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nis avec galle à l’épine & couperose, & rabattus avec gaude, fustel, brésil, campêche, & autres ingrédiens nécessaires, suivant les échantillons & le jugement de l’ouvrier.

Le noir sera fait de galle à l’épine & couperose, lavé & achevé avec bois de campêche ; & pour d’autres noirs, ils seront courroyés avec boue, huile d’olive & cendre gravelée, sans y employer de mauvaise huile.

Il ne sera employé auxdites teintures autre savon que celui de Gènes & d’Alicante, ou de semblable bonté & qualité.

Tous les fils de lin du royaume, de Flandre & autres pays étrangers, ne seront teints en bleu commun, mais seulement en cave.

On pourra faire débouillir les soies & fils comme les étoffes & laines, pour connoître si elles sont de bon teint ; ce qui ne sera exécuté qu’à l’égard de celles qui seront teintes en cramoisi, les autres couleurs, excepté le bleu & le verd, étant presque toutes de faux teint. Comme il a pu être remarqué par les ingrédiens affectés aux petits teints, qui entrent dans la composition de leur teinture, on ne parlera pas ici de la teinture du coton, qui est la même à-peu-près que le fil, à l’exception du rouge cramoisi semblable à celui des Indes, dont le secret a été trouvé depuis peu par M. Goudard, qui a été récompensé du conseil à proportion de sa découverte ; M. Fesquet de Rouen a trouvé le même secret. Les rouges soutiennent des débouillis de 60 minutes & plus, sans que les ingrédiens qui entrent dans la composition, aient altéré en aucune façon la teinture de cette marchandise.

On ajoutera en finissant cet article de teinture, que tous les jours il se trouve des personnes qui possedent quelque secret dans un art aussi étendu & aussi délicat. Le nommé Faber allemand, vient tout récemment de donner la façon de faire un verd auquel on a donné le nom de verd de Saxe. Cette couleur, qui ne peut soutenir un débouilli, ni même résister à l’action de l’air, est venue à la mode ; il pourra se faire que dans la suite quelques personnes plus habiles en formeront une couleur de bon teint. Un ingrédient hasardé pourra occasionner cette découverte. Qui auroit pensé que le jus de citron, dont l’acidité corrobore toutes les couleurs de la soie par son union avec le safran, donnât une couleur plus belle & plus brillante que l’écarlatte ; que l’étain dissous avec de l’eau forte ou eau régale donnât à la cochenille le feu qui la rend si différente du cramoisi qui est sa couleur naturelle ; & enfin que le jus de citron & le safran produisît le même effet sur la soie, que l’étain & la cochenille produit sur la laine ?

Ce sont des faits & des vérités contre lesquelles il n’y a aucune replique. Les Hollandois font des violets en soie, que nous ne pouvons imiter qu’en faux ; ils sont cependant de bon teint. Les noirs de Gènes, & autres d’Italie, sont plus beaux que ceux de France pour les soies ; il est vrai que leur méthode vaut mieux que la nôtre, & que leurs cuves étant dépendantes des villes où se fait la teinture, elles ne peuvent souffrir aucune altération, étant mieux entretenues & conduites que si elles appartenoient à des particuliers. Les eaux d’ailleurs ne contribuent pas peu à la perfection de cet art ; les drogues, par leur transport par mer, peuvent diminuer de leur qualité, ou ne pas produire le même effet sous un climat différent : on peut laver hardiment toutes les étoffes de soie qui viennent des Indes orientales, sans que les couleurs en reçoivent aucune altération, au-contraire, elles paroissent acquérir plus de brillant, tandis que si nous laissons tomber une goutte d’eau sur celles que nous teignons en France, la

couleur en paroît altérée. C’est aux physiciens à nous instruire de ces prétendus phénomenes : on ne s’est pas encore avisé de traiter cette matiere en France, peut-être se trouvera-t-il quelqu’un assez habile pour en donner l’explication, & par ce moyen mettre nos teintures de niveau avec celles de ces étrangers.

Teinture ou essence de succin d’Hoffman. Voyez sous le mot Succin, Chimie & Mat. méd.

Teinture sur le bois : pour noircir le bois jusqu’au cœur, il faut le laisser tremper dans le vinaigre, le laisser sécher ; le frotter ensuite d’encre à écrire, le laisser de-rechef sécher, puis le refrotter de vinaigre, cela le noircira jusqu’au cœur.

Tout bois qui hors la noirceur ressemble à l’ébene, se peut noircir. Prenez donc de ces bois & les laissez dans l’eau d’alun pendant trois jours, exposés au soleil, ou à son défaut, à quelque distance du feu ; que l’eau devienne un peu chaude, puis prenez huile d’olive ou de lin que vous mettrez dans une poële, avec gros comme une noisette de vitriol romain, & autant de soufre ; faites bouillir vos bois là-dedans : plus ils y resteront, plus ils deviendront noirs ; mais trop long-tems les rendroit fragiles.

Pour teindre le bois de telle couleur qu’on voudra, il faut prendre de bon matin fiente de cheval fraîche de la même nuit, la plus humide que l’on pourra trouver avec la paille & tout, & puis la mettre sur quelques pieces de bois posées de travers & croisées les unes sur les autres, avec par-dessous quelque terrine pour recevoir ce qui dégouttera & écoulera de ladite fiente ; si en une matinée l’on ne peut en avoir assez, on fera la même chose deux ou trois autres fois. Après avoir bien coulé cette fiente, on mettra en chaque vaisseau où il y aura de son égoutture, gros comme une noisette d’alun de roche, & autant de gomme arabique, & là dedans, telle couleur qu’on choisira, usant d’autant de vaisseaux qu’on a de couleurs ; on finira par jetter dans chacun le bois qu’on voudra teindre, le tenant au feu ou au soleil ; & plus le bois restera en cette liqueur, plus il sera foncé en couleur, tant en dehors qu’au dedans, & il ne perdra jamais sa couleur par eau tombée dessus ou autre chose, lorsqu’il aura été retiré & seché. Ce secret est excellent & ne se communique point entre les Artistes qui s’en servent ; tous en font cas.

Teinture de bourre, (Teint.) on l’appelle autrement poil de chevre garancée ; c’est un des ingrédiens de la teinture du petit teint.

Pour faire la teinture de bourre, on prend du poil de chevre teint premierement en bon teint de rouge de garance, & ensuite surchargée de la même couleur appliquée sans bouillon ; on le met dans une chaudiere avec un poids égal de cendres gravelées, & on fait bouillir le tout : en moins d’une demi-heure, il ne reste plus de vestige du poil de chevre, l’alkali l’a totalement dissous, & toute sa couleur est passée dans le bain. On continue de le faire bouillir pendant trois heures, & ensuite on y ajoute petit-à-petit de l’urine fermentée, en continuant toujours de tenir la liqueur bouillante : au bout de cinq ou six heures le bain cesse de jetter de l’écume, & l’opération est achevée : on couvre alors la chaudiere, on ôte du feu, on la laisse reposer jusqu’au lendemain, & elle en état de teindre.

Avant que l’on passe la laine dans cette teinture, il est bon qu’elle ait été soufrée, c’est-à-dire, exposée à la fumée du soufre brûlant : cette préparation lui donne une blancheur qui contribue beaucoup à faire valoir la couleur qu’on lui veut donner un quart d’heure avant que de la teindre, on fait dissoudre dans le bain un petit morceau d’alun de roche, & quand cette dissolution est faite, on y plonge la