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mais on en tire différens services pour la table, & on en fait des dragées, des conserves, &c. La Médecine en tire aussi quelques secours.

6. Le pistachier à trois feuilles. Cet arbre vient de Sicile. Ses feuilles ne sont composées que de trois folioles, & elles sont d’un verd brun. Les pistaches qu’il rapporte sont d’aussi bon goût que celle du pistachier ordinaire.

Il est nécessaire d’observer que dans chacune des especes de térébinthe & de pistachier que l’on vient de détailler, il se trouve encore une différence individuelle, en ce que chaque sorte a des individus mâles & des individus femelles, & que ceux-ci ne sont d’aucun rapport & demeurent constamment dans la stérilité, s’ils ne sont secondés par un individu mâle ; d’où il résulte que si l’on veut avoir des fruits, il faut que les deux especes mâles & femelles soient plantées près l’une de l’autre, c’est-à-dire à une distance peu éloignée, comme à dix, douze ou quinze piés. Cependant les Siciliens ont un moyen de suppléer au défaut de proximité, en prenant sur un arbre mâle une branche garnie de plusieurs grappes de fleurs épanouies, qu’ils attachent à l’arbre femelle ; mais cette pratique n’est point en usage en Provence. Il est bon d’observer encore que la fécondité peut se faire entre un individu mâle & un individu femelle d’especes différentes ; par exemple un térébinthe mâle peut servir à féconder un pistachier femelle. Article de M. d’Aubenton le subdélégué.

Térébinthe, (Critiq. sacr.) comme cet arbre résineux étoit fort commun dans la Judée, qu’il fait beaucoup d’ombre & étend ses branches au loin, la sagesse dont la force & l’efficacité se répand de toutes parts, se compare à un térébinthe, Eccl. xxjv. 22. D’un autre côté, Isaïe, vj. 13. compare le peuple juif à un térébinthe mort, dont les branches seches couvrent un grand espace de terrein. On prétendoit par tradition (car la Gén. xviij. 4. ne nomme pas l’arbre) que ce fut sous un térébinthe qu’Abraham reçut les trois anges ; & Eusèbe rapporte que ce prétendu térébinthe étoit encore de son tems en grande vénération. La crédulité religieusement stupide peut tout adopter. (D. J.)

TÉRÉBRATION, s. f. (Botan.) art de tirer le suc des arbres en les perçant. Il y a dans les plantes des sucs aqueux, vineux, oléagineux, gommeux, résineux, bitumineux ; il y en a de toutes sortes de couleurs & de qualités. Ces sucs sortent quelquefois d’eux-mêmes & se coagulent en gomme. Quelquefois ils sortent par incision de leur écorce, comme sont les sucs de la scamonée, du pavot, &c. qu’on fait ensuite dessécher au soleil. On tire des sucs par contusion, par expression ou par la distillation.

Mais il y a une nouvelle maniere de tirer des sucs, particulierement les sucs des arbres. Elle se fait par la térébration ; c’est-à-dire en perçant le tronc d’un arbre avec une tariere, lorsque la seve vers le commencement du printems commence à monter. Cette maniere a été inconnue aux anciens, du-moins on ne sache pas qu’aucun en ait fait mention ; nous tenons cette invention des Anglois. L’immortel Bacon, chancelier d’Angleterre, parle de cette térébration ; mais il ne la propose que comme un remede pour faire mieux fructifier les arbres : c’est pour cela qu’il la compare à la saignée. On a bien enchéri sur les premieres vues de Bacon. Les Anglois ont mis la térébration en regle & l’ont réduite en méthode. Ensuite ils ont trouvé que ces sucs tirés par cette térébration méthodique pouvoit avoir de grandes utilités.

