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soient ; mais ils ne sont ordinairement d’usage que pour les laines destinées aux tapisseries.

On tire aussi de ce mélange les gris vineux, en donnant à la laine une légere teinture de rouge avec le kermès, la cochenille, ou la garance ; & la passant ensuite sur la bruniture plus ou moins longtems, selon qu’on veut que le vineux domine dans le gris.

Du mélange du jaune & du fauve. On forme de ce mélange les nuances de feuille morte & de poil d’ours, &c. A l’égard du mélange du jaune & du noir, il n’est utile que lorsqu’il est question de faire quelques gris qui doivent tirer sur le jaune.

Du mélange du fauve & du noir. On tire de ce mélange un très-grand nombre de couleurs, comme les caffé, marron, pruneau, musc, épine & autres nuances semblables, dont le nombre est presque infini & d’un très-grand usage.

On vient de montrer autant qu’il a été possible, toutes les couleurs ou nuances qui peuvent être produites par le mélange des deux couleurs primitives, prises deux à deux. On va présenter maintenant l’examen qu’on a fait des combinaisons de ces mêmes couleurs primitives prises trois à trois ; ce mélange en fournit un très-grand nombre. Il est vrai qu’il s’en trouvera de semblables à celles qui résultent du mélange de deux seulement ; car il y a peu de couleurs qui ne puissent être faites de diverses façons : alors c’est au teinturier à choisir celle qui lui paroît la plus facile, lorsque la couleur en est également belle.

Des principaux mélanges des couleurs primitives prises trois à trois. Du bleu, du rouge & du jaune se font les olives roux, les gris verdâtres, & quelques autres nuances semblables de peu d’usage, si ce n’est pour les laines destinées aux tapisseries.

Du bleu, du rouge & du fauve se tirent les olives, depuis les plus bruns jusqu’aux plus clairs ; & en ne donnant qu’une très-petite nuance de rouge, les gris ardoisés, les gris lavandés & autres semblables.

Du bleu, du rouge & du noir se tirent une infinité de gris de toutes nuances, comme gris de sauge, gris de ramier, gris d’ardoise, gris plombé, les couleurs de roi & de prince plus brunes qu’à l’ordinaire, & une infinité d’autres couleurs dont on ne peut faire l’énumération, & dont plusieurs nuances retombent dans celles qui se font par d’autres combinaisons.

Du bleu, du jaune & du fauve se tirent les verds, merde d’oie, & olive de toute espece.

Du bleu, du jaune & du noir, on fait tous les verds bruns, jusqu’au noir.

Du bleu, du fauve & du noir les olives bruns & les gris verdâtres.

Du rouge, du jaune & du fauve se tirent les orangers, couleur d’or, souci, feuille morte, carnations de vieillard, canelles brûlées, & tabacs de toutes especes.

Du rouge, du jaune & du noir, à-peu-près les mêmes nuances, & le feuille morte foncé.

Et enfin, du jaune, du fauve & du noir les couleurs de poil de bœuf, de noisette brune, & quelques autres semblables.

On n’a donné cette énumération que comme une table qui peut faire voir, en gros seulement, de quels ingrédiens on doit se servir pour faire ces sortes de couleurs qui participent de plusieurs autres.

On pourroit aussi mêler quatre de ces couleurs ensemble, & quelquefois cinq ; ce qui est cependant très-rare. Mais tout détail à ce sujet paroîtroit inutile, parce que tout le possible est souvent superflu.

On ne sauroit trop recommander dans cette espece de travail, de commencer toujours par les nuances les plus claires, les laines destinées aux tapisseries, parce qu’il arrive souvent qu’on les laisse plus longrems qu’il ne faut dans quelqu’un de ces bains, &

alors on est obligé de destiner cet écheveau à une nuance plus brune. Mais lorsque les nuances claires sont une fois assorties & bien dégradées, il n’y a plus de difficulté à faire les autres. A l’égard des étoffes, il n’arrive presque jamais qu’on en fasse de cette suite de nuances, ni qu’on mêle tant de couleurs ensemble ; presque toujours deux ou trois suffisent, puisqu’on a vu qu’il naissoit tant de couleurs de leur combinaison, qu’on ne peut pas trouver assez de différens noms pour les désigner.

On ne croit pas avoir rien obmis de tout ce qui regarde la teinture des laines ou étoffes de laines, en grand & bon teint ; & on ne doute pas, qu’en suivant exactement tout ce qui est prescrit sur chaque couleur, on ne parvienne facilement à exécuter dans la derniere perfection, toutes les couleurs & toutes les nuances imaginables, tant sur les laines en toison, les laines filées, que sur les étoffes fabriquées en blanc.

De la teinture des laines en petit teint. On a dit au commencement de l’article de la teinture des laines ou des étoffes, qu’elle étoit distinguée en grand & petit teint. Les reglemens ont fixé la qualité des laines & des étoffes qui doivent être teintes en bon teint, & quelles sont celles qui doivent, ou peuvent être en petit teint. Cette distinction a été faite sur ce principe, que les étoffes d’une certaine valeur, & qui font ordinairement le dessus des habillemens, doivent recevoir une couleur plus solide & plus durable, que des étoffes de bas prix, qui deviendroient nécessairement plus cheres, & d’un débit plus difficile, si on obligeoit de les teindre en bon teint, parce que le bon teint coûte réellement beaucoup plus que le petit teint. D’ailleurs les étoffes de bas prix, qu’il est permis de teindre au petit teint, ne sont pour l’ordinaire employées qu’à faire des doublures, en sorte qu’elles ne sont presque point exposées à l’action de l’air ; & si on s’en sert à d’autres usages, elles s’usent trop promptement à cause de la foiblesse de leur tissure, & par conséquent il n’est pas nécessaire que la couleur en soit aussi solide que celle d’une étoffe de plus longue durée.

On enseignera bien-tôt les moyens de faire les mêmes couleurs que celles du bon teint, avec d’autres ingrédiens que ceux dont on a parlé jusqu’ici, & qui, s’ils n’ont pas la solidité des premiers, ont souvent l’avantage de donner des couleurs plus vives & plus brillantes ; outre que la plupart rendent la couleur plus unie, & s’emploient avec beaucoup plus de facilité que les ingrédiens du bon teint. Ce sont là les avantages de ces matieres qu’on nomme faux ingrédiens ; & quoiqu’il fût à desirer que l’usage en fût beaucoup moins répandu qu’il ne l’est, on ne peut pas dire qu’ils n’aient aussi leur utilité pour des étoffes moins exposées à l’air, ou dont la couleur n’a pas besoin d’être fort durable. On peut encore ajouter que les couleurs s’assortissent presque toujours avec beaucoup plus de facilité & plus vîte, en petit teint, qu’on ne pourroit le faire en bon teint.

On ne suivra point pour ce genre de teinture, le même ordre qui a été suivi dans le bon teint, parce qu’ici on ne reconnoît point de couleurs primitives. Il y en a peu qui servent de pié à d’autres : la plupart ne naissent pas de la combinaison de deux, ou de plusieurs couleurs simples. Enfin il y a des couleurs, comme le bleu, qui ne se font presque jamais en petit teint.

On ne répétera point ici les noms de tous les ingrédiens qui doivent particulierement être affectés au petit teint, ni leur description ; on donnera seulement la maniere d’employer chacun de ces ingrédiens, & d’en tirer toutes les couleurs qu’ils peuvent fournir. On verra qu’il y a plusieurs de ces ingré-