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montrer l’origine & le sens du mot. Les Hébraïsans entendent par lettres radicales, celles qui, dans toutes les métamorphoses du mot primitif, subsistent toujours pour être le signe de la signification objective ; & par lettres serviles, celles qui sont ajoutées en diverses manieres aux radicales, relativement à la signification formelle, & aux accidens grammaticaux dont elle est susceptible. On peut approfondir dans les grammaires hébraïques ce méchanisme, qui ne peut appartenir à l’Encyclopédie, non plus que celui de l’investigation du thême grec.

2°. Le second usage que l’on fait en grammaire, du mot thême, est pour exprimer la position de quelque discours dans la langue naturelle, qui doit être traduit en latin, en grec, ou en telle autre langue que l’on étudie. Commencer l’étude du latin ou du grec par un exercice si pénible, si peu utile, si nuisible même, est un reste de preuve de la barbarie où avoient vêcu nos ayeux, jusqu’au renouvellement des lettres en France, sous le regne de François I. le pere des lettres : car c’est à-peu-près vers ce tems que la méthode des thêmes s’introduisit presque partout ; aujourd’hui justement décriée par les meilleures têtes de la littérature, personne ne peut plus ignorer les raisons qui doivent la faire proscrire, & qui n’ont plus contre elle que l’inflexibibté de l’habitude établie par un usage déja ancien. Voyez Etudes, Littérature, & Méthode.

« Au reste, dit M. du Marsais, (Préf. d’une gram. lat. §. vj.) je suis bien éloigné de desapprouver, qu’après avoir fait expliquer du latin pendant un certain tems, & après avoir fait observer sur ce latin les regles de la syntaxe, on fasse rendre du françois en latin, soit de vive voix, soit par écrit. Je suis au-contraire persuadé que cette pratique met de la varieté dans les études, qu’elle fait voir de nouveau (& sous un autre aspect) la réciprocation des deux langues, & qu’elle exerce les jeunes gens à faire l’application des regles qu’ils ont apprises dans l’explication, & des exemples qu’ils y ont remarqués ; mais le latin que le disciple compose, ne doit être qu’une imitation de celui qu’il a vu auparavant.

» Quand votre disciple sait bien décliner & bien conjuguer, & qu’il a appris la raison des cas dont il a remarqué l’usage dans les auteurs qu’il a expliqués, vous ferez bien de lui donner à mettre en latin, un françois composé sur l’auteur qu’il aura expliqué, en ne changeant guere que les tems, & quelques légeres circonstances : mais il faut lui permettre d’avoir l’original devant les yeux, afin qu’il le puisse imiter plus aisément : pourquoi l’empêcher d’avoir recours à son modele ? plus il le lira, plus il deviendra habile ; c’est à vous à disposer le françois de façon qu’il ne trouve ni l’ouvrage tout fait, ni trop éloigné de l’original ».

On peut encore, quand le disciple a acquis une certaine force, lui donner le françois de quelque chose qu’il a déja expliqué, & lui en faire retrouver le latin : vous ferez cela sur une explication du jour ; peu après vous le ferez sur celle de la veille, ensuite sur une plus ancienne. Insensiblement vous pourrez lui proposer le françois de quelque trait qu’il n’aura pas encore vu, & lui en demander le latin ; vous serez sûr de le bien corriger, & de lui donner un bon modele, si vous avez pris votre matiere dans un bon auteur. Un maître intelligent trouvera aisément mille ressources pour être utile ; le véritable zele est un feu qui éclaire en échauffant.

