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Les mots sans application aux choses ne sont ni vrais, ni faux.

Le caractere d’un principe, c’est d’être indémontrable.

Il n’y a qu’un seul premier principe où toutes les vérités sont cachées.

Ce premier principe, c’est que tout ce qui s’accorde avec la raison, c’est-à-dire, les sens & les idées, est vrai, & que tout ce qui les contredit est faux.

Les sens ne trompent point celui qui est sain d’esprit & de corps.

Le sens interne ne peut être trompé.

L’erreur apparente des sens extérieurs naît de la précipitation de l’entendement, dans ses jugemens.

Les sens ne produisent pas toujours en tout les mêmes sensations. Ainsi il n’y a aucune proposition universelle & absolue des concepts variables.

Sans la sensation, l’entendement ne peut rien ni percevoir ni se représenter.

Les pensées actives, les idées, leurs rapports & les raisonnemens, qui équivalent aux opérations sur les nombres, naissent des sensations.

L’algebre n’est pas toutefois la clé & la source de toutes les sciences.

La démonstration est l’éviction de la liaison des vérités avec le premier principe.

Il y a deux sortes de démonstrations ; ou l’on part des sensations, ou d’idées & de définitions & de leur connexion avec le premier principe.

Il est ridicule de démontrer ou ce qui est inutile, ou indémontrable, ou connu en soi.

Autre chose est être vrai, autre chose être faux ; autre chose connoître le vrai & le faux.

L’inconnu est ou relatif, ou absolu.

Il y a des caracteres de la vraissemblance ; ils en sont la base, & il en mesurent les degrés.

Il y a connoissance ou vraie ou vraissemblable, selon l’espece de l’objet dont l’entendement s’occupe.

Il est impossible de découvrir la vérité par l’art syllogistique.

La méthode se réduit à une seule regle que voici ; c’est disposer la vérité ou à trouver ou à démontrer, de maniere à ne se pas tromper, procédant du facile au moins facile, du plus connu au moins connu.

L’art de découvrir des vérités nouvelles exige l’expérience, la définition & de la division.

Les propositions catégoriques ne sont pas inutiles dans l’examen des vérités certaines, ni les hypothetiques, dans l’examen des vraissemblances.

La condition de l’homme est pire que celle de la bête.

Il n’y a point de principes matériels connés.

L’éducation est la source premiere de toutes les erreurs de l’entendement. De-là naissent la précipitation, l’impatience & les préjugés.

Les préjugés naissent principalement de la crédulité qui dure jusqu’à la jeunesse ; telle est la misere de l’homme, & la pauvre condition de son entendement.

Il y a deux grands préjugés. Celui de l’autorité, & celui de la précipitation.

L’ambition est une source des préjugés particuliers. De-là le respect pour l’antiquité.

Celui qui se propose de trouver la vérité, déposera ses préjugés ; c’est-à-dire, qu’il doutera méthodiquement ; qu’il rejettera l’autorité humaine, & qu’il donnera aux choses une attention requise. Il s’attachera préalablement à une science qui le conduise à la sagesse réelle. C’est ce qu’il doit voir en lui-même.

Nous devons aux autres nos instructions & nos lumieres. Pour cet effet, nous examinerons s’ils sont en état d’en profiter.

Les autres nous doivent les leurs. Nous nous rapprocherons donc de celui en qui nous reconnoîtrons de la solidité, de la clarté, de la fidélité, de l’humanité, de la bienveillance, qui n’accablera point notre mémoire, qui dictera peu, qui saura discerner les esprits, qui se proportionnera à la portée de ses auditeurs, qui sera l’auteur de ses leçons, & qui évitera l’emploi de mots superflus & vuides de sens.

Si nous avons à enseigner les autres, nous tâcherons d’acquérir les qualités que nous demanderions de celui qui nous enseigneroit.

S’agit-il d’examiner & d’interpreter les opinions des autres, commençons par nous juger nous-mêmes, & par connoître nos sentimens ; entendons bien l’état de la question ; que la matiere nous soit familiere. Que pourrons-nous dire de sensé, si les lois de l’interprétation nous sont étrangeres, si l’ouvrage nous est inconnu ; si nous sommes ou animés de quelque passion, ou entêtés de quelques préjugés ?

Principes de la pneumatologie de Thomasius. L’essence de l’esprit considéré généralement, ne consiste pas seulement dans la pensée, mais dans l’action ; car la matiere est un être purement passif, & l’esprit est un être entierement opposé à la matiere. Tout corps est composé de l’un & de l’autre, & les opposés ont des prédicats opposés.

Il y a des esprits qui ne pensent point, mais qui agissent ; savoir la lumiere & l’æther.

Toute puissance active est un être subsistant par lui-même, & une subsistance qui perfectionne la puissance passive.

Il n’y a point de puissance passive subsistante par elle-même. Elle a besoin d’une lumiere suffisante pour se faire voir.

Toutes les puissances actives sont invisibles ; & quoique la matiere soit invisible, elle n’en est pas moins l’instrument & le signe de la puissance active.

Sous un certain aspect la lumiere & l’æther sont invisibles.

Tout ce qu’on ne peut concevoir privé d’action est spirituel.

Principes de la morale de Thomasius. Le bien consiste dans l’harmonie des autres choses avec l’homme & avec toutes ses forces, non avec son entendement seulement ; sous ce dernier aspect, le bien est la vérité.

Tout ce qui diminue la durée des forces de l’homme, & qui n’en accroit la quantité que pour un tems, est mal.

Toute commotion des organes, & toute sensation qui lui est conséquente, est un mal, si elle est trop forte.

La liberté & la santé sont les plus grands biens que nous tenions de la fortune ; & non les richesses, les dignités, & les amis.

La félicité de l’homme ne consiste ni dans la sagesse ni dans la vertu. La sagesse n’a du rapport qu’à l’entendement, la vertu, qu’à la volonté.

Il faut chercher la félicité souveraine dans la modération du desir & de la méditation.

Cet état est sans douleur & sans joie, il est tranquille.

C’est la source de l’amour raisonnable.

L’homme est né pour la société paisible & tranquille, ou de ceux à qui ces qualités sont cheres, & qui travaillent à les acquérir.

L’homme raisonnable & prudent, aime plus les autres hommes que lui-même.

Si l’on entend par la félicité souveraine, l’assemblage le plus complet & le plus parfait de tous les biens que l’homme puisse posseder ; elle n’est ni dans la richesse, ni dans les honneurs, ni dans la modération, ni dans la liberté, ni dans l’amitié ; c’est une chimere de la vie.