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De-là vous entrez dans une piece d’acanthe flexible, & qui se répand où l’on voit encore quantité de figures & de noms que les plantes expriment. A l’extrémité est un lit de repos de marbre blanc, couverte d’une treille soutenue par quatre colonnes de marbre de cariste. On voit l’eau tomber de dessous ce lit, comme si le poids de ceux qui se couchent l’en faisoit sortir ; de petits tuyaux la conduisent dans une pierre creusée exprès ; & de-là elle est reçue dans un bassin de marbre, d’où elle s’écoule si imperceptiblement & si à propos, qu’il est toujours plein, & pourtant ne déborde jamais.

Quand on veut manger en ce lieu, on range les mets les plus solides sur les bords de ce bassin ; & on met les plus légers dans des vases qui flottent sur l’eau tout-au-tour de vous, & qui sont faits les uns en navires, les autres en oiseaux. A l’un des côtés est une fontaine jaillissante, qui reçoit dans sa source l’eau qu’elle en a jettée : car, après avoir été poussée en-haut, elle retombe sur elle-même ; & par deux ouvertures qui se joignent, elle descend & remonte sans cesse. Vis-à-vis du lit de repos est une chambre qui lui donne autant d’agrément qu’elle en reçoit de lui. Elle est toute brillante de marbre ; ses portes sont entourées & comme bordées de verdure.

Au-dessus & au-dessous des fenêtres hautes & basses, on ne voit aussi que verdure de toutes parts. Auprès est un autre petit appartement qui semble comme s’enfoncer dans la même chambre, & qui en est pourtant séparé. On y trouve un lit : & quoique cet appartement soit percé de fenêtres par tout, l’ombrage qui l’environne le rend agréablement sombre. Une vigne, artistement taillée, l’embrasse de ses feuillages & monte jusqu’au faîte. A la pluie près que vous n’y sentez point, vous croyez être couché dans un bois. On y trouve aussi une fontaine qui se perd dans le lieu même de sa source. En différens endroits sont placés des sieges de marbre propres, ainsi que la chambre, à délasser de la promenade. Près de ces sieges sont de petites fontaines, & par-tout vous entendez le doux murmure des ruisseaux, qui, dociles à la main du fontainier, se laissent conduire par de petits canaux où il lui plaît. Ainsi on arrose tantôt certaines plantes, tantôt d’autres, quelquefois on les arrose toutes.

J’aurois fini il y auroit long-tems, de peur de paroître entrer dans un trop grand détail ; mais j’avois résolu de visiter tous les coins & recoins de ma maison avec vous. Je me suis imaginé que ce qui ne vous seroit point ennuyeux à voir, ne vous le seroit point à lire, sur-tout ayant la liberté de faire votre promenade à plusieurs reprises, de laisser là ma lettre, & de vous reposer autant de fois que vous le trouverez à propos. D’ailleurs j’ai donné quelque chose à ma passion ; & j’avoue que j’en ai beaucoup pour tout ce que j’ai commencé ou achevé. En un mot, (car pourquoi ne vous pas découvrir mon entêtement ou mon goût ?) je crois que la premiere obligation de tout homme qui écrit, c’est de jetter les yeux de tems en tems sur son titre. Il doit plus d’une fois se demander quel est le sujet qu’il traite ; & savoir que s’il n’en sort point, il n’est jamais long ; mais que s’il s’en écarte, il est toujours très-long.

Voyez combien de vers Homere & Virgile emploient à décrire, l’un les armes d’Achille, l’autre celles d’Enée. Ils sont courts pourtant, parce qu’ils ne font que ce qu’ils s’étoient proposé de faire. Voyez comment Aratus compte & rassemble les plus petites étoiles, il n’est point accusé cependant d’être trop étendu ; car ce n’est point digression, c’est l’ouvrage même. Ainsi du petit au grand, dans la description que je vous fais de ma maison, si je ne m’égare point en récits étrangers, ce n’est pas ma lettre, c’est la maison elle-même qui est grande.