« Je ne condamne donc pas, continue M. du Marsais (ibid.), la pratique de mettre du françois en latin ; j’en blâme seulement l’abus & l’usage déplacé ». Ainsi pense le rédacteur des instructions pour les professeurs de la grammaire latine, faites & publiées

par ordre du roi de Portugal, à la suite de son édit sur le nouveau plan des études d’humanités, du 28 Juin 1759. « Comme pour composer en latin il faut auparavant savoir les mots, les phrases, & les propriétés de cette langue, & que les écoliers ne peuvent les savoir qu’après avoir fait quelque lecture des livres où cette langue a été déposée, pour être comme un dictionnaire vivant, & une grammaire parlante. Les hommes les plus habiles soutiennent en conséquence que dans les commencemens on doit absolument éviter de faire faire des thêmes... ils ne servent qu’à molester les commençans, & à leur inspirer une grande horreur pour l’étude ; ce qu’il faut éviter sur toutes choses, selon cet avis de Quintilien, dans ses institutions : (lib. I. cap. j. §. 4.) Nam id in primis cavere oportet, ne studia, qui amare nondùm potest, oderit ; & amaritudinem semel præceptam, etiam ultrà rudes annos, reformidet ». Instruct. pour les professeurs de la gramm lat. §. xiv. (B. E. R. M.)

Thême, en terme d’astrologie, est la figure que tracent les astrologues, lorsqu’ils veulent tirer l’horoscope de quelqu’un, en représentant l’état du ciel par rapport à un certain point, ou par rapport au moment dont il est question, en marquant le lieu où en sont à ce moment-là les astres & les planetes. Voyez Horoscope.

Le thême céleste consiste en douze triangles que l’on enferme dans deux quarrés, & qu’on appelle les douze maisons. Voyez Maison.

THÉMIS, (Mythol.) fille du Ciel & de la Terre, ou d’Uranus & de Titaïa, étoit sœur ainée de Saturne, & tante de Jupiter. Elle se distingua par sa prudence & par son amour pour la justice : c’est elle, dit Diodore, qui a établi la divination, les sacrifices, les lois de la religion, & tout ce qui sert à maintenir l’ordre & la paix parmi les hommes. Elle régna dans la Thessalie, & s’appliqua avec tant de sagesse à rendre la justice à ses peuples, qu’on la regarda toujours depuis, comme la déesse de la justice, dont on lui fit porter le nom : elle s’appliqua aussi à l’astrologie, & devint très-habile dans l’art de prédire l’avenir ; & après sa mort elle eut des temples où se rendoient des oracles. Pausanias parle d’un temple & d’un oracle qu’elle avoit sur le mont Parnasse, de moitié avec la déesse Tellus, & qu’elle céda ensuite à Apollon. Thémis avoit encore un autre temple dans la citadelle d’Athènes, à l’entrée duquel étoit le tombeau d’Hyppolite.

La fable dit que Thémis vouloit garder sa virginité, mais que Jupiter la força de l’épouser, & lui donna trois filles, l’équité, la loi, & la paix. C’est un emblême de la justice qui produit les lois & la paix, en rendant à chacun ce qui lui est dû. Hésiode fait encore Thémis mere des Heures & des Parques. Thémis, dit Festus, étoit celle qui commandoit aux hommes de demander aux dieux ce qui étoit juste & raisonnable : elle préside aux conventions qui se font entre les hommes, & tient la main à ce qu’elles soient observées. (D. J.)

THEMISCYRE, (Géog. anc.) Themiscyra, ville de l’Asie mineure dans le Pont. Arrien dans son périple du Pont-Euxin, ne marque entre les fleuves Iris & Thermodonte, aucune place qu’Héracleum, dont il dit que le port est à trois cens quarante stades de l’embouchure de l’Iris, & à quarante stades de celle du Thermodonte ; mais Ptolomée, l. V. c. vj. avant que d’arriver à Herculeum, nomme la campagne Phanaroca ; car c’est ainsi qu’il faut écrire avec Strabon, & non, comme portent les exemplaires de Ptolomée, Phanagoria, qui est le nom d’une ville sur le Bosphore cimmérien. Ptolomée nomme encore Themiscyra, dont il fait une ville. Le périple de Scylax en fait autant, & il dit que c’étoit une ville grecque.