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Ton, (Art oratoire.) inflexion de voix : on a parlé des différentes qualités du ton dans la prononciation & la déclamation, aux mots Prononciation & Déclamation. (D. J.)

Ton, s. m. (Mus.) Ce mot a plusieurs sens en Mus. 1°. Il se prend d’abord pour un intervalle qui caractérise le système & le genre diatonique. Voyez Intervalle. Il y a deux sortes de tons ; savoir le ton majeur dont le rapport est de 8 à 9, & qui résulte de la différence de la quarte à la quinte ; & le ton mineur dont le rapport est de 9 à 10, & qui est la différence de la tierce mineure à la quarte. La génération du ton majeur & celle du ton mineur se trouve également à la seconde quinte en commençant par ut ; car la quantité dont ce surpasse l’octave du premier ut, est justement dans le rapport de 8 à 9, & celle dont ce même est surpassé par le mi tierce majeure de cette octave, est dans le rapport de 9 à 10.

2°. On appelle ton, le degré d’élévation que prennent les voix, ou sur lequel sont montés les instrumens pour exécuter de la musique. C’est en ce sens qu’on dit dans un concert que le ton est trop haut ou trop bas. Dans les églises, il y a le ton du chœur pour le plein-chant ; il y a, pour la musique, ton de chapelle & ton d’opéra ; ce dernier n’a rien de fixe, mais est ordinairement plus bas que l’autre qui se regle sur l’orgue.

3°. On fait encore porter le même nom de ton à un instrument qui sert à donner le ton de l’accord à tout un orchestre : cet instrument, que quelques-uns appellent aussi choriste, est un sifflet, qui, au moyen d’une maniere de piston gradué, par lequel on alonge ou raccourcit le tuyau à volonté, vous représente toujours à-peu-près le même son sous la même division. Mais cet à-peu-près qui dépend des variations de l’air, empêche qu’on ne puisse s’assurer d’un ton fixe qui soit toujours le même. Peut-être, depuis que le monde existe, n’a-t-on jamais concerté deux fois exactement sur le même ton. M. Diderot a donné les moyens de perfectionner le ton ; c’est-à-dire, d’avoir un son fixe avec beaucoup plus de précision, en remédiant aux effets des variations de l’air. Voyez Son fixe.

4°. Enfin, ton se prend pour le son de la note, ou corde principale qui sert de fondement à une piece de musique, & sur lequel on dirige l’harmonie, la mélodie & la modulation sur les tons des anciens. Voyez Mode.

Comme notre système moderne est composé de douze cordes ou sons différens, chacun de ces sons peut servir de fondement à un ton, & ce son fondamental s’appelle tonique. Ce sont donc déjà douze tons ; & comme le mode majeur & le mode mineur sont applicables à chaque ton, ce sont vingt-quatre modes dont notre musique est susceptible. Voyez Mode.

Ces tons different entre eux par les divers degrés d’élévation du grave à l’aigu qu’occupent leurs toniques. Ils different encore par les diverses altérations produites dans chaque ton par le tempérament ; de sorte que sur un clavessin bien accordé, une oreille exercée reconnoît sans peine un ton quelconque dont on lui fait entendre la modulation, & ces tons se reconnoissent également sur des clavessins accordés plus haut ou plus bas les uns que les autres ; ce qui montre que cette connoissance vient du-moins autant des diverses modifications que chaque ton reçoit de l’accord total, que du degré d’élévation que sa tonique occupe dans le clavier.

De-là naît une source de variétés & de beautés dans la modulation. De-là naît une diversité & une énergie admirable dans l’expression. De-là naît, en un mot, la faculté d’exciter des sentimens différens avec des accords semblables frappés en différens tons.

Faut-il du grave, du majestueux ? l’f ut fa, & les tons majeurs par bémol l’exprimeront noblement. Veut-on animer l’auditeur par une musique gaie & brillante, prenez a-mi la majeur, d-la ré, en un mot, les tons majeurs par dièse. C-sol ut mineur porte la tendresse dans l’ame, f-ut fa mineur va jusqu’au lugubre & au desespoir. En un mot, chaque ton, chaque mode a son expression propre qu’il faut savoir connoître ; & c’est-là un des moyens qui rendent un habile compositeur, maître en quelque maniere des affections de ceux qui l’écoutent ; c’est une espece d’équivalent aux modes anciens, quoique fort éloigné de leur énergie & de leur variété.

C’est pourtant de cette agréable diversité que M. Rameau voudroit priver la musique, en ramenant, autant qu’il est en lui, une égalité & une monotonie entiere dans l’harmonie de chaque mode, par sa regle du tempérament, regle déjà si souvent proposée & abandonnée avant lui. Selon cet auteur, toute l’harmonie en seroit plus parfaite : il est certain cependant qu’on ne peut rien gagner d’un côté, par sa méthode, qu’on ne perde tout autant de l’autre. Et quand on supposeroit que la pureté de l’harmonie y profiteroit de quelque chose, ce que nous sommes bien éloignés de croire, cela nous dédommageroit-il de ce qu’elle nous feroit perdre du côté de l’expression ? Voyez Tempérament. (S)

Tons de l’église, (Musique.) ce sont des manieres déterminées de moduler le plein-chant sur divers sons fondamentaux, & selon certaines regles admises dans toutes les églises où l’on pratique le chant grégorien.

On compte ordinairement huit tons réguliers, dont il y en a quatre authentiques & quatre plagaux. On appelle tons authentiques, ceux où la finale occupe à-peu-près le plus bas degré du chant ; mais si le chant descend jusqu’à trois degrés plus bas que la finale, c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’on appelle en Musique la dominante ; alors le ton est plagal : on voit qu’il n’y a pas grand mystere à ces mots scientifiques.

Les quatre tons authentiques ont leur finale à un degré l’un de l’autre, selon l’ordre des quatre notes ré, mi, fa, sol ; ainsi le premier ton de ces tons répondant au mode dorien des Grecs, le second répond au phrygien, le troisieme à l’éolien, & non pas au lydien, comme a dit M. l’abbé Brossard, & le dernier au mixo lydien. C’est S. Miroclet, évêque de Milan, ou selon l’opinion la plus reçue, S. Ambroise qui vers l’an 370, choisit ces quatre tons pour en composer le chant de l’église de Milan, & c’est ce qu’on croit le choix & l’approbation de ces deux grands hommes qui ont fait donner à ces quatre tons le nom d’authentiques.

Comme les sons employés dans ces quatre tons n’occupoient pas tout le disdiapason ou les quinze cordes de l’ancien système, S. Grégoire forma le projet de les employer toutes par l’addition des quatre nouveaux tons qu’on appelle plagaux, qui ont les mêmes finales que les précédens, & qui reviennent proprement à l’hypodorien, à l’hypophrygien, à l’hypoéolien & à l’hypomixolydien ; d’autres attribuent à Guy d’Arezzo l’invention de ce dernier.

C’est de-là que ces quatre tons authentiques ont chacun un ton plagal pour leur servir de collatéral ou supplément ; de sorte qu’après le premier ton qui est authentique, vient le second qui est son plagal, le troisieme authentique, le quatrieme plagal, & ainsi de suite. Ce qui fait que ces modes ou tons authentiques s’appellent aussi impairs & les plagaux pairs, eu égard à leur ordre dans la série des tons.

La connoissance du ton authentique ou plagal est essentielle pour celui qui donne le ton du chœur ; car s’il a à entonner dans un ton plagal, il doit pren-