Voici l’ordre qu’il y faut garder, selon le docteur Tonge : Il y a, dit-il, différentes manieres de tirer le suc d’un arbre. Pour en avoir beaucoup, il ne suffit pas d’entamer l’arbre légerement avec un couteau. Il faut percer le tronc du côté du midi, passer au-delà

de la moëlle, & ne s’arrêter qu’à un pouce près de l’écorce, qui est du côté du septentrion. On doit conduire la tariere de telle sorte que le trou monte toujours, afin de donner lieu à l’écoulement de la seve.

Il est bon d’observer que le trou doit être fait proche de la terre ; premierement pour ne point gâter le tronc de l’arbre ; secondement, afin qu’il ne soit pas besoin d’un long tuyau pour conduire la seve dans le vaisseau qui la doit recevoir.

Une racine coupée par l’extrémité rend plus de suc qu’une branche, parce qu’il en monte au-dessus de la racine plus qu’au-dessus de la branche ; aussi l’écoulement doit être plus abondant. Il est probable que plus les arbres approchent de leur perfection, plus il en distille de seve.

Il y a aussi plus de sels dans la racine que dans l’écorce ; plus dans les végétaux durant le printems que durant l’automne ; parce que durant les mois d’été les sucs salins s’évaporent en partie, & en partie mûrissent par l’action & le mélange de la lumiere.

C’est une observation de Théophraste, que quand les plantes & les arbres poussent, c’est alors qu’ils ont le plus de seve ; mais lorsqu’ils cessent de germer & de produire, alors leur seve a le plus de force, & caractérise mieux la nature de la plante ; & qu’à cause de cela les arbres qui rendent la résine, ne doivent être incisés qu’après leur pousse. Il y a aussi tout lieu de penser que le suc des vieux arbres dont les parties organiques ne forment point de nouvelle seve, est plus mûr que celui des autres.

Ainsi le tems de percer les arbres pour en extraire le suc, c’est depuis la fin de Janvier jusqu’au milieu du mois de Mai. Le noyer ne se doit percer qu’à la fin de Mars. M. Midfort, homme d’une attention merveilleuse à ramasser & à conserver des sucs, assure que le peuplier & le frêne sont inondés de seve à la fin de Mars, & que le sycomore donne des sucs même en pleine gelée.

Les arbres ne donnent aucun suc en automne, & n’en donnent au printems qu’environ durant un mois. Quand le printems est trop sec, on tire très-peu de seve ; s’il est fort humide, il en distille davantage, & toujours à proportion de ce qu’il en monte par les pores du tronc.

La térébration ou le percement des arbres se fait avec plus de succès à midi, dans la chaleur du jour, parce que les sucs sont d’ordinaire plus en mouvement. La chaleur fait monter la seve, c’est un alembic fait de la main de la nature, & les alembics artificiels n’en sont que des copies.

Les arbres qui fournissent abondamment des sucs sont le peuplier, le frêne, le plâne ou sycomore, le saule, le bouleau, le noyer, le chêne, l’ormeau, l’érable, &c.

M. Ratrai, savant écossois, dit qu’il sait par sa propre expérience, que dans le printems on pourra en un mois tirer du bouleau une assez grande quantité de seve, pour égaler le poids de l’arbre avec ses branches, ses feuilles & ses racines.

Le docteur Hervey est descendu de la térébration des arbres à la ponction des plantes. Il a trouvé le secret de tirer des têtes des pavots l’opium le plus pur. Il commence par exposer au soleil durant quelques heures les plantes entieres, ensuite il en pique les têtes, & en peu de tems il en tire plein une tasse de suc de pavot, qui est l’opium véritable. Mais ce qu’on a déja essayé de faire sur les pavots, se peut aussi pratiquer sur les péones mâles & sur plusieurs autres plantes singulieres dont on célebre les vertus. On se flatte d’obtenir par la térébration les gommes, les résines, les teintures, les sels, les odeurs.

On conjecture que les sucs qui coulent d’eux mêmes, sont plus efficaces que les sucs & les extraits qu’on fait en chimie, parce que dans ces prépara-