Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que toujours eu les armes à la main depuis la guerre du Péloponnèse, & pleins d’un desir ambitieux, qui croissoit à proportion de leur force & de leur courage, se crurent trop serrés dans leurs anciennes limites. Ils refuserent de signer la paix ménagée par Athènes pour faire rentrer les villes greques dans leur pleine indépendance.

Les Thébains vouloient qu’on les reconnût pour les chefs de la Béotie. Ce refus non-seulement les exposoit à l’indignation du roi de Perse, qui pour agir plus librement contre l’Egypte révoltée, avoit ordonné à tous les Grecs de poser les armes, mais encore soulevoit contre eux Athènes, Sparte & la Grece entiere qui ne soupiroit qu’après le repos. Toutes ces considérations ne les arrêterent pas. Ils rompirent avec Athènes, attaquerent Platée & la raserent. Depuis la bataille de Marathon, où les Platéens postés à l’aîle gauche par Miltiade, avoient signalé leur zele & leur courage, les Athéniens ne célébroient point de fête, où le héraut ne formât des vœux communs pour la prospérité d’Athènes & de Platée.

Les Lacédémoniens crurent alors que Thèbes délaissée de ses alliés, étoit hors d’état de leur faire tête. Ils marcherent donc comme à une victoire certaine, entrerent avec une puissante armée dans le pays ennemi, & y pénetrerent bien avant. Tous les Grecs regarderent Thèbes comme perdue. On ne savoit pas qu’en un seul homme elle avoit plus d’une armée. Cet homme étoit Epaminondas. Il n’y avoit pas de meilleure école que la maison de Polyme son pere, ouverte à tous les savans, & le rendez-vous des plus excellens maîtres. De cette école sortit Philippe de Macédoine. C’est-là qu’en ôtage pendant neuf années, il fut assez heureux pour devenir l’éleve du maître d’Epaminondas, ou plutôt pour étudier Epaminondas lui-même.

Les talens de ce dernier, soit pour la politique, soit pour la guerre, joints à beaucoup d’autres qu’il possédoit dans le degré le plus éminent, se trouvoient encore tous inférieurs à ses vertus. Philosophe de bonne foi, & pauvre par goût, il méprisa les richesses, sans vouloir qu’on lui tînt compte de ce mépris ; & cultiva la vertu, indépendamment du plus doux fruit qu’elle donne, j’entends la réputation. Avare de son loisir qu’il consacroit à la recherche de la vérité, il fuyoit les emplois publics, & ne briguoit que pour s’en exclure. Sa modération le cachoit si bien qu’il vivoit obscur & presqu’inconnu. Son mérite le décéla pourtant ; on l’arracha de la solitude pour le mettre à la tête des armées.

Dès que ce sage parut, il fit bien voir que la philosophie suffit à former des héros, & que la plus grande avance pour vaincre ses ennemis, c’est d’avoir appris à se vaincre soi-même. Epaminondas au sortir de sa vie privée & solitaire, battit les Lacédémoniens à Leuctres, & leur porta le coup mortel dont ils ne se releverent jamais. Ils perdirent quatre mille hommes, avec le roi Cléombrote, sans compter les blessés & les prisonniers. Cette journée fut la premiere où les forces de la nation greque commencerent à se déployer.

Les plus sanglantes défaites jusqu’alors ne coûtoient guere plus de quatre ou cinq cens hommes. On avoit vu Sparte d’ailleurs si animée contre Athènes, racheter d’une trève de trente années huit cens de ses citoyens qui s’étoient laissé envelopper. On peut juger de la consternation, ou plutôt du désespoir des Lacédémoniens, lorsqu’ils se trouverent tout-d’un-coup sans troupes, sans alliés, & presqu’à la merci du vainqueur. Les Thébains se croyant invincibles sous leur nouveau général, traverserent l’Attique, entrerent dans le Péloponnèse, passerent le fleuve Eurotas, & allerent assiéger Sparte. Toute la pru-

dence & tout le courage d’Agésilas ne la sauverent

que difficilement, du propre aveu de Xénophon.

