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pluies, à toute l’humidité de l’air, & y meurt naturellement. Cette cochenille est toujours plus menue que la cochenille fine ou cultivée. Sa couleur est meilleure & plus solide que celle qu’on tire de la cochenille fine ; mais elle n’a jamais le même éclat : & d’ailleurs il n’y a pas de profit à l’employer, puisqu’il en faut quatre parties, & quelquefois davantage pour tenir lieu d’une seule partie de cochenille fine.

Coucoume ou terra merita, est une racine qui est apportée des Indes orientales. On la réduit en poudre très-fine pour s’en servir ; c’est un ingrédient colorant qui n’est pas de bon teint, cependant on s’en sert pour donner plus de feu à l’écarlate, & quelquefois pour dorer les jaunes faits avec la gaude.

Coques ou brou de noix, ingrédient servant au grand & petit teint : tout le monde en sait l’origine.

Couperose, se tire des mines de Flandre, de Liege & d’Angleterre ; il y en a des mines dans les Pyrénées du côté de la France, mais elle est plus grosse & plus argilleuse ; c’est un ingrédient colorant affecté au grand & petit teint.

Eau de galle, composition pour la teinture des soies ; c’est l’engalage même, ou l’eau dans laquelle la galle est infusée : cet ingrédient est non colorant.

Eau-forte, ingrédient non colorant dont la composition est très-connue, affecté au bon teint.

Eaux sûres, ingrédient non colorant, affecté au grand teint. C’est une composition faite du son de froment bouilli dans de l’eau, qu’on laisse reposer pour en faire usage.

Écorce d’aune, écorce de noyer, ingrédient colorant affecté au grand & petit teint ; chacun en connoît l’origine.

Esprit-de-vin, ingrédient non colorant, affecté au grand & bon teint, dont l’origine ou composition est connue.

Estain, idem.

Farine de blé, affectée au grand teint.

Farine de pois, idem.

Fénu-gret ou fenu-grec, herbe qui croît en France, ingrédient non colorant du bon & grand teint, servant à aviver les couleurs.

Feuilles de noyer, ingrédient colorant du grand & du petit teint.

Fustel ou fustet, petit bois qui se tire de Provence. Il donne une couleur orangée qui n’est pas solide, & ne s’emploie que dans le petit teint, comme la racine de noyer ou le brou de noix.

Galle d’épine, d’Alep, & d’Alexandrie, se tire des pays dont elle porte le nom, ingrédient qui croît sur les chênes, qui est affecté au grand & petit teint. Il est colorant, les meilleurs viennent d’Alep & de Tripoli.

Garence, ingrédient colorant du grand & bon teint, racine qui vient naturellement dans la plûpart des provinces du royaume, qui est cultivée avec soin dans la Flandre & dans la Zélande, & dont la meilleure se recueille aux environs de l’Isle, dont la culture & l’entretien sont fort faciles. Elle croît dans les terres médiocrement bonnes & qui ne sont pas trop arides, quoiqu’il soit nécessaire d’empêcher que l’eau n’y croupisse pas, parce qu’elle la pourriroit.

Les terres dans lesquelles on desire semer la garence, doivent être profondément rompues & fumées avant l’hiver ; celles qui sont un peu sablonneuses donnent plus de facilité à la garence de grossir sa racine ; celles qui seroient trop seches produiroient le même effet.

La garence se seme ordinairement au mois de Mars, & se couvre seulement avec la herse ou le rateau, pour que la terre soit plus unie. Il faut avoir soin de choisir & arracher les herbes étrangeres, principalement dans le commencement, afin qu’elles n’attirent pas la substance de la terre, & ne mê-

lent pas leurs racines avec celles de la garence,

qu’elles empêcheroient de croître & de grossir.

Il faut laisser grossir la racine de la garence avant de l’arracher, ce qui ne sauroit être que dix-huit mois après qu’elle a été semée. On commence de cueillir la plus grosse dans le mois de Septembre, & ayant coupe la feuille des racines qui resteront rez de terre, lorsque la graine se trouvera assez mûre pour être recueillie, on couvrira bien de terre le reste des racines, pour les laisser grossir jusqu’au mois de Septembre suivant, qu’on pourra aussi arracher les plus grosses ; & ainsi consécutivement d’année en année au mois de Septembre, pendant huit ou dix ans que la garenciere demeurera toujours peuplée, soit des racines qu’on y aura laissées pour les laisser grossir, ou soit de celles qui resteront au fond de la terre, ou qui se formeront des filamens, petits oignons ou reste des autres racines qu’on aura arrachées : après quoi il sera besoin de renouveller autre part la garenciere, parce que cette terre sera alors plus propre pour le blé que pour la remettre en garenciere. La garence produit si facilement, que sa tige même couchée en terre, prend racine, & sert à repeupler la garenciere qui a été trop épuisée de sa racine.

La garenciere se peut aussi refaire avec le plant, en amassant toutes les petites racines dela vieille garenciere pour les replanter.

La racine de la garence étant arrachée, est mise secher au soleil ; ou bien dans les pays fort chauds, on la fait secher à l’ombre, pour lui conserver plus de substance & de couleur ; elle doit être mise au moulin ensuite pour la réduire en poudre, & pour être ensuite bien ensachée ou empaquetée dans de doubles sacs, afin qu’elle ne s’évente, pour être ensuite employée. La garence qui est fraîche fait la couleur plus vive, celle qui est faite d’un an, donne davantage de couleur ; mais celle qui vieillit trop, en perdant de sa couleur, perd aussi de sa vivacité, devenant terne & rendant sa couleur de même.

Les étrangers vendent des garences sous le nom de billon de garence, qui bien souvent n’est que de la terre rougeâtre, mêlée avec quelque poussiere de la garence, ou de la grappe de celle qui a déja été employée dans leurs pays, ce qui est une fraude des plus grandes ; le public se trouvant trompé par la fausse teinture, qui n’ayant point de couleur, ne sert qu’à ronger la laine des étoffes où la terre s’attache. On ne s’est étendu sur la description de cette plante, que parce que de tous les ingrédiens affectés au bon teint, il n’en est point de si utile que la garence, & peu de couleur où elle n’entre.

La garouille est un ingrédient colorant du bon teint, ou plante qui croît en Provence, Languedoc & Roussillon.

La gaude, ingrédient colorant du bon & grand teint, est une plante qui vient naturellement ou par culture, dans presque toutes les provinces de la France. Il faut la faire sécher lorsqu’elle est cueillie, & empêcher qu’elle ne se mouille pas ; on ne doit pas la cueillir qu’elle ne soit bien mûre.

La genestrolle est une plante, de même que la gaude, ingrédient du bon teint.

Gravelle, ingrédient non colorant, qui provient de la lie de vin, de même que le tartre.

Guesde, la cuve du bleu composée. Le lieu où sont les cuves pour le bleu est aussi nommé guesde.

Indigo, ingrédient colorant du grand & bon teint, est la fécule d’une plante qu’on nomme nil ou anil. Pour faire cette fécule, on a trois cuves, l’une au-dessus de l’autre, en maniere de cascade. Dans la premiere, qu’on appelle trempoire ou pourriture, & qu’on remplit d’eau ; on met la plante chargée de ses feuilles, de son écorce & de ses fleurs. Au bout de quel-