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chargés de l’éducation de Neptune. Cette origine & cet emploi, qui les supposent des navigateurs, s’accordent avec la tradition, qui leur faisoit habiter successivement les trois îles principales de la mer Egée. On vantoit aussi leur habileté dans la Métallurgie ; c’étoit eux, disoit-on, qui avoient forgé la faulx dont la Terre arma Saturne, & le trident de Neptune. On leur attribuoit l’art de travailler le fer & l’airain : probablement ils l’apprirent dans l’île de Chypre, celebre par ses mines, & dont les habitans surent les premiers mettre le cuivre en œuvre. L’usage de ce métal, aussi connu sous le nom d’airain, avoit précédé celui du fer, du-moins dans la Grece, & on en fabriquoit des armes. Le fer étoit rare dans cette contrée ; la dureté qu’il est capable d’acquérir par la trempe, lui faisoit donner le nom d’adamas, d’inflexible, qui depuis a passé au diamant.

Comme les anciens usages consacrés par la religion s’observent toujours avec un soin qui les perpétue, on continua d’employer l’airain pour les instrumens des sacrifices, & dans la fabrique des armes qu’on offroit aux dieux. Il est même assez vraissemblable que ces épées & ces instrumens de cuivre qu’on déterre de tems-en-tems, eurent autrefois cette destination exclusivement à toute autre. En effet, dès que le fer devint commun, on ne continua pas, sans doute, à se servir comme auparavant, du cuivre, métal aigre, cassant, & beaucoup plus pesant que le fer. Si l’on ne découvre aujourd’hui que peu d’armes de fer, c’est que le fer se détruit par la rouille, au-lieu que celle du cuivre le couvre d’un vernis qui en conserve la substance, & dont la dureté resiste quelquefois au burin le mieux trempé.

Il n’est pas surprenant que les premiers sauvages de la Grece aient cru tout ce qu’on débitoit du pouvoir magique des Telchines. Cette crédulité regna dans les siecles les plus éclairés d’Athènes & de Rome. Peut-être même ce mélange du soufre avec l’eau du Styx, réduit au simple, n’est que l’ancienne pratique de purifier les troupeaux avec la fumée du soufre, avant que de les mener aux champs pour la premiere fois à la fin de l’hiver. Peut-être a-t-il quelque rapport à cet autre usage, non moins ancien, d’arroser ou de frotter les plantes avec des infusions de drogues ameres, pour les garantir des insectes. Caton, Columelle, Pline, & tous les Géoponiques sont pleins de différentes recettes qu’on croyoit propres à composer ces fumigations & ces liqueurs.

Lorsqu’on examine les pratiques de l’ancienne magie, on adopte l’idée que Pline s’en étoit faite. Ce judicieux & savant naturaliste la regardoit comme une espece de médecine superstitieuse, qui joignoit aux remedes naturels, des formules auxquelles on croyoit de grandes propriétés. Caton nous rapporte sérieusement quelques unes de ces formules : nous voyons même que le préjugé vulgaire attribuoit à de simples remedes, à des fumigations, le pouvoir d’empêcher la grêle & de chasser les démons. Végece, dans un de ses ouvrages, termine la longue recette d’une fumigation qu’il prescrit, par ces mots étranges : Quod suffimentum præter curam jumentorum, sanat hominum passiones, grandinem depellit, dæmones abigit, & larvas. Cette fumigation, utile aux troupeaux, guérit de plus les passions des hommes, détourne la grêle, chasse les démons & les spectres. Quel texte à commenter pour la philosophie ! Hist. de l’acad. des Belles-Lettres, tome XXIII. in-4o. (D. J.)

Telchines, (Géogr. anc.) peuples dont parlent Orose, l. I. c. v. Stobée, de invidiâ. Ils tiroient leur origine de l’île de Crète ; ils s’établirent ensuite dans l’île de Cypre, & enfin ils passerent dans celle de

Rhodes, où ils inventerent l’usage du fer & de l’airain, & ils en firent une faux à Saturne. On les accusoit d’être magiciens ; mais ce crime leur fut imputé par les envieux, qui ne pouvoient sans jalousie les voir exceller dans les arts. (D. J.)

