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l’eau, & nage à merveille ; sa chair est d’un fort mauvais goût, mais les naturels du pays s’en accommodent. (D. J.)

TAPIROUSSOU, s. m. (Hist. nat.) grand animal quadrupede du Brésil. Il est de la grandeur d’un bœuf, mais il n’a point de cornes, son cou est plus court, ses oreilles sont longues & pendantes, ses piés ne sont point fendus, & semblables à ceux d’un âne ; sa queue est courte, ses dents sont aiguës & tranchantes ; son poil est assez long & d’une couleur rougeâtre. Les Sauvages le tuent à coups de fleches, ou le prennent dans des piéges. Sa peau sert à leur faire des boucliers ; lorsqu’elle a été séchée, elle est à l’épreuve de la fleche. La chair de cet animal, soit fraîche, soit boucannée, est très-bonne, & ressemble à celle du bœuf.

TAPIS, s. m. (Comm.) espece de couverture travaillée à l’aiguille sur le métier, pour mettre sur une table, sur une armoire, ou même sur le carreau. Les tapis de Perse & de Turquie sont les plus estimés, sur-tout les premiers. Les tapis qui n’ont que du poil ou de la pluche sur un côté seulement, étoient nommés par les anciens tapetes ; & ceux qui en avoient des deux côtés, amphitapetes.

Les tapis qui viennent en France des pays étrangers (car il ne s’agit pas ici de ceux de ses manufactures), sont des tapis de Perse & de Turquie, ceux-ci ou velus ou ras, c’est-à-dire ou à poil court, ou à long poil. Les uns & les autres se tirent ordinairement de Smyrne ; il y en a de trois sortes. Les uns qu’on appelle mosquets, se vendent à la piece suivant leur grandeur & leur finesse, & sont les plus beaux & les plus fins de tous. Les autres se nomment tapis de pié, parce qu’on les achete au pié quarré. Ce sont les plus grands de ceux qui s’apportent du Levant. Les moindres tapis qu’on reçoit de ce pays, se nomment cadene. (D. J.)

Tapis. Manufacture royale de tapis façon de Turquie, établie à la Savonnerie au fauxbourg de Chaillot, près Paris. Les métiers pour fabriquer les tapis façon de Turquie, sont montés comme ceux qui servent à faire les tapisseries de haute-lisse aux Gobelins, c’est-à-dire, que la chaîne est posée verticalement ; savoir, le rouleau ou ensuple des fils en-haut, & celui de l’étoffe fabriquée en bas.

La façon de travailler est totalement différente de celle de faire la tapisserie. Dans le travail des tapis, l’ouvrier voit devant lui l’endroit de son ouvrage, au lieu que dans la tapisserie, il ne voit que l’envers.

L’ourdissage des chaînes est différent aussi ; dans celles qui sont destinées pour les tapis, l’ourdisseur ou l’ourdisseuse doit avoir soin de ranger les fils de façon que chaque portée de dix fils ait le dixieme d’une couleur différente des neuf autres qui tous doivent être d’une même couleur, afin de former dans la longueur une espece de dixaine.

Le dessein du tapis doit être peint sur un papier tel que celui qui sert aux desseins de fabrique, mais beaucoup moins serré, puisqu’il doit être de la largeur de l’ouvrage que l’on doit fabriquer. Chaque carreau du papier doit avoir 9 lignes verticales, & une dixieme pour faire la distinction du quarré qui réponde au dixieme fil de la chaîne ourdie.

Outre ces lignes verticales, le papier est encore composé de dix lignes horisontales chaque carreau, qui coupent les dix lignes verticales, & servent à conduire l’ouvrier dans le travail de son ouvrage.

Les lignes horisontales ne sont point distinguées sur la chaîne comme les verticales, mais l’ouvrier supplée à ce manquement par une petite baguette de fer, qu’il pose vis-à-vis la ligne horisontale du dessein lorsqu’il veut fabriquer l’ouvrage.

