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retire ; & lors ils passent par le Cocyte, ou le Péryphlégéton, delà ils vont au lac Acherusia, où ils appellent par leur nom ceux qu’ils ont tués, & les supplient instamment de souffrir qu’ils sortent de ce lac, & de leur faire la grace de les admettre en leur compagnie. S’ils peuvent obtenir d’eux cette faveur, ils sont d’abord délivrés de leurs maux, sinon ils sont de nouveau rejettés dans le tartare ; ensuite une autre année ils reviennent au fleuve, comme ci-devant, & réiterent toujours leurs prieres, jusqu’à ce qu’ils aient fléchi ceux qu’ils ont offensés. C’est la peine établie par les juges.

Quelques mythologistes croient que l’idée du tartare, a été formée sur le Tartesse des anciens, qui étoit une petite île à l’embouchure du Bétis, aujourd’hui Guadalquivir en Espagne : mais c’est plutôt du fameux labyrinte d’Egypte qu’est tirée la prison du tartare, ainsi que toute la fable des enfers. (Le chevalier de Jaucourt.)

Tartares ou Tatars, (Géogr. mod.) peuples qui habitent presque tout le nord de l’Asie. Ces peuples sont partagés présentement en trois nations différentes ; savoir, 1°. les tartares ainsi nommés ; 2°. les Callmoucks ; 3°. les Moungales : car les autres peuples payens dispersés par toute la Sibérie, & sur les bords de la mer Glaciale, sont proprement des peuples sauvages, séparés, quoique descendant des anciens Tartares.

Les Tartares particulierement ainsi nommés, professent tous le culte mahométan, quoique chez la plûpart ce culte tient beaucoup plus du paganisme, que du mahométisme. Tous les Tartares se subdivisent en plusieurs nations, qu’il importe de faire connoître : les principales sont.

1°. Les Tartares Barabinskoi ; 2°. les Tartares Baskirs, & ceux d’Uffa ; 3°. les Tartares de Budziack. 4°. les Tartares Calmoucks ; 5°. les Tartares de la Casatschia Orda ; 6°. les Tartares de la Crimée ; 7°. les Tartares Circasses ; 8°. les Tartares du Daghestan ; 9°. les Tartares Koubane ; 10°. les Tartares Moungales ; 11°. les Tartares Nogais ; 12°. les Tartares Telangouts ; 13°. les Tartares Tonguses ; 14°. les Tartares de la grande Boucharie. 15°. Enfin les Tartares Usbecks.

Les Tartares Barabinskoi, sont des peuples payens de la grande Tartarie. Ils habitent le désert de Baraba, qui s’étend entre Tara & Tomskoi ; ils demeurent dans des huttes creusées en terre, avec un toit de paille, soutenu par des pieux élevés de trois piés ; cette nation est tributaire du czar.

Les Tartares Baskirs, ou de Baskain & d’Uffa, occupent la partie orientale du royaume de Casan, & les Tartares d’Uffa occupent la partie méridionale. Les uns & les autres sont grands & robustes ; ils ont le teint un peu basané, les cheveux noirs, & les sourcils fort épais ; ils portent une robe longue de gros drap blanc, avec une espece de capuchon attaché dont ils se couvrent la tête en hiver. Les femmes sont habillées à la façon des paysanes de Russie, sur-tout depuis qu’ils sont soumis à cette couronne ; leur langue est un mélange de langue tartare & russienne. Quoiqu’ils observent encore la circoncision, & quelques autres cérémonies mahométanes, ils n’ont plus aucune connoissance de l’alcoran, & n’ont par conséquent ni moullhas, ni mosquées ; ensorte que leur religion tient beaucoup du paganisme, chez ceux qui n’ont pas embrassé le culte grec. Comme le pays qu’ils habitent est situé entre les 52 d. 30. de longitude, & le 57. d. de latitude ; ce pays est fertile en grains, en fruits, en miel & en cidre. Aussi les Tartares Baskirs & d’Uffa, sement de l’orge, de l’avoine & d’autres grains, habitent dans des villages bâtis à la maniere de Russie, & se nourrissent de leur bétail & de la chasse.

