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mens ! Ajoutez que les Arabes sont maîtres de la plûpart des deserts, & qu’il se fait souvent une cruelle guerre entre eux & les Turcs. (D. J.)

Thébaïde basse, Grottes de la, (Géogr. mod.) les grottes de la basse Thébaïde, ne sont autre chose que des concavités formées par art dans les carrieres de ce pays, d’espace en espace, & dans un terrein de quinze à vingt lieues d’étendue.

Elles sont creusées dans la montagne du levant du Nil, faisant face à la riviere qui baigne le pié de cette montagne : à la seule vue de ces grottes, on juge aisément, qu’elles ont été d’abord un terrein pierreux de la montagne qui cotoye le Nil ; qu’on a ensuite fouillé ce terrein pour en tirer des pierres, qui devoient servir à la construction des villes voisines, des pyarmides, & des autres grands édifices. Les pierres qu’on a tirées de ces carrieres, ont laissé, pour ainsi parler, des appartement vastes, obscurs, bas, & qui forment une espece d’enfilade sans ordre, & sans symmétrie. Les voutes de ces concavités basses & inégales, sont soutenues de distance en distance, par des piliers, que les ouvriers ont laissés exprès pour les appuyer.

Rien ne ressemble donc plus à des carrieres, que ce qu’on appelle aujourd’hui grottes de la Thébaïde ; & il est hors de doute qu’elles ont été carrieres dans leur origine. En effet, Hérodote nous apprend, que le roi Cléopas employa cent mille hommes l’espace de dix ans à ouvrir des carrieres dans la montagne du levant du Nil, & à en transporter les pierres au-delà du fleuve ; que pendant dix autres années, les mêmes cent mille hommes furent occupés à élever une pyramide construite de ces pierres tendres & blanches en sortant de la carriere ; mais qui peu-à-peu se durcissent à l’air & brunissent. C’est encore de ces mêmes carrieres, que les successeurs d’Alexandre, & les Romains après eux, ont tiré une quantité prodigieuse de pierres pour l’établissement de leurs colonies.

On trouve dans ces carrieres des trous de six piés de long, & de deux de large, taillés dans l’épaisseur du roc ; ces trous étoient peut-être destinés à servir de sépulchres aux morts. Enfin, c’est dans ces carrieres que se sont retirés plusieurs solitaires, comme il paroît par différentes cellules très-petites, pratiquées dans les voûtes de ces ténébreuses cavernes, dont les portes & les fenêtres n’ont pas plus d’un pié en quarré. (D. J.)

Thébaïde, (Littérat.) fameux poëme héroïque de Stace, dont le sujet est la guerre civile de Thebes entre les deux freres Etéocle & Polynice, ou la prise de Thèbes par Thésée. Voyez Epique, Héroïque, &c.

Stace employa 12 ans à composer sa Thébaïde, qui consiste en douze livres ; il écrivit sous l’empire de Domitien. Les meilleurs critiques, comme le pere Bossu, & autres, lui reprochent une multiplicité vicieuse de fables & d’actions, un trop grand feu, qui tient de l’extravagance, & des faits qui passent les bornes de la probabilité. Voyez Fables & Probabilité.

Divers poëtes grecs avoient composé des Thébaïdes avant Stace, savoir Antagoras, Antiphanes de Colophon, Ménélaüs d’Egée, & un anonyme dont Pausanias fait mention dans son neuvieme livre.

Aristote en faisant l’éloge d’Homere par rapport à la simplicité de sa fable, le releve encore davantage en peignant l’ignorance de certains poëtes qui s’imaginoient avoir satisfait abondamment à la regle de l’unité d’action, en n’introduisant dans leur piece qu’un seul héros, & qui composoient des Théséides, Hérculéïdes, &c. des poëmes où ils ramassoient, & racontoient toutes les actions & avantures de leur personnage principal. Voyez Héros, Action, &c

THÉBAINS, les, (Hist. des Grecs.) les Thébains étoient les principaux peuples de la Béotie, province de la Grece, entre l’Attique, la Locride & la Phocide. Cette province touchoit à trois mers, c’est-à-dire à la mer supérieure, qui est entre la Macédoine & l’Ionie, à la Propontide & à la Méditerranée, par où les Béotiens pouvoient naviger jusqu’en Egypte ; & par le golfe de Corinthe il leur étoit aisé de faire voile en Italie. Ainsi ces peuples étoient en état de se former un vaste empire, mais leur grossiereté ou leur modération s’opposerent à leur aggrandissement.