TELCHINIA, (Mythol.) Minerve avoit un temple au village de la Teumosse, près de Thèbes, en Béotie, sous le nom de Minerve Telchinia, où il n’y avoit aucune statue. Pausanias croit que ce surnom venoit des anciens Telchines de l’île de Rhodes, dont plusieurs passerent dans la Béotie, & y bâtirent apparemment ce temple à Minerve, qu’ils disoient être la mere des auteurs de leur race. Minerve passoit pour la mere des Telchines, parce que ces peuples excelloient dans les arts : la jalousie fit dire à leurs voisins, qu’ils étoient des enchanteurs, des magiciens. (D. J.)

TÉLÉ, (Antiq. grecq.) τέλη, nom qu’on donnoit chez les Athéniens aux revenus qui se percevoient sur les terres, mines, bois, & autres domaines dont on mettoit à part les fonds pour les besoins de l’état ; on nommoit aussi télé, le produit des taxes imposées sur les étrangers & les affranchis, ainsi que le produit des douanes sur certains effets & marchandises. Voyez Potter, Archæol. græc. tom. p. 80. (D. J.)

TELÉARQUE, s. m. (Hist. anc.) nom que donnoient les Thébains à un magistrat dont la fonction consistoit à faire nettoyer les rues, emporter les fumiers, & prendre soin des égouts pour faire écouler les eaux. Cette charge étoit d’abord de peu de conséquence, & les ennemis d’Epaminondas la lui ayant fait donner comme pour avilir son mérite & ses talens, il leur répondit qu’il leur feroit voir que, non seulement la charge montre quel est l’homme, mais aussi que l’homme montre quelle est la charge : & en effet, il éleva à une grande dignité cet office qui n’étoit rien auparavant.

TELEBOAS, (Géog. anc.) fleuve que Xénophon, l. IV. p. 327. & Etienne le géographe, mettent au voisinage des sources du Tigre.

TELEBOIDES INSULÆ, (Géogr. anc.) îles comprises au nombre des Echinades.

Les îles Téléboïdes ou Taphiennes, étoient devant Leucade, à savoir Taphias, Oxiæ, & Prinoesso.

Les Téléboëns ou Talphiens étoient un peuple de l’Acarnanie, que Strabon dit avoir été peuplée par trois nations, à savoir les Curettes, les Léleges, & les Téléboëns. Ces derniers, ou une partie d’entre eux, passerent en Italie, & s’établirent dans l’île de Caprée, au rapport de Virgile, Eneid. liv. VII. v. 735. & de Tacite, IV. Annal. c. lxvij : ce sont eux qui nommerent Téléboïdes, de leur nom, les îles qui sont voisines de l’Acarnanie.

Etienne le géographe dit que la Téléboïde est une partie de l’Acarnanie, ainsi nommée à cause de Téléboas, & qu’on l’appelloit auparavant le pays des Taphiens ; & le scholiaste d’Apollonius dit que Taphos est une île d’entre les Echinades où habiterent les Téléboëns, qui avoient auparavant habité l’Acarnanie. Il ajoute que les Téléboëns sont les mêmes que les Taphiens. Si cela est, conclut Cellarius, les îles Echinades étoient comprises sous les Téléboïdes ; & Strabon, l. X. remarque que les Téléboïdes n’étoient pas tant distinguées des autres par un intervalle qui les séparoit, que par les chefs qui les avoient gouvernés, & qui avoient été autrefois Taphiens & Téléboëns. (D. J.)

TÉLÉEN, (Mytholog.) Teleus, épithete ou surnom que les Romains donnoient à Jupiter ; on invoquoit Jupiter Téléen dans les mariages, & Junon Télèenne présidoit aux noces : ce mot est grec, τέλειος veut dire parfait.

TÉLÉOLOGIE, s. f. (Phys & Métaphys.) science des causes finales. Voyez Cause finale, & joignez-