Je reviens à mon sujet, de peur que si je faisois

cette digression plus longue, on ne me condamnât par mes propres regles. Vous voilà instruit des raisons que j’ai de préférer ma terre de Toscane à celles que j’ai à Tusculum, à Tibur, à Préneste. Outre tous les autres avantages dont je vous ai parlé, on y jouit d’un loisir d’autant plus sûr & plus tranquille, que les devoirs ne viennent point vous y relancer. Les fâcheux ne sont point à votre porte ; tout y est calme ; tout y est paisible : & comme la bonté du climat y rend le ciel plus serein, & l’air plus pur, je m’y trouve aussi le corps plus sain & l’esprit plus libre. J’exerce l’un par la chasse, l’autre par l’étude. Mes gens en font de même : ils ne se portent nulle part si bien ; & graces aux dieux, je n’ai jusqu’ici perdu aucun de ceux que j’ai amenés avec moi. Puissent les dieux me continuer toujours la même faveur, & conserver toujours à ce lieu les mêmes avantages ! Adieu. (D. J.)

THUSCIEN, prêtre, (Antiq.) prêtre tyrrhénien ou d’Etrurie ; on nommoit les prêtres d’Etrurie prêtres thusciens, à cause des fonctions qu’ils faisoient dans les sacrifices, ou de brûler les victimes & l’encens, de θύος, qui signifie encens, & καίειν, qui veut dire brûler ; ou de consulter les entrailles des victimes, de θύος, qui veut dire aussi sacrifices, & de κοέειν, qui signifie la même chose que νοέειν, regarder, considérer. (D. J.)

THUYA, s. m. (Botan.) en françois vulgaire arbre de vie. Bauhin, Boerhaave & Tournefort le nomment thuya, c’est un arbre de hauteur médiocre, dont le tronc est dur & noueux, couvert d’une écorce rouge-obscure ; ses rameaux se répandent en aîles ; ses feuilles ressemblent en quelque maniere à celles du cyprès, mais elles sont plus plates, & formées par de petites écailles posées les unes sur les autres ; il porte, au-lieu de chatons ou de fleurs, de petits boutons écailleux, jaunâtres, qui deviennent ensuite des fruits oblongs, composés de quelques écailles, entre lesquelles on trouve des semences oblongues & comme bordées d’une aîle membraneuse. Le thuya est odorant, principalement en ses feuilles ; car étant écrasées entre les doigts, elles leur communiquent une odeur forte, résineuse & assez permanente ; leur goût est amer.

Cet arbre vient originairement du Canada, d’où le premier qu’on ait vu en Europe fut apporté à François I. On ne le cultive cependant que dans les jardins de quelques curieux, & on peut lui donner, comme à l’if, telle figure qu’on desire. Il résiste au froid de l’hiver, mais il perd sa verdure, ses rameaux & ses feuilles, devenant noirâtre jusqu’au printems qu’il reprend sa couleur.

Le thuya des Grecs n’est point notre thuya ; c’étoit une espece de cedre qui n’avoit chez les Latins que le nom de commun avec le citronnier, arbor citrea. Cet arbre venoit d’une branche de l’atlas, dans la Mauritanie septentrionale, appellée par Pline, l. XIII. c. xv. mons Anchorarius. (D. J.)

Thuya, bois de, (Botanique sacrée.) thyinum lignum ; sorte de bois fort estimé par les Hébreux, & qui étoit d’une odeur excellente ; la flotte du roi Hircan en apporta d’Ophir en abondance, III. Rois, x. 11. Quelques interpretes rendent ce mot par bois de bresil, d’autres par bois de pin, & d’autres plus sagement & plus sûrement par bois odoriférant, sans déterminer quel étoit ce bois. (D. J.)

THYAMIS ou THYAMUS, (Géog. anc.) 1°. fleuve de l’Epire, selon Thucydide, l. I. p. 32. & Athénée, l. III. c. j. Strabon & Pausanias connoissent aussi ce fleuve, dont le nom moderne est Calama, selon Thevet.

2°. Thyamis promontoire de l’Epire, selon Ptolomée, l. III. c. xiv. Il servoit de bornes entre la