fait la troisieme. L’on continue enfin d’ajuster la matiere des autres aiguilles, selon la même progression arithmétique, croissante pour le cuivre, & décroissante pour l’argent, & l’on donne à chacune l’inscription qui lui convient. Tel est l’ordre qu’on suit.

La premiere est de 16 demi-
onces
d’argent
pur,
& de 0 demi-
onces
de
cuivre.
La seconde 15 1
La troisieme 14 2
La quatrieme 13 3
La cinquieme 12 4
La sixieme 11 5
La septieme 10 6
La huitieme 9 7
La neuvieme 8 8
La dixieme 7 9
La onzieme 6 10
La douzieme 5 11
La treizieme 4 12
La quatorzieme 3 13
La quinzieme 2 14
La seizieme 1 15

Pour unir le cuivre à l’argent, prenez un creuset neuf dont le fond soit bien uni ; frottez-le intérieurement de borax ; mettez-y en particulier chaque portion de métal contenue dans l’un des papiers, & y ajoutez un peu de borax & de flux noir. Placez votre creuset dans un fourneau de fusion, & l’échauffez rapidement ; ou plutôt jettez votre mélange dans un creuset embrasé ; remuez-le un peu, sitôt qu’il aura acquis une fusion parfaite, & le retirez du feu pour le laisser refroidir ; vous le casserez pour avoir la matiere qu’il contient.

Cette fonte se fait aussi avec le chalumeau à un feu de lampe, & peut-être plus commodément. On remet dans le même papier chacune des petites molécules métalliques pour éviter la confusion, & on les pese de nouveau à la balance d’essai. Celles qui peseront près d’un marc seront bonnes ; mais il s’en trouve à qui il manque un poids considérable, comme, par exemple, quatre grains ou plus ; c’est une preuve qu’il s’est perdu autant de cuivre à proportion, soit par le déchet ou autrement, parce que le feu aura été ou trop lent, ou trop long. On doit remplacer celle à qui cet inconvénient sera arrivé, en gardant les mêmes proportions qu’auparavant.

On façonnera avec le marteau chacune de ces petites masses pour en former des aiguilles, observant de les recuire de tems-en-tems, en cas qu’elles deviennent trop roides par le martelage. On gravera sur ces aiguilles le nombre des demi-onces d’argent qu’elles contiennent, celui de seize sur la premiere, de quinze sur la seconde, & ainsi de suite. Chacune sera percée à l’une de ces extrémités, afin qu’on

puisse y passer un fil pour les enfiler toutes ensemble ; ce qui se fera dans l’ordre de leurs numéros ; on donne le nom de ligature à la suite de ces aiguilles de différens titres.

Quelques essayeurs inserent une aiguille d’un titre proportionnel entre chacune de celles dont nous venons de parler ; d’autres y en inserent un plus grand nombre, comme trois, par exemple ; ce qui en augmente le nombre, & exige une plus grande quantité de combinaisons, ainsi qu’on peut le déduire du paragraphe précédent ; mais quant à la ligature de l’argent, il n’est presque pas possible de mettre de distinction entre deux aiguilles dont la différence de l’alliage est moindre que de la moitié d’une demi-once.

On peut ajouter aussi à ces aiguilles ou touchaux d’argent, une lame de cuivre pour servir de derniere aiguille ; parce qu’on se sert aussi de cette ligature pour connoître la pureté du cuivre, ou les différentes quantités d’argent qu’il peut contenir.

Les aiguilles ou touchaux se font en Flandre avec le poids de marc divisé par grains ; la premiere est une aiguille de douze deniers, c’est-à-dire d’argent pur. La seconde douze deniers dix huit grains d’argent, & de six grains de cuivre, & ainsi de suite ; en sorte que la proportion de l’argent décroît toujours de la quantité de six grains, ou d’un quart de denier, & que celle du cuivre est en raison inverse. Lorsqu’on en est venu à la quantité d’un denier pour l’argent, & douze deniers pour le cuivre, on ne va pas plus loin ; cette proportion constitue la derniere aiguille.

Il est toutefois inutile que la différence de la quantité d’alliage de deux aiguilles proportionnelles voisines, continue d’être aussi petite jusqu’à la fin. Celle de six grains suffira jusqu’à l’aiguille de neuf deniers, & celle de la moitié d’une demi-once, jusqu’à l’aiguille de dix demi-onces en descendant ; c’est-à-dire en commençant par l’argent pur, parce qu’il n’est pas possible de discerner exactement dans les aiguilles suivantes des variétés si peu sensibles.

Les aiguilles d’essai ou les touchaux pour or, sont composées d’or & d’argent, seul ou allié de cuivre en différentes proportions. On donne le nom de carature, caratura, à ces sortes de combinaisons, que l’on regle à l’aide du poids de marc divisé en karats. Au reste, il n’y a d’autre différence entre la préparation de ces aiguilles-ci & celles d’argent, qu’en ce que leur titre est proportionné d’une autre façon. Chaque touchau est du poids d’un marc. La table suivante représente leur ordre & leur division. La premiere est d’or pur ou à 24 karats.

d’or pur. d’argent pur.
La deuxieme est de 23 karats 6 gr. 6 gr.
La troisieme 23 karats. 1 karat.
La quatrieme 22 karats 6 gr. 1 karat 6 gr.
La cinquieme 22 karats 2 karats
La sixieme 21 karats 6 gr. 2 karats 6 gr.
La septieme 21 karats 3 karats
La huitieme 20 karats 6 gr. 3 karats 6 gr.
La neuvieme 20 karats 4 karats
La dixieme 19 karats 5 karats
La onzieme 18 karats 6 karats

Ensorte que l’on va toujours en diminuant par karats entiers, jusqu’à ce qu’on soit parvenu au vingt-troisieme carat d’argent ; par la raison, ainsi que nous l’avons déja dit, qu’il n’est pas possible de connoître exactement entre deux aiguilles au-dessous de la neuvieme, une différence qui ne consiste qu’en six grains d’or plus ou moins. L’alliage en question de l’or & de l’argent s’appelle carature blanche, caratura alba.

Si l’on mêle le cuivre à l’argent pour faire des touchaux d’or, cette combinaison prend le nom de la carature mixte, caratura mixta. Cette préparation