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manque que d’être chaude. On reconnoît qu’elle a trop de chaux à l’odorat, c’est-à-dire par l’odeur piquante que l’on sent. On juge, au contraire, qu’il n’y en a pas assez, lorsqu’elle a une odeur douçâtre, & que l’écume ou le rabat qui s’éleve à la surface en la heurtant avec le rable, est d’un bleu pâle.

On doit avoir attention, lorsqu’on veut réchauffer la cuve, de ne la point garnir de chaux la veille, bien entendu qu’elle n’en auroit pas trop besoin ; car si elle étoit garnie, elle courroit risque d’avoir un coup de pié ; parce qu’en la réchauffant, on donne plus d’action à la chaux qui y est, & qu’elle s’use plus promptement.

On remet ordinairement de nouvel indigo dans la cuve chaque fois qu’on la réchauffe, & cela à proportion de ce qu’on a à teindre ; mais il ne seroit pas nécessaire d’y en remettre, si l’on n’avoit que peu d’ouvrage à faire, & qu’on n’eût besoin que de couleurs claires.

A la forme des anciens réglemens, on ne pouvoit mettre que six livres d’indigo pour chaque balle de pastel, parce qu’on croyoit que la couleur de l’indigo n’étoit pas solide, & qu’il n’y avoit qu’une quantité de pastel qui pût l’assurer & la rendre bonne ; mais par des expériences faites par d’habiles gens, il a été reconnu que la couleur de l’indigo, même employé seul, est toute aussi bonne, & résiste autant à l’action de l’air, du soleil, de la pluie & des débouillis, que celle du pastel. On a réformé cet article dans le nouveau réglement de 1737, & on a permis aux teinturiers de bon teint, d’employer dans leurs cuves de pastel la quantité d’indigo qu’ils jugent à propos.

Lorsqu’une cuve a été réchauffée deux ou trois fois, & que l’on a bien travaille dessus, on conserve souvent le même bain, mais on enleve une partie de la pâtée que l’on remplace par de nouveau pastel. On ne peut prescrire aucune dose sur cela, parce qu’elle dépend du travail que le teinturier a à faire. Il y a des Teinturiers qui conservent plusieurs années le même bain dans leurs cuves, ne faisant que les renouveller de pastel & d’indigo à mesure qu’ils travaillent dessus : d’autres vuident la cuve en entier & changent de bain, lorsque la cuve a été réchauffée six ou sept fois, & qu’elle ne donne plus aucune teinture. Il n’y a qu’un long usage qui puisse apprendre laquelle de ces pratiques est la meilleure ; il est cependant plus raisonnable de croire, qu’en la renouvellant en entier de tems-en-tems, elle donnera des couleurs plus vives & plus belles. Les meilleurs Teinturiers n’agissent pas autrement.

Il faut encore observer de ne pas réchauffer la cuve lorsqu’elle souffre, parce qu’elle se tourneroit en chauffant, & courroit risque d’être entierement perdue ; ensorte que la chaleur acheveroit d’user en peu de tems la chaux qui y étoit déja en trop petite quantité. Si on s’en apperçoit à tems, le remede seroit de la rejetter dans la cuve sans la chauffer davantage, & de la garnir de chaux. On attendroit ensuite qu’elle fût revenue en œuvre pour la réchauffer.

Quand on la réchauffe, il faut prendre garde de mettre de la pâtée dans la chaudiere avec le bain ou brevet. Il faut aussi avoir grande attention de ne la pas chauffer jusqu’à faire bouillir, parce que tout le volatil nécessaire à l’opération s’évaporeroit. Il y a quelques teinturiers, qui, en réchauffant leurs cuves, ne mettent pas l’indigo aussitôt après que le bain est versé de la chaudiere dans la cuve, & qui ne l’y font entrer que quelques heures après, lorsqu’ils voient que la cuve commence à venir en œuvre. Ils ne prennent cette précaution, que dans la crainte qu’elle ne réussisse, & que leur indigo ne soit perdu : mais de cette maniere l’indigo ne donne pas si bien sa couleur ; car on est obligé de travailler sur la cuve, aussi-tôt

qu’elle est en état, afin qu’elle ne se refroidisse pas, & l’indigo n’étant pas tout-à-fait dissout ou tout-à-fait incorporé, de quelque maniere qu’on l’employe, il ne fait pas d’effet. Ainsi il vaut mieux le mettre dans la cuve aussitôt qu’on y a jetté le bain, & la bien pallier ensuite.

