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Sa propriété de desirer les choses, s’appelle volonté naturelle.

La matiere est hors de l’esprit ; cependant il la pénetre. Il ne l’environne pas seulement. L’esprit qu’elle a & qui l’étend desire un autre esprit, & fait que dans certains corps la matiere s’attache à un second esprit, l’environne & le comprend, s’il est permis de le dire.

Si l’esprit est déterminé par art à s’éprendre de lui-même, il se rapproche & se resserre en lui-même.

Si un corps ne s’unit point à un autre, ne l’environne point, on dit qu’il subsiste par lui-même ; autrement les deux corps ne forment qu’un tout.

L’esprit existe aussi hors des corps, il les environne, & ils se meuvent en lui. Mais ni les corps, ni l’esprit subsistant par lui-même, ne peuvent être hors de Dieu.

On peut concevoir l’extension de l’esprit comme un centre illuminant, rayonant en tout sens, sans matérialité.

L’espace où tous les corps se meuvent est esprit ; & l’espace où tous les esprits se meuvent est Dieu.

La lumiere est un esprit invisible illuminant la matiere.

L’air pur ou l’æther est un esprit qui meut les corps & qui les rend visibles.

La terre est une matiere condensée par l’esprit.

L’eau est une matiere mue & agitée par un esprit interne.

Les corps sont ou terrestres ou spirituels, selon le plus ou le moins de matiere qu’ils ont.

Les corps terrestres ont beaucoup de matiere ; les corps spirituels, tels que le soleil, ont beaucoup de lumiere.

Les corps aqueux abondent en esprit & en matiere. Ils se voyent, les uns parce qu’ils sont transparens, les autres parce qu’ils sont opaques.

Les corps lucides sont les plus nobles de tous ; après ceux-ci ce sont les aériens & les aqueux ; les terrestres sont les derniers.

Il ne faut pas confondre la lumiere avec le feu. La lumiere nourrit tout. Le feu qui est une humeur concentrée détruit tout.

Les hommes ne peuvent s’entretenir de l’essence incompréhensible de Dieu que par des similitudes. Il faut emprunter ces similitudes des corps les plus nobles.

Dieu est un être purement actif, un acte pur, un esprit très-énergique, une vertu très-effrénée, une lumiere, une vapeur très-subtile.

Nous nous mouvons, nous vivons, nous sommes un Dieu.

L’ame humaine est un être distinct de l’esprit corporel.

Le corps du protoplaste fut certainement spirituel, voisin de la nature des corps lucides & transparens ; il avoit son esprit, mais il ne constituoit pas la vie de l’homme.

C’est pourquoi Dieu lui souffla dans les narines l’ame vivifiante.

Cette ame est un rayon de la vertu divine.

Sa destination fut de conduire l’homme & de le diriger vers Dieu.

Et sous cet aspect l’ame de l’homme est un desir perpétuel d’union avec Dieu qu’elle apperçoit de cette maniere. Ce n’est donc autre chose que l’amour de Dieu.

Dieu est amour.

Cet amour illuminoit l’entendement de l’homme, afin qu’il eût la connoissance des créatures. Elle devoit, pour ainsi dire, transformer le corps de l’homme & l’ame de son corps, & les attirer à Dieu.

Mais l’homme ayant écouté l’inclination de son corps, & l’esprit de ce corps, de préférence à son

ame, s’est livré aux créatures, a perdu l’amour de Dieu, & avec cet amour la connoissance parfaite des créatures.

La voie commune d’échapper à cette misere, c’est que l’homme cherche à passer de l’état de bestialité à l’état d’humanité, qu’il commence à se connoître, à plaindre la condition de la vie, & à souhaiter l’amour de Dieu.

L’homme animal ne peut s’exciter ces motions, ni tendre au-delà de ce qu’il est.

Thomasius part de-là pour établir des dogmes tout-à-fait différens de ceux de la religion chrétienne. Mais l’exposition n’en est pas de notre objet. Sa philosophie naturelle où nous allons entrer, présente quelque chose de plus satisfaisant.

Principes de la logique de Thomasius. Il y a deux lumieres qui peuvent dissiper les ténebres de l’entendement. La raison & la révélation.

Il n’est pas nécessaire de recourir à l’étude des langues étrangeres pour faire un bon usage de sa raison. Elles ont cependant leur utilité même relative à cet objet.

La logique & l’histoire sont les deux instrumens de la philosophie.

La fin premiere de la logique ou de l’art de raisonner est la connoissance de la vérité.

La pensée est un discours intérieur sur les images que les corps ont imprimées dans le cerveau, par l’entremise des organes.

Les sensations de l’homme sont ou extérieures ou intérieures, & il ne faut pas les confondre avec les sens. Les animaux ont des sens, mais non des sensations. Il n’est pas possible que tout l’exercice de la pensée se fasse dans la glande pinéale. Il est plus raisonnable que ce soit dans tout le cerveau.

Les brutes ont des actions pareilles aux nôtres, mais elles ne pensent pas ; elles ont en elles un principe interne qui nous est inconnu.

L’homme est une substance corporelle qui peut se mouvoir & penser.

L’homme a entendement & volonté.

L’entendement & la volonté ont action & passion.

La méditation n’appartient pas à la volonté, mais à l’entendement.

Demander combien il y a d’opérations de l’entendement, c’est faire une question obscure & inutile.

J’entends pas abstractions les images des choses, lorsque l’entendement s’en occupe dans l’absence des choses. La faculté qui les arrête & les offre à l’entendement comme présentes, c’est la mémoire.

Lorsque nous les unissons, ou les séparons à notre discrétion, nous usons de l’imagination.

Déduire des abstractions inconnues de celles qu’on connoît, c’est comparer, raisonner, conclure.

La vérité est la convenance des pensées intérieures de l’homme, avec la nature & les qualités des objets extérieurs.

Il y a des vérités indémontrables. Il faut abandonner celui qui les nie, comme un homme qu’on ne peut convaincre, & qui ne veut pas être convaincu.

C’est un fait constant, que l’homme ne pense pas toujours.

Les pensées qui ne conviennent pas avec l’objet extérieur sont fausses ; si l’on s’y attache sérieusement on est dans l’erreur ; si ce ne sont que des suppositions, on feint.

Le vrai considéré relativement à l’entendement est ou certain ou probable.

Une chose peut être d’une vérité certaine, & paroître à l’entendement ou probable ou fausse.

Il y a rapport & proportion entre tout ce qui a convenance ou disconvenance.