Je ne décide point si c’est par stupidité ou par modération que les Thébains furent long-tems sans se faire valoir ; ce qu’il y a de sûr, c’est qu’on disoit d’étranges choses de leur intelligence épaisse, ainsi que de celle des Béotiens en général Horace, dans le précepte qu’il donne de garder le caractere des personnages, recommande en particulier de ne pas faire parler un thébain comme un argien, thebis nutritus an argis ; mais ce qui est plus décisif, c’est que Pindare & Plutarque, qui sont bien éloignés de sentir le terroir de la Béotie, passent eux mêmes condamnation sur la bêtise de leurs compatriotes en général.

La Béotie fut d’abord occupée par les Aones & les Temnices, nations barbares. Elle fut ensuite peuplée de Phéniciens que Cadmus avoit amenés de Phénicie, & ce chef ayant entouré de murailles la ville Cadmeïa, qui porta son nom, en laissa le gouvernement à ses descendans. Ceux-ci ajouterent à la ville de Cadmus celle de Thebes, qui s’aggrandit avec le tems, au point que Cadmeïa située au-dessus, n’en devint que la citadelle, & les événemens qui suivirent, mirent Thebes au nombre des plus renommées. Voyez Thebes.

Les Thébains, après la fin tragique de Cadmus & d’Œdipe, se formerent en république, s’attacherent à l’art militaire, & eurent beaucoup de part aux grands événemens de la Grece. Ils en trahirent d’abord indignement les intérêts sous le regne de Xerxès roi de Perse, action qui les décria d’autant plus que le succès ne la justifia point, & que contre leur attente fondée sur toutes les regles de la vraissemblance, l’armée barbare fut défaite. Cet événement les jetta dans un étrange embarras. Ils eurent peur que, sous prétexte de venger une si noire perfidie, les Athéniens leurs voisins, dont la puissance augmentoit de jour en jour, n’entreprissent de les assujettir ; resolus de parer le coup, ils chercherent l’alliance de Lacédémone qu’ils devoient moins redouter quand il n’y auroit eu que la raison de l’éloignement. Sparte dans cette occasion se relâcha de sa vertu sévere. Elle aima mieux pardonner aux partisans des barbares, que de laisser périr les ennemis d’Athènes.

Les Thébains, par reconnoissance, s’attacherent aux intérêts de leur protectrice ; & durant la guerre du Péloponnèse, elle n’eut point de meilleurs ni de plus fideles alliés. Ils ne tarderent pas toutefois à changer de vues & d’intérêts. Sparte, toujours ennemie de la faction populaire, entreprit de changer la forme de leur gouvernement ; & après avoir surpris la citadelle de Thèbes dans la troisieme année de la 99e. olympiade ; après avoir détruit ou dissipé tout ce qui résistoit, elle déposa l’autorité entre les mains des principaux citoyens, qui la plûpart agirent de concert avec elle. Pélopidas, à la tête des bannis, & avec le secours d’Athènes, rentre sécrettement dans Thèbes au bout de quarante ans, extermine les tyrans, chasse la garnison lacédémonienne, & remet sa patrie en liberté.

Jusque-là Thèbes unie tantôt à Sparte, tantôt avec Athènes, n’avoit tenu que le second rang, sans que l’on soupçonnât qu’un jour elle occuperoit le premier. Enfin les Thébains naturellement forts & robustes, de plus extrèmement aguerris, pour avoir pres-