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La santé est une des qualités nécessaires à la tranquillité de l’ame ; mais ce n’est pas elle.

La tranquillité de l’ame suppose la sagesse & la vertu ; celui qui ne les a pas est vraiment misérable.

La volupté du corps est opposée à celle de l’ame, c’est un mouvement inquiet.

Dieu est la cause premiere de toutes les choses qui changent ; ce n’est point là son essence, elle est dans l’aséité.

La matiere premiere a été créée ; Dieu l’a produite de rien ; elle ne peut lui être coéternelle.

Les choses inconstantes ne peuvent se conserver elles-mêmes ; c’est l’ouvrage du créateur.

Il y a donc une providence divine.

Quoique Dieu donne à tout moment aux choses une vie, une essence, & une existence nouvelle ; elles sont une, & leur état présente le passé & l’avenir ; ce qui les rend mêmes.

La connoissance de l’essence divine est une regle à laquelle l’homme sage doit conformer toutes ses actions.

L’homme sage aimera Dieu sincerement, aura confiance en lui, & l’adorera avec humilité.

La raison ne nous présente rien au-delà de ce culte intérieur ; quand au culte extérieur, elle conçoit qu’il vaut mieux s’y soumettre que de le refuser.

Il y a deux erreurs principales relativement à la connoissance de Dieu, l’athéïsme & la superstition.

Le superstitieux est pire que l’athée.

L’amour est un desir de la volonté de s’unir & de perséverer dans l’union avec la chose dont l’entendement a reconnu la bonté.

On peut considerer l’amour déraisonnable sous différents aspects, ou le desir est inquiet, ou l’objet aimé est mauvais & nuisible, ou l’on confond en lui des unions incompatibles, &c.

Il y a de la différence entre le desir de s’unir à une femme, par le plaisir qu’on en espere, ou dans la vue de propager son espece.

Le desir de posseder une femme doit être examiné soigneusement, si l’on ne veut s’exposer à la séduction secrette de l’amour déraisonnable, cachée sous le masque de l’autre amour.

L’amour raisonnable de ses semblables est un des moyens de notre bonheur.

Il n’y a de vertu que l’amour ; il est la mesure de toutes les autres qualités louables.

L’amour de Dieu pour lui-même est surnaturel ; la félicité éternelle est son but ; c’est aux théologiens à nous en parler.

L’amour de nos semblables est général ou particulier.

Il n’y a qu’un penchant commun à la vertu, qui établisse entre deux êtres raisonnables, un amour vrai.

Il ne faut haïr personne, quoique les ennemis de nos amis nous doivent être communs.

Cinq vertus constituent l’amour universel & commun ; l’humanité, d’où naissent la bienfaisance & la gratitude ; la vivacité & la fidélité dans ses promesses, même avec nos ennemis & ceux de notre culte, la modestie qu’il ne faut pas confondre avec l’humilité ; la modération & la tranquillité de l’ame ; la patience sans laquelle il n’y a ni amour ni paix.

L’amour particulier est l’amour de deux amis, sans cette union il n’y a point d’amitié.

Le mariage seul ne rend pas l’amour licite.

Plus le nombre de ceux qui s’aiment est grand, plus l’amour est raisonnable.

Il est injuste de haïr celui qui aime ce que nous aimons.

L’amour raisonnable suppose de la conformité dans les inclinations, mais il ne les exige pas au même degré.

La grande estime est le fondement de l’amour raisonnable.

De cette estime naît le dessein continuel de plaire, la confiance, la bienveillance, les biens, & les actions en commun.

Les caracteres de l’amour varient selon l’état des personnes qui s’aiment ; il n’est pas le même entre les inégaux qu’entre les égaux.

L’amour raisonnable de soi-même, est une attention entiere à ne rien faire de ce qui peut interrompre l’ordre que Dieu a établi, selon les regles de la raison générale & commune, pour le bien des autres.

L’amour du prochain est le fondement de l’amour de nous-mêmes ; il a pour objet la perfection de l’ame, la conservation du corps, & la préférence de l’amour des autres, même à la vie.

La conservation du corps exige la tempérance, la pureté, le travail, & la fermeté.

S’il y a tant d’hommes plongés dans le malheur, c’est qu’ils n’aiment point d’un amour raisonnable & tranquille.

C’est moins dans l’entendement que dans la volonté & les penchans secrets, qu’il faut chercher la source de nos peines.

Les préjugés de l’entendement naissent de la volonté.

Le malheur a pour base l’inquiétude d’un amour déréglé.

Deux préjugés séduisent la volonté ; celui de l’impatience, & celui de l’imitation : on déracine difficilement celui-ci.

Les affections sont dans la volonté, & non dans l’entendement.

La volonté est une faculté de l’ame qui incline l’homme, & par laquelle il s’excite à faire ou à omettre quelque chose.

Il ne faut pas confondre l’entendement avec les pensées.

La volonté se meut toujours du désagréable à l’agréable, du fâcheux au doux.

Tous les penchans de l’ame sont tournés vers l’avenir & vers un objet absent.

Les affections naissent des sensations.

Le cœur est le lieu où la commotion des objets intérieurs se fait sentir avec le plus de force.

L’émotion du sang extraordinaire est toujours une suite d’une impression violente ; mais cette émotion n’est pas toujours accompagnée de celle des nerfs.

Il n’y a qu’une affection premiere, c’est le desir qu’on peut distinguer en amour ou en haine.

Il ne faut pas compter l’admiration parmi nos penchans.

Les affections ou penchans ne sont en eux-mêmes ni bons ni mauvais ; c’est quand ils sont spécifiés par les objets, qu’ils prennent une qualité morale.

Les affections qui enlevent l’homme à lui-même, sont mauvaises ; & celles qui le rendent à lui-même, bonnes.

Toute émotion trop violente est mauvaise ; il n’y en a de bonnes que les tempérées.

Il y a quatre penchans ou affections générales ; l’amour raisonnable, le desir des honneurs, la cupidité des richesses, le goût de la volupté.

Les hommes sanguins sont voluptueux, les bilieux sont ambitieux, & les mélancoliques sont avares.

La tranquillité de l’ame est une suite de l’harmonie entre les forces de la pensée, ou les puissances de l’entendement.

Il y a trois qualités qui conspirent à former & à perfectionner l’amour raisonnable, l’esprit, le jugement, & la mémoire.

L’amour raisonnable est taciturne, sincere, libéral, humain, généreux, tempérant, sobre, conti-