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glise. Sa douceur envers les autres sectes, & les Apollinaristes en particulier, lui attira une lettre de Grégoire de Naziance, où il le pressoit de sévir contre les hérétiques, & de gagner l’empereur Théodose. Il mourut en 397, & les Grecs l’honorent dans quelques-uns de leurs livres, comme un saint ; il étoit du moins un évêque sage, modéré & pieux. (Le chevalier de Jaucourt.)

Tarse ou plutôt Tarson, (Géog. mod.) en latin Tarsus ; cette ville d’Asie autrefois la plus belle de la Cilicie, n’est aujourd’hui qu’un tas de ruines, dans la Caramanie, à huit lieues d’Adana. Il y a dans le voisinage de ses ruines une église d’Arméniens passablement belle. Latit. 37. 12. (D. J.)

TARSIA, (Géog. mod.) petite ville, ou pour mieux dire, bourg d’Italie, au royaume de Naples, dans la Calabre citérieure, environ à douze milles au midi de Cassano. On croit communément que c’est l’ancienne Caprasae. (D. J.)

TARSIUM, (Géog. anc.) ville de la basse Pannonie, selon Ptolomée, l. II. c. xvj. C’est la ville de Tarsum d’Aurelius Victor, epitom. p. 51, qui dit que les empereurs Tacite & Maximin y finirent leurs jours. (D. J.)

TARSO, s. m. (Hist. nat.) nom que l’on donne en Italie à des petits cailloux blancs roulés & arrondis, qui se trouvent en grande abondance dans le lit de la riviere d’Arne qui passe à Florence. On s’en sert pour composer la fritte du verre blanc appellé crystal. On en trouve aussi près de la ville de Pise au pié du mont Verrucola, & près de Massa, suivant Néri, qui prétend que ces pierres sont une espece de marbre : mais il est visible qu’il se trompe en cela, vû que le marbre ne seroit point propre à entrer dans la composition du verre qu’il rendroit laiteux, étant une pierre calcaire ; ainsi le tarso doit être regardé comme une espece de caillou ou de quartz, roulé & arrondi par le mouvement des eaux.

TARSURA, (Géog. anc.) fleuve de la Colchide. Arrien met son embouchure entre celles des deux fleuves Singames & Hippus. (D. J.)

TARTANE, s. f. (Marine.) c’est une barque dont on se sert sur la Méditerranée, qui ne porte qu’un arbre de mestre ou un grand mât, & un mât de misaine. Lorsqu’il fait beau, sa voile est à tiers point, & on fait usage d’un tréou de fortune dans les gros tems. Voyez Tréou. Cette mâture forme la principale différence qu’il y a de ce bâtiment à une barque ; je dis la principale différence, parce que les dimensions de ces deux bâtimens ne sont point semblables, comme on en jugera, en comparant celle d’une barque avec les suivantes.

Proportions d’une tartane. Longueur de la quille portant sur terre, piés. pouces.
38
Epaisseur de la quille, 0 5
Largeur de la quille, 0 7
Hauteur de la façon de l’arriere, 3 3
Hauteur de la façon de l’avant, 3 3
Hauteur du premier querat en avant, 9 0
Hauteur du second querat en avant, 11 0
Hauteur de l’étrave, 14 0
Guête de l’étrave, 12 0
Hauteur de l’étambord, 14 3
Quête de l’étambord, 4 6
Hauteur du premier querat en arriere, 9 0
Hauteur du second querat en arriere, 11 0
Largeur de la préceinte, 0 5
Epaisseur de la préceinte, 0 4
Largeur du maître gabarit, 15
Hauteur du premier querat au milieu, 4
Hauteur du fond de cale, 7
Hauteur du plat-bord, 9

TARTARE, s. m. (Mytholog.) lieu du supplice des tyrans & des coupables des plus grands crimes.

C’est l’abîme le plus profond sous la terre. Le mot ταρταρίζειν se trouve dans Plutarque pour geler ou trembler de froid ; & d’autres auteurs, comme Hésiode, s’en sont aussi servi dans ce sens, parce qu’ils pensoient, que qui dit le primum obscurum dans la nature, dit aussi le primum frigidum.

Homere veut que cette prison ne soit pas moins éloignée des enfers en profondeur, que les enfers le sont du ciel. Virgile ajoute qu’elle est fortifiée de trois enceintes de murailles, & entourée du Phlégéton, torrent impétueux, dont les ondes enflammées entraînent avec fracas les débris des rochers ; une haute tour défend cette affreuse prison, dont la grande porte est soutenue par deux colonnes de diamans, que tous les efforts des mortels & toute la puissance des dieux ne pourroient briser ; couverte d’une robe ensanglantée, Tisiphone est assise nuit & jour à la porte de cette prison terrible, qui retentit de voix gémissantes, de cruels coups de fouet & d’un bruit affreux de chaînes. Mais je suis bien ridicule de ne pas laisser parler le prince des poëtes dans son beau langage.


Sub rupe sinistrâ
Mœnia lata videt triplici circumdata muro :
Quæ rapidus flammis ambit torrentibus amnis
Tartareus Phlegeton, torquetque sonantia saxa ;
Porta adversa ingens, solidoque adamante columnæ
Vis ut nulla virûm, non ipsi exscindere ferro
Cœlicolæ valeant : stat ferrea turris ad auras.
Tisiphoneque sedens, palla succincta cruentâ,
Vestibulum insomnis servat noctesque diesque,
Hinc exaudiri gemitus, & sæva sonare
Verbera ; tùm stridor ferri, tractæque catenæ.
Constitie Æneas, strepitumque exterritus hausit.

Æn. lib. VI. v. 548.

Un de nos poëtes lyriques s’est aussi surpassé dans la description du tartare ; lisons-la.

Qu’entens-je ! le tartare s’ouvre,
Quels cris ! quels douloureux accens !
A mes yeux la flamme y découvre
Mille supplices renaissans.
Là sur une rapide roue,
Ixion dont le ciel se joue,
Expie à jamais son amour.
Là le cœur d’un géant rebelle
Fournit une proie éternelle
A l’avide faim d’un vautour.

Autour d’une tonne percée
Se lassent ces nombreuses sœurs,
Qui sur les freres de Lincée
Vengerent de folles terreurs ;
Sur cette montagne glissante
Elevant la roche roulante,
Sisiphe gémit sans secours ;
Et plus loin cette onde fatale
Insulte à la soif de Tantale,
L’irrite, & le trahit toujours.

Si l’on trouvoit dans toutes les odes de M. de la Motte le feu & la verve qui brillent dans celle-ci, elles auroient eu plus d’approbateurs ; mais c’est Milton qui a le mieux réussi de tous les modernes dans la peinture du tartare. Elle glace d’effroi, & fait dresser les cheveux de ceux qui l’a lisent.

Selon l’opinion commune, il n’y avoit point de retour, ni de grace à espérer pour ceux qui étoient une fois précipités dans le tartare : Platon néanmoins n’embrasse pas tout-à-fait ce sentiment. Ceux, dit-il, qui ont commis ces grands crimes, mais qui ne sont pas sans remede, comme ceux qui sont coupables d’homicide, mais qui en ont eu ensuite du regret, ceux là sont nécessairement précipités dans le tartare ; & après y avoir séjourné une année, un flot les en