Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retords connus sous les noms de milanèse, graine d’épinars, cordons pour les galons à chaînette, retord pour les franges, guipures pour les livrées, cordonnets pour les agrémens, cordonnets à broder, cablés, grisettes, frisés pour le galon, la ganse ronde pour faire des boutonnieres mobiles or ou argent. Nous allons traiter ces différens ouvrages chacun séparément, en commençant par la milanèse.

La milanèse se fait ainsi : on tend une longueur, à volonté, de soie attachée d’un bout à la molette du pié-de-biche du rouet ; après cette attache, le retordeur s’en va à l’autre bout du jardin ; car tout le travail du retord ne se peut faire que dans de longs jardins, pour avoir quelquefois des longueurs de 60 à 70 toises ; on n’en fait guere de plus longues, parce que l’action du rouet ne pourroit se communiquer jusqu’au bout, outre que cette même longueur par son propre poids seroit sujette à traîner. Pendant que le retordeur s’en va à son but, les soies attachées se déroulent de dessus les rochets qui les contiennent, & qui sont dans les broches du rateau qu’il porte à la ceinture : pendant qu’il marche ainsi, le rouet est tourné modérément de droite à gauche ; lorsqu’il est arrivé au bout de la longueur proposée, il attache le bout des soies qu’il a amenées à l’émerillon du pié : cette longueur composée de plusieurs brins de soie, unis ensemble en telle quantité plus ou moins considérable, suivant la grosseur que doit avoir la milanèse, ne forme plus qu’un seul brin. Lorsque le retordeur connoît que cette longueur a acquis assez de retord, le rouet est arrêté ; il attache alors à l’émerillon un moyen retord de la même matiere, qui a été précédemment fait à part ; après quoi le rouet est tourné dans le même sens qu’auparavant ; le retordeur avance en approchant très-doucement du côté du rouet, & en conduisant avec les doigts de la main gauche la quantité de brins de soie, ce qui forme la premiere couverture de la premiere longueur, c’est-à-dire, que la soie qui s’y enroule actuellement par le mouvement du rouet, prend la figure spirale dont les trous sont à très-peu de distance les uns des autres. Étant arrivé au rouet, le tourneur cesse, & le retordeur attache encore à la molette une autre quantité de brins de soie mais de soie plus fine que celle dont il vient de faire les deux opérations ci-dessus expliquées ; & ce seront les seules soies que l’on verra, celles du fond ne formant qu’un corps, couvert seulement par celles-ci. Après cette attache, le retordeur s’en retourne pour aller rejoindre le pié, mais en marchant bien plus lentement qu’à la seconde fois, puisqu’il faut que les tours de cette derniere couverture soient si près-à-près, qu’aucune partie de ce qui est dessous ne paroisse ; ces tours sont arrangés de façon qu’ils forment une égalité parfaite qui dépend de l’exactitude de cette derniere couverture ; puisque s’il y avoit du vuide, on appercevroit le fond ; si au contraire les tours se trouvoient tellement entassés les uns sur les autres, l’ouvrage seroit difforme & emploieroit trop de matiere. La milanèse se trouve ainsi achevée & dans sa perfection ; cette premiere longueur est ensuite relevée sur une grosse bobine à l’aide d’un rouet ordinaire, & on recommence : cette milanèse sert à embellir les ameublemens, à broder, à orner les têtes des franges, &c.

La graine d’épinars a tout un autre travail : il y a deux sortes de graines d’épinars ; celle en or ou argent, & celle en soie : elles ont chacune une façon d’être faite qui leur est particuliere : celle en or ou argent se fait ainsi. On attache à l’émerillon un brin de filé, de moyenne grosseur, appellé filé rebours, parce qu’il a été filé à gauche ; au-lieu que le filé appellé filé droit, a été filé à droite. On conduit ce brin de filé-rebours à la molette du pié-de-biche du

rouet où il est attaché ; on y joint un autre brin de filé-droit, mais bien plus fin que le brin rebours : ce brin va servir par le moyen du tour à droite du rouet à couvrir le premier tendu, par des tours en spirale, comme la premiere couverture de la milanèse ; il est essentiellement nécessaire que les deux brins de filé, dont on vient de parler, aient été filés en sens contraire ; parce que s’ils l’étoient en même sens, le tord qu’on donne ici se trouvant au rebours du tord de l’autre, détordroit celui-ci, & feroit écorcher la lame : cette graine d’épinars sert à former la pente de certaines franges riches pour les carrosses d’ambassadeurs, pour les dais, pour les vestes, &c. La graine d’épinars en soie se fait d’une autre façon, qui est qu’on attache une quantité de brins de soie (contenue sur différens rochets qui sont à une banque posée sur le pié du rouet à retodre) à une des molettes du croissant LL du rouet. Cette branche attachée à la molete a ci-après est ensuite passée sur une coulette tournante b, que tient à sa main gauche le tourneur du rouet : après, cette même branche est passée sur une autre coulette tournante c, fixée en N sur le montant I du rouet, & encore passée sur une seconde coulette d, que tient encore le tourneur de la main droite ; il marche à reculons jusqu’à l’endroit fixé de la longueur, en déroulant à mesure les soies de la banque, par le moyen des coulettes qu’il tient à chaque main : on a par ce secours quatre longueurs d’une seule opération, comme on le voit dans la figure ci-après. Lorsque le tourneur est arrivé au bout de sa longueur, le retordeur qui est à-présent tourneur, coupe les soies de la banque e sur une lame de couteau fixée pour cet usage dans le montant I, & le bout coupé est attaché à la quatrieme molette du croissant. Les deux autres longueurs de la coulette c sont coupées le plus juste qu’il est possible au même couteau, & attachées à la deuxieme & troisieme molettes de ce croissant : le retordeur fait tourner lui-même le rouet à gauche, & donne le retord convenable ; après quoi il prend les mêmes soies de la banque, mais en plus petite quantité, qui est posée de la même façon sur les coulettes dont on a parlé ; puis coupées & attachées aux mêmes molettes, alors le rouet est tourné à droite : ce mouvement contraire opérant deux retords différens, forme ce qu’on appelle graine d’épinars en soie, pour faire la pente des franges & autres.

Cordon pour les galons à chaînettes est fait de-même ; excepté que les quatre longueurs ne sont point redoublées comme à la graine d’épinars. Ici les quatre longueurs étant attachées à leurs molettes, sont torses à droite convenablement ; après quoi elles sont unies ensemble en cette sorte : la branche de la deuxieme molette est unie à celle de la quatrieme, & celle de la troisieme à la premiere ; & le tourneur passant la branche de la coulette gauche sur la droite, le tout ne forme plus qu’une branche, mais double en longueur, quoiqu’attachée à deux molettes : on lui donne un second retord, mais à gauche ; & voilà le cordon fini qui sert à former les différentes chaînettes sur les galons des carrosses.

Le retord pour les franges, est fait de la même façon que le cordon ; à l’égard de la tension des quatre