D’ailleurs Epaminondas appréhendoit de s’attirer sur les bras toutes les forces du Péloponnèse, & plus encore d’exciter la jalousie des Grecs, qui n’auroient pû lui pardonner d’avoir pour son coup d’essai, détruit une si puissante république, & arraché, comme le disoit Leptines, un œil à la Grece. Il se borna donc à la gloire d’avoir humilié les Spartiates, & en même tems il perpétua le souvenir de sa victoire par un monument de justice & d’humanité. Ce fut le rétablissement de Messène, dont il y avoit trois cens ans que les Lacédémoniens avoient chassé ou mis au fers les habitans. Il rappelle de tous côtés les Messéniens épars, les remet en possession de leurs terres qu’un long exil leur faisoit regarder comme étrangeres, & forme de ces gens rassemblés une république, qui depuis l’honora toujours comme son second fondateur.

Il n’en demeura pas là : ce grand homme si retenu, si modéré pour lui-même, avoit une ambition sans bornes pour sa patrie : non-content de l’avoir rendue supérieure par terre, il vouloit lui donner sur mer une même supériorité ; sa mort renversa ce beau projet que lui seul pouvoit soutenir. Il mourut entre les bras de la victoire à la bataille de Mantinée, &, selon quelques-uns, de la main de Gryllus fils de Xénophon. Les Thébains, malgré la perte de leur héros, ne laisserent pas de vouloir se maintenir où il les avoit placés ; mais leur gloire naquit & mourut avec Epaminondas. Toureil. (Le chevalier de Jaucourt.)

THÉBAIS, (Géog. anc.) fleuve de la Carie. Pline liv. V. c. xxjx. dit qu’il passoit au milieu de la ville de Tralles. (D. J.)

THÉBARMA, (Géog. anc.) ville de la Perside, dans la partie orientale. L’histoire miscellanée nous apprend qu’il y avoit dans cette ville un temple consacré au feu, & que c’étoit-là où l’on gardoit le trésor du roi Crésus. (D. J.)

THEBES, Géog. anc.) nom commun à plusieurs villes, & entr’autres 1°. à celle de la haute Egypte, qui donna son nom à la Thébaïde. 2°. A la capitale de la Béotie, détruite par Alexandre le grand. Voyez en les articles, ainsi que des autres villes de même nom, au mot latin Thebæ. (D. J.)

Thèbes, le lac de, (Géogr. mod.) le lac de Thebes moderne, ou pour mieux dire de Thiva, se nomme en latin Thebanus lacus, Hylica palus, & Aliartus lacus ; il est en Grece dans la Livadie, à une lieue de Thiva vers le nord, & à pareille distance du lac de Copaïs, dont il est séparé par le mont Cocino au nord, & à l’ouest par le mont Phœnicius ou Sphuigis. Ces deux lacs avoient autrefois communication ensemble par un aqueduc qui traverse la montagne ; mais présentement leurs eaux sont trop basses pour monter jusqu’à ce conduit. Ce lac a le mont Ptoos au nord est, le mont Hyppatus au sud-sud-est du côté de Thèbes. Wheler croit que c’est au-travers de cette montagne qu’il se décharge au nord de l’Euripe ; ce lac ne paroît pas plus long que large, il a deux lieues de traverse, & est plus petit que celui de Livadie ; il s’y jette deux ruisseaux qui sont peut-être le Piroé & le Dircé des anciens ; on lui donne le nom de marais Hylica, parce qu’il a peu de profondeur ; mais il est fort poissonneux. (D. J.)

Thebes, (Littérat.) ses murailles, selon la fable, s’éleverent au son de la lyre d’Amphyon, & ses deux guerres célebres ont fourni de grands sujets aux poëtes tragiques anciens & modernes. (D. J.)

Thèbes, marbre de, (Hist. nat. Litholog.) thebaïcum marmor ; nom d’un marbre noir fort estimé des anciens, & qu’ils tiroient de la haute Egypte. Suivant Pline il étoit noir avec des veines de couleur d’or ; d’où l’on voit que ce marbre étoit semblable à