On construit en Hollande des cuves qui n’ont pas besoin d’être réchauffées si souvent que les autres. Il y en a de semblables en France. Toute la partie supérieure de ces cuves, à la hauteur de trois piés, est de cuivre. Elles sont de plus entourées d’un petit mur de brique, qui est à sept ou huit pouces de distance du cuivre. On met dans cet intervalle de la braise qui entretient pendant très-long tems la chaleur de la cuve, ensorte qu’elle demeure plusieurs jours de suite en état de travailler sans qu’il soit nécessaire de la réchauffer. Ces sortes de cuves sont beaucoup plus cheres que les autres, mais elles sont très-commodes, sur-tout pour y passer des couleurs fort claires, parce que la cuve se trouve toujours en état de travailler quoiqu’elle soit très-foible ; ce qui n’arrive pas aux autres, qui le plus souvent font la couleur beaucoup plus foncée qu’on ne voudroit, à moins qu’on ne laisse considérablement refroidir ; & en ce cas la couleur n’est plus si bonne & n’a plus la même vivacité. Pour faire les couleurs claires dans des cuves ordinaires, il vaut mieux en poser exprès qui soient fortes en pastel, & foibles en indigo, parce qu’alors elles donnent leur teinture plus lentement, & les couleurs claires se font avec plus de facilité.

Messieurs de Vanrobbais ont quatre de ces cuves à la hollandoise dans leur manufacture, dont la profondeur est de six piés. Les trois piés & demi d’enhaut sont en cuivre, & les deux piés & demi du Las sont de plomb. Le diametre du bas est de quatre piés & demi, & celui du haut de cinq piés quatre pouces, ensorte qu’elles contiennent environ dix-huit muids.

La cuve du vouëde ne differe en aucune façon de celle du pastel, quant à la maniere de la préparer. Le vouëde est une plante qui croît en Normandie, & qu’on y prépare presque de la même maniere que le pastel en Languedoc. La cuve du vouëde se pose comme celle du pastel : toute la différence qu’on peut y trouver, c’est qu’il a moins de force & qu’il fournit moins de teinture.

On fait aussi des cuves d’inde ou d’indigo dont la préparation est très-simple ; on mêle seulement une livre de cendres gravelées avec une livre d’indigo, & on en met dans la cuve une quantité égale, c’est-à-dire autant de livres de cendres que d’indigo ; mais comme ces cuves ne sont pas d’usage pour les teintures de laine, on n’en dira pas davantage.

On fait encore des cuves d’indigo à froid avec de l’urine qui vient en couleur à froid, & sur lesquelles on travaille aussi à froid. On prend une pinte de vinaigre pour chaque livre d’indigo qu’on fait digérer sur les cendres chaudes pendant vingt-quatre heures. Au bout de ce tems, si tout ne paroît pas bien dissout, on le broye de nouveau dans un mortier avec la liqueur, & on y ajoute peu-à-peu de l’urine, & un peu de garence qu’on y délaye bien. Quand cette préparation est faite on la verse dans un tonneau rempli d’urine ; cette sorte de cuve est extremement commode, parce que lorsqu’elle a été mise en état une fois, elle y demeure toujours jusqu’à ce qu’elle soit entierement tirée, c’est-à-dire que l’indigo ait donné toute sa couleur ; ainsi on peut y travailler à toute heure, au-lieu que la cuve ordinaire a besoin d’être préparée dès la veille.

On peut faire encore des cuves chaudes d’indigo à l’urine ; elles se préparent de la même façon à-peu-près que les froides ; mais comme ces cuves ne sont d’usage dans aucune manufacture de teinture ; &