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peut aussi se dispenser de le laver avant de le mettre, soit en jaune, soit en verd.

Ayant préparé un fort bain de gaude (de cinq quarterons pour livre), on y plonge le coton ou fil aluné ; on jette dans ledit bain un peu d’eau fraîche, pour faire cesser le bouillon ; on laisse ladite matiere jusqu’à ce qu’elle ait la nuance que l’on desire.

Quand le tout est teint, on le plonge dans un bain chaud, sans être bouillant, fait avec le vitriol bleu, qui doit être aussi composé d’un quarteron par livre de matiere. On laissera macérer dans ledit bain pendant une heure & demie ; ensuite de quoi on jettera le tout sans le laver dans un autre bain de savon blanc bouillant, composé d’un quarteron par livre pesant de son poids. Après qu’on y aura bien manié & vagué ledit coton ou fil, on le fera bouillir l’espace de quarante minutes, ou tant qu’on voudra, dans ledit bain de savon. On peut même diminuer la dose de savon jusqu’au demi-quart de son poids qui pourroit suffire, mais plus grande quantité ne peut que bien faire. L’opération du savon finie, il faut bien laver le tout, le sécher & le mettre en usage.

« Nous soussignés inspecteurs, pour le roi, des manufactures des toiles & toileries en la généralité de Rouen, certifions & approuvons le présent conforme à l’original resté en nos mains. A Rouen, le 24 de Juin 1750. Signé, Clément & Morel».

Pour une livre de fil de coton ou de lin,

d’alun,
de vitriol,
de savon,
de gaude,


une bonne lessive de cendres de bois-neuf, bien coulée à fin.

L’opération du bouillon ou la maniere de bouillir est semblable aux précédentes. Pour le gaudage, c’est-à-dire pour jaunir le sujet, après que la laine ou l’étoffe est bouillie, on met dans un bain frais cinq à six livres de gaude pour chaque livre d’étoffe : on enferme cette gaude dans un sac de toile claire, afin qu’elle ne se mêle point dans l’etoffe ; & pour que le sac ne s’éleve point au haut de la chaudiere, on le charge d’une croix de bois pesant. D’autres font cuire leur gaude, c’est-à-dire qu’ils la font bouillir jusqu’à ce qu’elle ait communiqué tout son teint à l’eau du bain, & qu’elle se soit précipitée au fond de la chaudiere, après quoi ils abattent dessus une champagne ou cercle de fer garni d’un réseau de cordes ; d’autres enfin la retirent avec un rateau lorsqu’elle est cuite & la jettent. On mêle aussi quelquefois avec la gaude du bois jaune, & quelques-uns des autres ingrédiens dont on vient de parler, suivant la nuance du jaune qu’ils veulent faire. Mais en variant les doses & les proportions des sels du bouillon, la quantité de l’ingrédient colorant & le tems de l’ébullition, on est certain d’avoir toutes ces nuances à l’infini.

Pour la suite, ou les nuances claires du jaune, on s’y prend comme pour toutes les autres suites, si ce n’est qu’il est mieux de faire pour les jaunes clairs un bouillon moins fort. On ne mettra, par exemple, que douze livres & demie d’alun pour cent livres de laine, on retranchera le tartre, parce que le bouillon dégrade un peu les laines ; & que quand on n’a de besoin que de nuances claires, on peut les tirer tout de même avec un bouillon moins fort, & que par-là on épargne aussi la dépense des sels du bouillon. Mais aussi ces nuances claires ne résistent pas aux épreuves, comme les nuances plus foncées qui ont été faites sans supprimer la petite portion du tartre.

Pour employer le bois jaune, on le fend ordinairement en éclats, & on le divise autant qu’il est pos-

sible. De cette façon il donne mieux sa teinture, &

par conséquent on en emploie une moindre quantité. De quelque façon que ce soit, on l’enferme toujours dans un sac, afin qu’il ne se mêle point dans la laine, ni dans l’étoffe, que ces éclats pourroient déchirer. On enferme aussi dans un sac la sarrete & la génestrole, lorsqu’on s’en sert au-lieu de gaude, ou qu’on en mêle avec elle pour changer sa nuance.

Du fauve. Le fauve, ou couleur de racine, ou couleur de noisette, est la quatrieme des couleurs primitives des Teinturiers. Elle est mise dans le rang, parce qu’elle entre dans la composition d’un très grand nombre de couleurs. Son travail est tout différent des autres ; car on ne fait ordinairement aucune préparation à la laine ou étoffe pour la teindre en fauve ; & de même que pour le bleu, on ne fait que la mouiller dans l’eau chaude.

On se sert pour teindre en fauve du brou de noix, de la racine de noyer, de l’écorce d’aulne, du santal, du sumach, du rodoul ou fovie, de la suie, &c.

De tous les ingrédiens qui servent à teindre en fauve, le brou de noix est le meilleur ; ses nuances sont belles, sa couleur est solide, il adoucit les laines, & les rend d’une meilleure qualité à travailler. Pour employer le brou de noix, on charge une chaudiere à moitié, & lorsqu’elle commence à tiédir, on y met du brou à proportion de la quantité d’étoffes que l’on veut teindre, & de la couleur plus ou moins foncée qu’on veut lui donner. On fait ensuite bouillir la chaudiere, & lorsqu’elle a bouilli un bon quart-d’heure, on y plonge les étoffes qu’on a le soin de mouiller auparavant dans de l’eau tiede, on les tourne, & on les remue bien, jusqu’à ce qu’elles aient acquis la couleur que l’on desire. Si ce sont des laines filées dont il faille assortir les nuances dans la derniere exactitude ; on met d’abord peu de brou, & on commence par les plus claires : on remet ensuite du brou à proportion que la couleur du bain se tire, & on passe les brunes. A l’égard des étoffes, on commence ordinairement par les plus foncées ; & lorsque la couleur du bain diminue, on passe les plus claires ; on les évente à l’ordinaire pour les refroidir, & on les fait sécher & apprêter.

La racine de noyer est, après le brou, ce qui fait le mieux pour la couleur fauve : elle donne aussi un très-grand nombre de nuances, & à-peu-près les mêmes que le brou ; ainsi on peut les substituer l’un à l’autre, suivant qu’il y a plus de facilité à avoir l’un que l’autre : mais il y a de la différence dans la maniere de l’employer. On remplit aux trois quarts une chaudiere d’eau de riviere, & on y met de la racine hachée en copeaux la quantité que l’on juge convenir, proportionnellement à la quantité d’étoffes que l’on a à teindre, & à la nuance à laquelle on la veut porter. Lorsque le bain est assez chaud pour ne pouvoir plus y tenir la main, on y plonge la laine ou étoffe, & on l’y retourne jusqu’à ce qu’elle ait acquis la nuance que l’on desire ; ayant soin de l’éventer de tems en tems, & de la passer entre les mains dans les lisieres pour faire tomber les petits copeaux de racine qui s’y attachent & qui pourroient tacher l’étoffe. Pour éviter ces taches, on peut enfermer la racine de noyer hachée dans un sac, comme il a été dit à l’égard du bois jaune. On passe ensuite les étoffes qui doivent être de nuances plus claires, & l’on continue de la sorte, jusqu’à ce que la racine ne donne plus de teinture.

Le racinage, c’est-à-dire, la maniere de teindre les laines avec la racine, n’est pas trop facile ; car si l’on n’a pas une grande attention au degré de chaleur, & à remuer les laines & étoffes, ensorte qu’elles trempent bien également dans la chaudiere, on court risque de les rendre trop foncées, ou d’y faire des taches, ce qui est sans remede. Lorsque cela ar-