Les Tartares de Budziack, habitent vers le rivage occidental de la mer Noire, entre l’embouchure du Danube & la riviere de Bog. Quoique ces Tartares soient une branche de ceux de la Crimée, & qu’ils en aient la religion & les coutumes, cependant ils vivent indépendans de la Porte, & du chan de la Crimée. Ils n’obéissent qu’à des murses, chefs des différens ordres qui composent leur corps. Ils font même quelquefois des incursions sur les terres des Turcs, & se retirent chez eux après le pillage. On dit que leur nation peut faire environ trente mille hommes.

Les Tartares Callmoucks, occupent une grande partie du pays qui est entre le Mongul & le Wolga. Ils sont divisés en plusieurs hordes particuliers, qui ont chacune leur aucoes, ou chan, à part. Les Callmoucks n’ont point d’habitation fixe, mais seulement des tentes de feutre, avec lesquelles ils campent & décampent en un instant. Ils se mettent en marche au printems, le long des pâturages, sur les bords du Wolga, & menent avec eux quantité de chameaux, de bœufs, de vaches, de chevaux, de moutons & de volailles. Ils viennent de cette maniere en forme de caravanes à Astracan, avec toutes leurs familles pour y commercer. Ils échangent leurs bestiaux pour du blé, du cuivre, du fer, des chauderons, des couteaux, des ciseaux, du drap, de la toile, &c.

Les Callmoucks sont robustes & guerriers. Ils y en a toujours un corps dans les troupes du czar, suivant le traité d’alliance fait avec eux, & ce corps monte à environ six mille hommes.

Les Tartares de la Casatschia Orda, sont une branche des Tartares mahométans, qui habitent dans la partie orientale du pays de Turkestan, entre la riviere de Jemba & celle de Sirth. Ils ont la taille moyenne, le teint fort brûlé, de petits yeux noirs brillans & la barbe épaisse. Ils coupent leurs cheveux qu’ils ont extrêmement forts & noirs, à quatre doigts de la tête, & portent des bonnets ronds d’un empan de hauteur, d’un gros drap ou feutre noir, avec un bord de pelleterie ; leur habillement consiste dans une chemise de toile de coton, des culottes de peau de mouton, & dans une veste piquée de cette toile de coton, appellée kitaiha par les Russes ; mais en hiver ils mettent par-dessus ces vestes une longue robe de peau de mouton, qui leur sert en été de matelats ; leurs bottes sont fort lourdes & faites de peau de cheval, de sorte que chacun peut les façonner lui-même ; leurs armes sont le sabre, l’arc & la lance, car les armes à feu sont jusqu’à présent fort peu en usage chez eux.

Ils sont toujours à cheval, en course, ou à la chasse, laissant le soin de leurs troupeaux & de leurs habitations à leurs femmes, & à quelques esclaves. Ils campent pour la plûpart sous des tentes ou hutes, vers les frontieres des Callmoucks & la riviere de Jemba, pour être à portée de butiner. Dans l’été ils passent fort souvent les montagnes des Aigles, & viennent faire des courses jusque bien avant dans la Sibéric, à l’ouest de la riviere d’Irtis.

Les Cara-Kalpaks, qui habitent la partie occidentale du pays de Turkestan, vers les bords de la mer Caspienne, sont les fideles alliés & parens des Tartares de la Casatschia Orda, & les accompagnent communément dans leurs courses, lorsqu’il y a quelque grand coup à faire.

Les Tartares de la Casatschia-Orda, font profession du culte mahométan, mais ils n’ont ni alcoran, ni moulhas, ni mosquées, ensorte que leur religion se réduit à fort peu de chose. Ils ont un chan qui réside ordinairement en hiver dans la ville de Taschkant, & qui en été va camper sur les bords de la riviere de Sirth, & les frontieres des Callmoucks ; mais leurs