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autre vaisseau large la composition de suif & de cire dont nous avons parlé ; on chauffe la planche de plomb, on la plonge dans la cire, & on imprime sur la toile ; on jette ensuite du sable sur ce qui est imprimé, & on continue à reprendre de la cire avec la planche, & à imprimer de la même maniere jusqu’à ce que l’ouvrage soit achevé.

Il y a encore quelque observation à faire dans cette pratique ; il faut prendre garde que la cire ne soit trop chaude, parce qu’elle ne produiroit qu’une écume qui rempliroit les vuides de la planche, & feroit des fautes considérables ; il faut aussi disposer au fond du vaisseau dans lequel est la cire un petit chassis de la forme du fond du vaisseau qui porte une toile bien tendue ; la grandeur du chassis sera telle que la toile ne puisse pas s’enfoncer plus bas qu’environ une ligne au-dessous de la surface de la cire fondue, afin qu’en y mettant la planche on ne l’enfonce point trop avant, ce qui boucheroit le creux de la planche, & feroit que l’impression ne seroit pas nette. On jugera facilement par quelques essais, de la chaleur qu’on doit donner à la cire & à la planche pour que l’impression soit faite avec plus de facilité & de propreté.

Lorsque la toile sera cirée, & la cire couverte de sable, on la plongera dans la cuve du bleu, & on la laissera sécher ; si l’on vouloit qu’elle fût verte & blanche, on la plongeroit ensuite à froid dans la teinture jaune, ou seulement avec un gros pinceau, on passeroit la couleur par-dessus : la cire qui y est encore, conserveroit les mêmes endroits qui sont verds par le mélange du jaune.

Si l’on veut le fond verd & les fleurs jaunes, on dessinera la toile lorsqu’elle aura passé dans la cuve du bleu, & on la mettra dans la teinture jaune ; on peut aussi donner par ce moyen plusieurs sortes de verds des Indes : il n’y a qu’à se servir de la liqueur de ferraille. Si l’on veut un verd plus beau, on fera une sorte décoction de graine d’Avignon ; on y dissoudra une très-petite quantité de verd-de-gris, on la gommera, & on la passera sur la toile.

Pour décirer la toile, on s’y prendra, comme nous l’avons déja dit, en la faisant bouillir dans de l’eau avec un peu de son, & la savonnant ensuite dans de l’eau froide.

Voilà à-peu-près toutes les especes de toiles à fond blanc ou de deux seules couleurs ; les différentes nuances sont très-faciles à faire, en observant ce que nous avons dit ci-dessus. Il reste à parler de celles dont le fond est de couleur, & qui sont en général de deux especes : dans les premieres tout le fond est coloré jusqu’au trait, qui fait le contour des tiges & des fleurs, sans qu’il reste du blanc en aucun endroit, à-moins qu’il n’en ait été réservé dans les feuilles de quelques fleurs. Dans la seconde espece de toile il y a un fond blanc en forme de cartouche autour de chaque bouquet, dont le contour est suivi gratieusement ; & l’intervalle que laissent les bouquets ou plutôt les cartouches est de couleur.

Les dernieres sortes de toiles peintes sont au-moins aussi agréables à la vue que les autres, quoiqu’elles donnent beaucoup moins de peine à exécuter. Pour les premieres, lorsqu’elles sont entierement finies sur un fond blanc, comme nous l’avons décrit, il faut cirer au pinceau tout ce qui est fait, ayant soin de ne couvrir de cire exactement que les fleurs, les feuilles & les tiges, & ensuite teindre le fond à l’ordinaire. Pour les secondes, il y a deux manieres, l’une de cirer les bouquets, mais grossierement, & suivant seulement leurs contours extérieurs, en y laissant environ deux ou trois lignes de fond blanc autour qui sert à cirer, comme les bouquets.

L’autre maniere est plus facile & plus simple, mais on ne peut pas s’en servir pour les couleurs qui doi-

vent être cuvées, c’est-à-dire, lorsqu’il faut plonger

la toile entiere dans la cuve ; elle peut seulement être employée lorsque le fond doit être rouge, violet, jaune ou olive.

On fait pour cet effet des contre-planches dans lesquelles on incruste des morceaux de chapeau dans les endroits où doit être la couleur ; le reste de ces contre-planches est creusé, afin de ne point porter sur les bouquets qui doivent être entierement finis avant d’imprimer le fond. On prend avec ces contreplanches, de la couleur & du mordant sur le coussinet, & l’on imprime à l’ordinaire. Cette opération est nommée par les ouvriers chapaudrer. Cela rend le fond d’une couleur bien plus égale & plus uniforme qu’elle ne pourroit l’être avec le pinceau.

Lorsque le fond doit être rouge ou violet, on imprime le fond avec le mordant ; & lorsque les bouquets imprimés aussi avec le mordant doivent avoir du rouge ou du noir, l’on ne fait que les mêmes bouillissages pour les bouquets & pour le fond ; mais lorsqu’il doit être jaune ou olive, on n’imprime la couleur avec la contre-planche de chapeau, que lorsque la toile est entierement finie, & que le fond en est bien blanc.

Nous avons donné la composition du jaune ; celui des Indes se fait avec de l’eau de ferraille, mais on en fait un plus beau avec la décoction de graine d’Avignon, dans laquelle on fait dissoudre un peu d’alun. Pour l’olive, il ne faut que mêler ensemble ces deux dernieres couleurs, c’est-à-dire, l’eau de ferraille & la décoction de graine d’Avignon dans la proportion que l’on jugera à propos, suivant les différentes nuances d’olives que l’on voudra avoir.

On peut encore faire le fond de couleur, & réserver les bouquets sans chapaudrer, & d’une façon fort simple. On collera légerement avec un peu de gomme ou d’empois sur chaque bouquet un morceau de papier qui suive grossierement le contour du bouquet, & avec une planche couverte de drap, on appliquera la couleur du fond, & les bouquets se trouvent très-exactement conservés.

Nous n’avons plus maintenant qu’à parler de quelques autres couleurs connues d’un petit nombre d’ouvriers, & qui ne sont point en usage aux Indes, elles s’effacent un peu plus facilement que les autres ; cependant il y des cas où elles sont préférables par leur beauté & la facilité qu’il y a de les employer, d’autant plus même qu’elles résistent à dix ou douze savonnages, ce qui est suffisant pour l’usage ordinaire.

Nous avons de cette maniere du bleu, du verd, du jaune, & plusieurs nuances de rouge qui sont beaux & très-faciles à employer, puisqu’on n’est pas obligé de cirer la toile pour le bleu & le verd, & de la bouillir, ni de la faire herber pour le rouge, ce qui est une épargne de tems & de peines très-considérable.

Pour le bleu, il faut faire bouillir dans l’eau du bois d’Inde haché en petits morceaux, pour en avoir une très-forte teinture. Si on veut deux nuances de bleu différentes, on fera deux de ces teintures dont l’une sera plus chargée de couleur que l’autre ; cette teinture n’est pas bleue d’abord, mais d’un rouge assez désagréable ; pour la rendre bleue, il n’y a qu’à dissoudre un peu de vitriol de Cypre & elle le devient sur le champ : on la gommera alors, & on l’emploiera sur le champ à la planche ou au pinceau, sans avoir fait d’autre préparation à la toile que de l’avoir bien dégommée.

Pour le verd on prendra de la même teinture de bois d’Inde dans laquelle on mettra un peu de verd-de-gris au-lieu de vitriol de Cypre, elle deviendra sur le champ bleue ; on y versera alors de la teinture de graine d’Avignon en petite quantité, ou jusqu’à ce