Le dessein est coupé par bandes dans sa longueur,

pour que l’ouvrier ait moins d’embarras, & chaque bande contenant plus ou moins de carreaux est posée derriere la chaîne vis-à-vis l’ouvrier.

Lorsque l’ouvrier veut travailler, il pose sa baguette de fer vis-à-vis la ligne horisontale du dessein, & passant son fuseau sur lequel est la laine ou soie de la couleur indiquée par le dessein, il embrasse la baguette de fer & le fil de la chaîne un par un jusqu’à la dixieme corde, après quoi il s’arrête, & prenant un fil il le passe au-travers de la même dixaine, de façon qu’il y en ait un pris & un laissé, après quoi il en passe un second où il laisse ceux qu’il a pris, & prend ceux qu’il a laissés, ce qui forme une espece de gros-de-tours ou taffetas, qui forme le corps de l’étoffe, ensuite avec un petit peigne de fer il serre les deux fils croisés qu’il a passé, de façon qu’ils retiennent le fil de couleur, qui forme la figure du tapis serré, de façon qu’il peut les couper sans craindre qu’ils sortent de la place où ils ont été posés.

La virgule de fer sur laquelle les fils de couleur sont passés est un peu plus longue que la largeur de la dixaine : elle est courbée du côté droit, afin que l’ouvrier puisse la tirer, & du côté opposé elle a un tranchant un peu large, ce qui fait que quand l’ouvrier la tire, elle coupe tous les fils dont elle étoit enveloppée ; que si par hazard il se trouve quelques fils plus longs les uns que les autres après que la virgule est tirée, pour lors l’ouvrier avec des ciseaux a soin d’égaliser toutes les parties.

En continuant le travail, il faut que l’ouvrier passe dix fois la baguette dans le carreau, pour que son ouvrage soit parfait ; quelquefois il n’en passe que huit, si la chaîne est trop serrée, parce que la chaîne doit être ourdie & serrée proportionnellement aux lignes verticales du dessein. Quoique toutes les couleurs différentes soient passées dans toute la largeur de l’ouvrage ; néanmoins il est indispensable d’arrêter & de couper dixaine par dixaine, attendu que si avec une baguette plus longue, on vouloit aller plus avant ou en prendre deux, la quantité de fils ou soie de couleur dont elle se trouveroit enveloppée, empêcheroit de la tirer, & c’est la raison qui fait que chaque dixaine on coupe, ce qui n’empêche pas néanmoins, que si la même couleur est continuée dans la dixaine suivante, on ne continue avec la même laine ou soie dont le fil n’est point coupé au fuseau.

Les jets de fils que l’ouvrier passe pour arrêter la laine ou soie qui forment la figure de l’ouvrage, doivent être passés & encroisés dans tous les travers où il se trouve de la laine ou soie arrêtée, il n’en faut pas moins de deux passées ou jettées bien croisées, & bien serrées, parce qu’elles forment ce qu’on appelle trame dans les velours ciselés, & composent, avec la croisée de la chaîne, ce que nous appellons ordinairement le corps de l’étoffe.

Tapis de lit, (Littérat.) les tapis de pourpre servoient pour les lits des tables chez les Grecs & les Romains. Théocrite, Idylle 115, en parlant des lits préparés pour Vénus dans la fête d’Adonis, n’oublie point les tapis de la pourpre faits à Milet & à Samos. Horat. sat. vj. fait aussi mention de ces tapis ou couvertures de pourpre étendues sur des lits d’ivoire.

In locuplete domo vestigia, rubro ubi croco
Tincta super lectos canderet vestis eburnos.

Ce n’étoit pas seulement le prix de la matiere, mais aussi l’excellence de l’ouvrage, & entr’autres des représentations de figures gigantesques, ou de fables héroïques, qui anciennement rehaussoient déja la beauté de ces sortes de tapis ; témoin celle du lit nuptial de Thétis, dont parle Catulle, & qu’il appelle, pour le dire en passant du nom général de Vestis, comme fait Horace à son exemple dans le passage,