Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les religieux, dont les uns ont la tête entierement rasée ; d’autres ont une simple couronne de cheveux plus ou moins large.

La simple tonsure que l’on donne à ceux qui entrent dans l’état ecclésiastique n’est point un ordre, mais une préparation pour les ordres, & pour ainsi dire, un signe de la prise d’habit ecclésiastique ; l’évêque coupe un peu de cheveux avec des ciseaux à celui qui se présente pour être reçu dans l’état ecclésiastique, & le nouveau clerc récite pendant cette cérémonie ces paroles de David : Seigneur, vous êtes ma portion, c’est vous qui me rendrez mon héritage. Ensuite l’évêque met au clerc le surplis en priant le Seigneur de revêtir du nouvel homme celui qui vient de recevoir la tonsure.

Quelques-uns prétendent que l’on coupe les cheveux aux ecclésiastiques en signe d’adoption ; parce qu’en effet anciennement quand on adoptoit quelqu’un, on lui coupoit un flocon de cheveux ; ce que l’on pratiquoit encore du tems de Charles Martel, lequel envoya Pépin son fils à Luitprand roi des Lombards, pour l’adopter, en lui coupant un flocon de ses cheveux, comme c’étoit la coutume alors.

D’autres disent que c’est en signe de sujétion & de soumission à l’Eglise, & à l’instar de ce qui s’observoit de la part des sujets, lesquels pour marque de soumission envers leur prince, étoient obligés de porter leurs cheveux courts, les princes ayant seuls le droit de les porter longs pour marque de leur dignité.

D’autres encore prétendent que la tonsure a été instituée pour honorer l’affront que ceux d’Antioche voulurent faire à S. Pierre en lui coupant les cheveux, ou bien que cette coutume fut empruntée des Nazaréens qui se faisoient raser la tête, ou que cela fut ainsi établi par les apôtres, & notamment par S. Pierre, qui donna le premier exemple de se raser la tête, en mémoire de la couronne d’épine de Notre-Seigneur.

Selon quelques-uns, l’usage de tonsurer les clercs commença vers l’an 80.

Un auteur du viij. siecle, suivi par Baronius, rapporte un decret de l’an 108, qu’il attribue au pape Anicet, qui ordonne aux clercs de couper leurs cheveux en forme de sphere, suivant le précepte de S. Paul, qui ne permet qu’aux femmes de laisser croître leurs cheveux pour leur ornement.

Ce qui est de certain, c’est que cet usage est fort ancien dans l’Eglise ; le concile de Carthage tenu en 398, peut l’avoir eu en vûe, en défendant aux ecclésiastiques de nourrir leurs cheveux.

Cependant M. de Fleury, en son institution au droit ecclésiastique, dit que dans les premiers siecles de l’Eglise il n’y avoit aucune distinction entre les clercs & les laïcs quant aux cheveux ni à l’habit, & à tout l’extérieur : que c’eût été s’exposer sans besoin à la persécution, qui étoit toujours plus cruelle contre les clercs que contre les simples fideles.

Il ajoute que la liberté de l’Eglise n’apporta point de changement à cet égard, & que plus de 100 ans après, c’est-à-dire l’an 428, le pape S. Célestin témoigne que les évêques même n’avoient rien dans leur habit qui les distinguât du peuple.

Tous les chrétiens latins portoient, suivant M. de Fleury, l’habit ordinaire des Romains qui étoit long, avec les cheveux fort courts & la barbe rase ; les Barbares qui ruinerent l’empire, avoient au contraire des habits courts & serrés & les cheveux longs, & quelques uns de grandes barbes.

Les Romains avoient ces peuples en horreur ; & comme alors tous les clercs étoient romains, ils conserverent soigneusement leur habit, qui devint l’habit clérical ; en sorte que quand les Francs & les autres barbares furent devenus chrétiens, ceux qui

embrassoient l’état ecclésiastique faisoient couper leurs cheveux, & prenoient des habits longs.

Vers le même tems, plusieurs évêques & les autres clercs, prirent l’habit que les moines portoient alors, comme étant plus conforme à la modestie chrétienne ; & de-là vient, à ce que l’on croit, dit M. de Fleury, la couronne cléricale, parce qu’il y avoit des moines qui par esprit d’humilité se rasoient le devant de la tête pour se rendre méprisables.

Quoi qu’il en soit, la couronne cléricale étoit déjà en usage vers l’an 500, comme le témoigne Grégoire de Tours.

Dans les cinq premiers siecles où la tonsure fut pratiquée, on ne la conféroit qu’avec les premiers ordres ; ce ne fut que vers la fin du vj. siecle, que l’on commença à la conférer séparément, & avant les ordres.

L’évêque est le seul qui puisse donner la tonsure à ses diocésains séculiers & réguliers ; quelques-uns ont avancé que depuis S. Germain évêque d’Auxerre, qui vivoit dans le v. siecle, les évêques conféroient seuls la tonsure.

Mais il est certain que les abbés prétendent aussi avoir le droit de la donner à leurs religieux ; on trouve quelques canons qui autorisent leur prétention, entre autres, le ch. abbates, qui est du pape Alexandre I V. & est rapporté dans le texte, tit. de privilegiis. Mais s’ils ont joui autrefois en France de ce droit, on peut dire qu’ils l’ont perdu par prescription ; les évêques de France s’étant maintenus dans le droit de conférer seuls la tonsure, même aux réguliers.

Pour recevoir la tonsure, il faut avoir été confirmé ; il faut aussi être instruit au-moins des vérités les plus nécessaires au salut ; il faut aussi savoir lire & écrire.

Le concile de Narbonne en 1551, ne demande que l’âge de sept ans pour la tonsure ; celui de Bordeaux en 1624, exige 12 ans ; dans plusieurs dioceses bien réglés, il est défendu de la recevoir avant 14 ans ; mais à quelque âge que ce soit, il faut que celui qui se présente pour être tonsuré, paroisse le faire dans la vûe de servir Dieu plus particulierement, & non par aucune vûe temporelle, comme pour avoir des benefices.

On appelle bénéfices à simple tonsure, ceux que l’on peut posséder sans avoir d’autre qualité que celle de clerc tonsuré. Voyez M. de Fleury, M. d’Héricour, la Combe, & les Mémoires du Clergé. (A)

TONTE des brebis, (Usage des Hébreux.) le jour de cette tonte étoit chez les Hebreux une fête de réjouissance à laquelle on invitoit ses amis ; c’est pourquoi nous lisons que Nébal donna un festin magnifique le jour de la tonte de ses bêtes à laine, I. Rois, xxv. 36. Semblablement Absalon invita toute la famille royale aux tondailles de ses troupeaux, & prépara pour ce jour un banquet de roi, II. liv. des Rois, xiij. 24. (D. J.)

Tonte, (Lainage.) terme en usage dans les manufactures de lainage ; il signifie la façon que l’on donne à une étoffe en la tondant à l’endroit ou à l’envers avec des forces. (D. J.)

TONTINE, s. f. (Finances.) espece de rente viagere qui prit son nom d’un italien nommé Tonti, qui l’imagina. Ce fut en 1653, que fut établie la premiere tontine en France. Le privilege qu’ont les acquéreurs d’hériter de la portion de ceux qui décedent, étoit très-propre à engager les particuliers à y employer quelques sommes, & à procurer très-promptement au gouvernement les fonds dont il avoit besoin. C’est en effet ce qu’on vit arriver : la tontine dont nous parlons, fut d’un million 25 mille livres de rente, & coûta cher à Louis XIV.

Quoiqu’il se trouve des circonstances où la rareté